République démocratique du Congo
14.01.22
Interventions urgentes

République démocratique du Congo: Menaces, intimidations et injures à l'encontre de Dismas Kitenge

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

COD 001 / 0122 / OBS 003
Menaces / Injures /
Intimidations
République démocratique du Congo
14 janvier 2022

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir dans la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé des menaces, intimidations, injures et actes de dénigrement à l’encontre de M. Dismas Kitenge, président du Groupe Lotus[1].

Le 10 janvier 2022, entre 16h et 18h, Dismas Kitenge a reçu deux appels de numéros masqués et un appel d’un numéro identifiable, provenant de personnes non identifiées se présentant comme des généraux de l’armée congolaises. Ces derniers se sont déclarés déçus des déclarations de M. Kitenge au sujet du meurtre d’un soldat de la garde républicaine dans la nuit du 31 décembre 2021 au 1er janvier 2022 à Kisangani, province de la Tshopo[2]. Ces individus ont accusé M. Kitenge d’être un voleur, de prendre faits et causes pour la libération du Dr Eric Jakwonga Upoki, emprisonné dans le cadre de l’enquête sur la mort du soldat[3], et lui ont assuré qu’il serait considéré comme responsable en cas de soulèvement des militaires car il a minimisé le meurtre du soldat de la garde républicaine. Ces personnes non identifiées ont également qualifié Dismas Kitenge d’ennemi de l’armée et l’ont accusé de travailler pour le compte de l’étranger. Ils lui ont dit connaître son lieu de résidence et celui de toute sa famille et qu’il n'allait pas leur échapper.

Les 10 et 11 janvier 2022, l’avocat général militaire instructeur du dossier du Dr Eric Jakwonga Upoki et l’auditeur militaire supérieur de la province de Tshopo ont reçu des délégations du syndicat national des médecins (Synamed), de l’ordre des médecins et des députés provinciaux, pour recueillir des informations et des témoignages et discuter du dossier et de l’évolution de la procédure d’instruction. Au cours des discussions, les autorités militaires judiciaires ont cité Dismas Kitenge comme un des responsables de la propagation de fausses informations sur l’affaire du meurtre du soldat de la garde républicaine et des conséquences désastreuses qui pourraient en découler, notamment des affrontements susceptibles d’opposer des militaires aux civils en cas de manifestation des populations de la ville de Kisangani pour réclamer la libération du Dr Eric Jakwonga Upoki.

Le 11 janvier 2022, l’avocat général militaire instructeur du dossier du Dr Eric Jakwonga Upoki et l’auditeur militaire supérieur de la province de Tshopo, ont également reçu une délégation du Groupe Lotus pour discuter du dossier ainsi que des menaces reçues par M. Kitenge. Au cours des discussions, l’auditeur militaire supérieur de la province de Tshopo a à son tour proféré des injures et des menaces directes à l’encontre de Dismas Kitenge et l’a dénigré devant ses collègues, le qualifiant de « menteur, minable, ridicule, agitateur, profiteur, manipulateur » et l’accusant de mépriser la justice congolaise et d’être responsable des appels à la discréditer. Il a également averti M. Kitenge qu’il devrait être prêt à payer le prix de tous les désordres occasionnés par ses prises de position. L’auditeur supérieur a par ailleurs promis d’affronter le Groupe Lotus lors du procès du Dr Eric Jakwonga Upoki et a mis les membres de l’organisation au défi d’obtenir sa libération[4]. A la suite de cette audience, le Groupe Lotus a adressé à l’auditeur supérieur une lettre ouverte dénonçant les menaces et injures subies par Dismas Kitenge, considérant ces actes comme des actions visant à restreindre la liberté d’expression et l’action des défenseurs des droits humains en RDC, et appelant la justice congolaise au dialogue et à la collaboration pour le respect des droits humains et l’avènement d’un État de droit en RDC et dans la province de la Tshopo.

Cette série d’actes malveillants fait suite à des messages publiés par M. Kitenge sur les réseaux sociaux les 8 et 11 janvier 2022 dénonçant l’arrestation par la justice militaire le 7 janvier 2022 du Dr Eric Jakwonga Upoki, , les intimidations des militaires dans les environs des cliniques universitaires de Kisangani suite au meurtre du soldat de la garde républicaine, ainsi que l’arrestation de Jean de Dieu Bosunga Nyama, Directeur a.i de la Régie des Voies Aériennes de Kisangani par l’Agence Nationale des renseignements, dans le cadre d’une autre affaire[5],. Dans ces messages, Dismas Kitenge appelait également à la mobilisation sociale et à l’organisation d’actions de protestation pacifiques pour la libération des deux hommes et alertait sur le danger de la non-application des règles d’un État de droit dans la province de la Tshopo.

