Soudan
10.07.02
Interventions urgentes

Soudan: 35 détenus torturés, dont 3 enfants, attendent leur condamnation à une possible peine capitale

Cas SDN 100702 / 100702.EE
Torture / Procès équitable / Peine capitale


Le Secrétariat international de l’OMCT requiert DE TOUTE URGENCE votre intervention dans la situation suivante au Soudan.

Brève description de la situation

Le Secrétariat International de l'OMCT a été informé par la Sudan Organisation Against Torture (SOAT), un membre du réseau de l’OMCT, que 35 détenus issus de la tribu des Rizeigat, comprenant 3 enfants, ont été soumis à des actes de torture et attendent la sentence qui doit tomber à la suite d’un procès non équitable dans la province de Darfour au Soudan.

Selon les informations reçues, un total de 136 personnes ont été arrêtées le 6 mai 2002 à la suite d’un conflit entre les membres des tribus Rizeigat et Ma’aliya . Le conflit aurait entraîné la mort de 10 personnes. Bien que les deux tribus soient d’origine arabe, des informations récentes indiquent que des membres de la milice des Ma’aliya ont rejoint les forces gouvernementales soudanaises depuis la récente offensive menée en pleine saison sèche contre le SPLA dans le sud du pays. Par conséquent, les Rizeigat ont accusé le gouvernement de soutenir la tribu des Ma’aliya.

Selon les informations reçues, 35 des détenus issus de la tribu des Rizeigat auraient été soumis à des actes de torture pendant leur détention entre le 21 et 22 juin 2002 : ils auraient été frappés à coups de bâton et auraient reçu des coups à la tête assénés avec des revolvers et des tuyaux par le Chef de la police de la province, un officier chargé des interrogatoires du nom d’Ahmed et quatre assistants Omer, Nasr el Din, Musa et Abu Indelang (surnom). Ces actes de torture auraient entraîné chez certains des 35 détenus des fractures des doigts et des avant-bras.

Les détenus suivants auraient été torturés au siège de la police de Niyala: Abdalla Sagayrun Madibu, un fermier de 39 ans d’Abu Jabra; Al Hadi Ahmed Hamad, un assistant médical d’Um matariq; Al Sadiq Yusif Osman, un ouvrier agricole de 40 ans d’Um matariq; Mohamed Sharif, un maître d’école de 43 ans; Yusif Jabir, un meunier de 59 ans d’Abu Jabra; Mohamed Musa Ibrahim, un collecteur d’impôt de 35 ans; Al Hadi Adam Ali, un fermier de 33 ans d’Al Tabet; Hamdan Ibrahim Abdalla, un fermier de 33 ans d’Al Tabet; Mohamed Ibrahim Yunis, un ouvrier des gisements pétrolifères de 22 ans; Bukhari Zaidan, un assistant médical de 45 ans; et Tahamed Ibrahim Omer, concierge.

Les détenus suivants auraient été tortures dans l’école secondaire de Niyala: Wanees Abdal Wahab, un fermier de 60 ans; Yahya Mahmoud, un commercant de 24 ans d’Al Tabet; Fadl Issa Ibrahim, un employé du Bureau des impôts de 32 ans; Adam Issa Abdalla, un fermier de 27 ans; Kabashi Fadl Al Seed, un bijoutier de 33 ans; Gadim Mohamed Yunis, un employé de bureau de 42 ans; Hashim Sedieg, un berger de 32 ans; Magbool Adam Yunis, un berger de 27 ans; Tarbo Adam Yunis, un berger de 29 ans; Ibrahim Osman, un berger de 32 ans; Mansour Yusif Ibrahim, soldat; Bukhari Al Bushari Zeidan, un ouvrier des gisements pétrolifères de 31 ans; Hamad Issa Mohamed Hamdoon, 24 ans; Mohamed Toum, un fermier de 42 ans; Abd Al Gafour Osman, un assistant médical de 33 ans; Al Sayid Hamdoun ; Tahameed Al Rahman, 23 ans ; Mohamed Ahmed Al Nageeb, un fermier de 39 ans ; Ibrahim Yunis Hamed, un fermier de 36 ans ; Abdalla Al Sadiq Yusif, un épicier de 35 ans. Les trois enfants suivants auraient également été torturés dans l’école secondaire de Niyala : Kabashi Alyan, 14 ans ; Mohamed Sedieg, 14 ans ; Gadim Hamdoun, 14 ans.

