Bénin
08.04.21
Déclarations

Bénin : des élections présidentielles sous tension

Déclaration conjointe


Cotonou, Genève, 8 Avril 2021

Ce 11 avril le Bénin élira son président dans un contexte déjà tendu. Des opposants ont été arrêtés, l’exécutif a opéré des changements constitutionnels contestés et de nombreux acteurs de la société civile constatent un recul de la pratique démocratique et du respect de l’état de droit au Bénin. Tout cela a installé un climat de méfiance entre les différentes parties prenantes au processus électoral et pourrait remettre en cause la sérénité des élections à venir et entraîner des violences.

Des violations des droits humains en amont de l’élection

L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et Changement Social Bénin (CSB), expriment de vives inquiétudes sur le risque de contestations et d’escalade de violences suite à un processus électoral émaillé de tension et d’abus.

Les modifications de la Constitution et du calendrier électoral initiées par le président de République Patrice Talon en novembre 2019 avaient déjà créé des protestations et des frustrations politiques. Le 22 février 2021, la Commission électorale nationale autonome a décidé de rejeter les dossiers de candidature à l’élection présidentielle de 17 opposants politiques, décision confirmée par la Cour constitutionnelle. Ce choix a augmenté les soupçons d’illégitimité qui planaient déjà sur le processus électoral au Bénin.

Ces derniers jours, ce climat d’incertitude semble gagner en intensité. Des manifestations ont éclaté dans plusieurs localités au Bénin, exigeant le départ du Président. Un document de l’état-major de l’armée qui a fuité dans les réseaux sociaux indique que les troupes sont placées en alerte maximale numéro 3. Ce niveau d’alerte indique une sécurité critique pouvant impliquer le recours à la force, la répression des mouvements de protestation et l’arrestation d’acteurs politiques.

Bien avant cela, certains opposants avaient déjà fait l’objet d’arrestations arbitraires et de détention dans des conditions sanitaires très préoccupantes pouvant caractériser un traitement dégradant.

Le cas de Madame Reckyath MADOUGOU : détention arbitraire et abusive

L’arrestation apparemment arbitraire de l’opposante béninoise Reckyath MADOUGOU, sa détention à la prison civile d’Akpro-Missérété et les restrictions auxquelles elle est confrontée depuis plusieurs semaines s’apparentent à des traitements inhumains et dégradants prohibés par la Convention contre la torture.

Son interpellation sans convocation préalable le 5 mars 2021, à Cotonou, n’a pas respecté les règles de procédure pénale. En outre, la communication de madame Madougou avec ses avocats n’est pas protégée par le secret et la confidentialité. Il y a donc de fortes chances que son droit à un procès équitable ne soit pas respecté.

D’après le récent témoignage de Monsieur Essowé Batamoussi, l’un des magistrats de la chambre des libertés et de la détention de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), qui a placé Madame MADOUGOU en détention, cette décision était politique et ne s’appuyait sur aucun élément probant. Dans ces conditions, les accusations d’association de malfaiteurs et de terrorisme et les restrictions qui lui sont imposées semblent n’être qu’un prétexte pour décourager l’engagement civique et politique de cette opposante.

L’urgence d’éviter un recours excessif de la force

Lors de l’examen périodique du Bénin devant le Comité contre la torture en 2019, les experts des Nations unies avaient fait part de leurs préoccupations quant aux méthodes employées par les forces de sécurité béninoises dans la répression des manifestations post-électorales du 1er mai 2019. Les forces armées avaient tiré à balles réelles sur des centaines de manifestants, causant la mort d’au moins deux personnes. À ce jour, aucune enquête n’a conduit à la condamnation des personnes impliquées dans ces violences. Dans une situation similaire en 2021, les autorités pourraient à nouveau recourir à la force armée.

CSB et l’OMCT rappellent aux autorités béninoises et aux différents acteurs impliqués dans le processus électoral la prohibition absolue de la torture et des mauvais traitements y compris de l’usage disproportionné de la force et invite toutes les parties prenantes au calme, au dialogue et à l’apaisement.

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