L’Observatoire rappelle que ce n’est pas la première fois que Dismas Kitenge fait l’objet de menaces et d’actes d’intimidation. En septembre 2020, M. Kitenge et sa famille ont été victimes de menaces de morts et d’injures via des appels anonymes en raison des prises de position de M. Kitenge contre les autorités et personnalités publiques de RDC. Suite à ces menaces M. Kitenge a saisi le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Kisangani d’une plainte contre inconnu, demandant l’identification et la poursuite en justice de l’auteur des menaces ainsi que des mesures de protection pour lui et sa famille. En octobre 2020, M. Kitenge et sa famille ont bénéficié de mesures de relocalisation temporaire. Toutefois, au moment de la publication de cet Appel Urgent, aucune suite n’avait été donnée à la plainte déposée par M. Kitenge.

L’Observatoire exprime sa vive inquiétude face aux nouvelles menaces, injures et actes d’intimidation à l’encontre de Dismas Kitenge qui ne semblent viser qu’à le dissuader d’exercer ses activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire appelle les autorités congolaises à mettre fin à ces menaces et intimidations, à mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente afin d’en identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial. L’Observatoire appelle également les autorités congolaises à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité de M. Dismas Kitenge.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Dismas Kitenge, ainsi que de tous les défenseurs des droits humains en RDC ;

ii. Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur les menaces et intimidations à l’encontre de Dismas Kitenge afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi.

Adresses :

  • S.E M. Félix Tshisekedi, Président de la République, Email : cabinet@presidentrdc.cd ;
  • M. Jean-Michel Sama Lukonde, Premier ministre, E-mail : cabinet@primature.cd ;
  • Mme Rose Mutombo Kiese, Ministre de la Justice, E-mail : minjustdh@gmail.com ;
  • M. Fabrice Puela, Ministre des droits humains, Email : min-droitshumains@yahoo.fr ;
  • M. Victor Mumba Mukomo, Procureur Général près la Cour de cassation; E-mail : pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com ;
  • M. Christian Ndongala Nkuku, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, Belgique, E-mail : secretariat@ambardc.eu.

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République démocratique du Congo dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 14 janvier 2022

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :

[1] Le Groupe Lotus est une organisation non gouvernementale basée à Kisangani. Il dénonce les violations des droits humains, alerte l’opinion publique, enquête sur les pratiques des autorités pour les contraindre à respecter la règle de droit. Il soutient celles et ceux qui souffrent de discrimination et d’oppression en raison de leur appartenance à un groupe social, national ou religieux, ou de leur opinion politique. Il informe, enseigne et promeut les valeurs des droits humains et les principes démocratiques pour les faire avancer en RDC.

[2] Le soldat en question serait entré dans les cliniques universitaires de Kisangani habillé en civil et aurait tenté de dérober les effets personnels de certains patients avant d’être repéré par le personnel de l’hôpital et de s’enfuir. Il aurait par la suite été rattrapé et pris à partie et lynché à mort aux abords des cliniques universitaires par des personnes non identifiées en raison de ces tentatives de vol.

[3] Le Dr Eric Jakwonga Upoki, médecin aux cliniques universitaires de Kisangani, a été arrêté le 7 janvier 2022 et est poursuivi pour non assistance à personne en danger dans le cadre de l’enquête judiciaire sur le meurtre d’un soldat de la garde républicaine par des inconnus aux alentours des cliniques universitaires de Kisangani dans la nuit du 31 décembre 2021 au 1er janvier 2022. Le Dr Upoki, qui était de garde cette nuit là, se trouvait dans l’enceinte de l’hôpital au moment des faits et n’était donc matériellement pas en capacité d’intervenir pour mettre fin aux affrontements ayant lieu en dehors des locaux de l’hôpital.

[4] Dans cette affaire, le Groupe Lotus entend collaborer avec la justice militaire pour la vérité et la justice, prévenir les autorités congolaises sur des tensions sociales existantes, monitorer toutes les étapes de l'instruction judiciaire, documenter les éventuelles violations des droits humains qui pourraient survenir, fournir une assistance judiciaire en cas de besoin aux présumés innocents, accompagner et soutenir les familles de victimes et protéger tous les droits humains.

[5] Jean de Dieu Bosunga Nyama, Directeur a.i de la Régie des Voies Aériennes de Kisangani, a été arrêté le 7 janvier 2022 pour les actions syndicales pacifiques menées sans son accord par ses agents et ayant occasionné le retard du décollage du vol de Congo Airways du 6 décembre 2022 de Kisangani à Kinshasa qui devait se rendre au Kasaï chercher la délégation présidentielle.