Selon les informations reçues, les détenus ont été jugés par la Cour spéciale de la province du Darfour. Etablie en vertu de la Loi sur l’état d’urgence adoptée en 1998 par les gouverneurs des provinces sud et nord de Darfour, la Cour spéciale traite des crimes tels que les vols à main armée, les crimes contre l’Etat, ainsi que des crimes relatifs aux stupéfiants et aux nuisances publiques. La Cour spéciale comporte deux juges militaires et un juge civil. Les avocats n’ont d’habitude pas l’autorisation de se présenter devant la Cour spéciale et les plaignants n’ont le droit de faire appel uniquement dans les cas de condamnation à la peine capitale ou à l’amputation. Si tel est le cas, l’appel doit être déposé sept jours au plus tard après l’annonce de la sentence auprès du président de la cour suprême du district à qui revient la décision finale. Selon les informations reçues, le Ministre de la Justice soudanais a admis publiquement que les Cours spéciales ne respectaient pas les procédures judiciaires reconnues.

Selon le rapport, le 2 juillet 2002, les 6 avocats suivants représentant les détenus - Masaad Mohamed Ali, Muzemil Jama’ah Al Jack, Mohamed Omer Salah, Mohamed Ali Salah, Ali Adam Ali, Ahmed Mohamed Abdalla – se sont retirés de la cour en signe de protestation contre la Cour spéciale No. 1 située à Niyala Darfour qui a débouté leur demande d’interroger les témoins de l’accusation. Le juge a répliqué que la Cour respectait ses propres procédures, qui violent les normes internationalement reconnues concernant les garanties d’une procédure régulière, y compris d’un procès équitable, en vertu desquelles ni les avocats ni les défenseurs n’ont le droit d’interroger les témoins de l’accusation. Après le retrait des avocats, la Cour aurait continué sa séance et inculpé 96 personnes au regard des articles 168, 175, 182 et 183 du code pénale de 1991, pour vols à main armée (Harraba), meurtres et possession d’armes. De tels crimes peuvent entraîner des condamnations à la peine capitale par pendaison, par pendaison et crucifixion, par amputation et par amputation et crucifixion.

Le Secrétariat international de l'OMCT estime que les droits de ces personnes ont été violés en raison des allégations d’usage de torture et des violations des normes internationalement reconnues concernant les garanties d’une procédure régulière, y compris d’un procès équitable : le droit d’être jugé par un tribunal impartial, le droit de faire appel auprès d’un tribunal indépendant, le droit d’être représenté par un défenseur. De plus, il est important de souligner que ces civils ont été jugée par ce qui dans les faits s’appelle un tribunal militaire. L’OMCT est vivement préoccupée pour l’intégrité physique et psychologique des 32 hommes et des 3 enfants qui attendent leur condamnation. L’OMCT insiste sur le fait qu’elle est fermement opposée à toutes formes d’amputation ainsi qu’à la peine capitale en tant que forme extrême de traitements cruels, inhumains ou dégradants et violation du droit à la vie tel qu’énoncé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et autres instruments internationaux des droits de l’homme.


Actions requises

Nous vous prions de bien vouloir contacter les autorités du Soudan en leur demandant :

i. de garantir l’intégrité physique et psychologique des personnes sus-mentionnées;

ii. d’annuler immédiatement la peine capitale ;

iii. d’interdire la pratique des Cours spéciales, étant donné qu’elles ne respectent pas les normes internationales en matière de procédures régulières, y compris de procès équitable;

iv. d’ordonner la libération immédiate des personnes sus-mentionnées, qui attendent la sentence, en l'absence d'accusations juridiquement fondées ou, le cas échéant, de les poursuivre devant un tribunal impartial et compétent tout en garantissant leurs droits procéduraux en tout temps;

v. de garantir une enquête immédiate sur les faits susmentionnés, en particulier sur les allégations de recours à la torture, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;

vi. de garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les enfants dans tout le pays, conformément aux lois nationales et normes internationales, et plus particulièrement à la Convention relative aux droits de l’enfant.


Adresses

· His Excellency Lieutenant General Omar Hassan al-Bashir, President of the Republic of Sudan, President' s Palace, PO Box 281, Khartoum, Sudan, Fax: + 24911 783223/787676

· His Excellency Mr Mustafa Osman Ismail, Minister of Foreign Affairs, Ministry of Foreign Affairs, PO Box 873, Khartoum, Sudan, Fax: + 24911 779383

· Mr Ali Mohamed Osman Yassin, Minister of Justice and Attorney General, Ministry of Justice, Khartoum, Sudan, Fax: + 24911 788941

· His Excellency Ambassador Mr. Ibrahim Mirghani Ibrahim, Permanent Mission of the Republic of Sudan to the United Nations in Geneva, PO Box 335, 1211 Geneva, Switzerland, Fax: +4122 731 26 56, E-mail: mission.sudan@ties.itu.int.


Veuillez aussi écrire aux représentations diplomatiques du Soudan dans vos pays respectifs.

Genève, le 10 juillet 2002

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.