Burundi : la société civile s’inquiète face aux nombreux cas de disparitions forcées en 2025

30 août 2025. À l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, SOS Torture Burundi, le Mouvement des Femmes et des Filles pour la Paix et la Sécurité au Burundi et l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) expriment leur vive inquiétude face à la recrudescence des cas de disparitions forcées et à la dégradation continue de la situation des droits humains au Burundi. Ces violations s’inscrivent dans une répression systématiquement documentée depuis 2015, marquée par le recours aux disparitions forcées, aux arrestations arbitraires, à la torture ainsi qu’à d’autres formes de violence d’Etat visant principalement les membres de partis d’opposition, des militants politiques, ainsi que des citoyens perçus comme critiques envers le pouvoir.
Sur la période de janvier à août 2025, nos organisations ont documenté 26 cas de disparitions forcées. Ces disparitions ont été perpétrées majoritairement dans le contexte des élections législatives de mai-juin 2025 et s’inscrivent dans une stratégie de répression visant à museler toute voix dissidente. Ces actes visent principalement des membres du Conseil National pour la Liberté (CNL), principal parti politique d’opposition au Burundi. La majorité des victimes sont arrêtées en pleine rue ou sur des places publiques, puis immédiatement transportées dans des véhicules aux vitres teintées vers une destination inconnue. À titre d’exemple, le 2 avril 2025, Fidèle NKUREMBONE, âgé de 46 ans, militant du parti politique CNL, a été enlevé non loin de son domicile alors qu’il se rendait au travail, situé dans la commune de Mutimbuzi, province de Bujumbura. Les agents du SNR, dirigés par un certain Athia NDUWIMANA, l’ont intercepté et embarqué à bord d’un véhicule de type double cabine blanche pour le conduire vers une destination inconnue.
Parmi tous les cas documentés, le sort des personnes disparues reste inconnu à ce jour. Même si les agents du SNR sont identifiés comme les principaux auteurs de ces disparitions, aucune enquête ni poursuite n’ont été ouvertes à ce jour par les autorités compétentes.
Nos organisations rappellent que la disparition forcée constitue une grave violation des droits humains en ce qu’elle soustrait la victime à protection de la loi, et augmente le risque notamment d’être torturée ou exécutée en toute impunité. Elle inflige également des souffrances aiguës aux familles des victimes qui ignorent le sort de leurs proches. Les disparitions forcées sont prohibées par plusieurs instruments internationaux y compris la Convention contre la torture des Nations-Unies, ratifiée par le Burundi, en ce qu’elles peuvent également constituer une forme de torture.
Par ailleurs, sur la même période, nos organisations rapportent 60 arrestations et détentions arbitraires, ciblant en majorité des membres de partis d’opposition (CNL, Coalition Burundi bwa Bose, CDP, FRODEBU), ainsi que des arrestations de nombreux ressortissants congolais en province Cibitoke, accusés de complicité avec le mouvement M23. Outre les agents du SNR, les Imbonerakure, agissant comme une force paramilitaire parallèle au parti au pouvoir, sont également responsables d’atteintes graves aux droits humains, souvent avec la complicité ou l’inaction des autorités compétentes.
65 cas de torture ont également été enregistrés, la majorité ayant été perpétrés dans les cachots du SNR ou lors d’interrogatoires menés dans les cachots. Les victimes rapportent avoir été ont été battues, menottées humiliées et soumises à des violences physiques et psychologiques simplement pour avoir exprimé des opinions jugées critiques à l’égard du pouvoir ou pour leur appartenance réelle ou supposée à l’opposition.
Ces chiffres marquent une aggravation inquiétante de la situation des droits humains au Burundi et traduisent une stratégie délibérée visant à museler l’opposition, réduire l’espace civique et instaurer un climat de peur généralisée. L’impunité systématique dont bénéficient les auteurs de ces violations ne fait qu’affaiblir davantage l’État de droit et miner la confiance des citoyens dans les institutions. « Aucune paix durable ne peut être bâtie sur l’oubli et l’impunité. Le Burundi doit rompre avec les pratiques autoritaires et s’engager sur la voie du respect des droits humains, de la justice et de la démocratie. La mémoire des victimes impose vérité, justice et réparation. Le silence et l’inaction ne peuvent être tolérés. », a déclaré Armel Niyongere, Secrétaire Général de SOS Torture Burundi.
En cette journée internationale des victimes de disparition forcée, nos organisations rendent hommage à toutes les personnes disparues et réaffirment leur solidarité indéfectible avec leurs proches, dans leur quête de vérité, justice et réparation.
Nos organisations appellent les autorités burundaises à :
1. Mettre fin immédiatement aux disparitions forcées et révéler le sort des personnes enlevées.
2. Libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris les membres de l’opposition et les ressortissants congolais injustement accusés.
3. Ouvrir des enquêtes indépendantes et impartiales sur tous les cas documentés de disparitions forcées et de torture, poursuivre les auteurs quels que soient leurs rangs.
4. Assurer le droit à la vérité des familles des personnes disparues et octroyer des mesures de réparations intégrales pour toutes les victimes et leurs familles.
5. Encadrer et démanteler les milices Imbonerakure, en mettant fin à leur implication dans les affaires sécuritaires et électorales.
6. Ratifier et appliquer la Convention internationale contre les disparitions forcées, et coopérer pleinement avec les mécanismes onusiens et africains des droits humains.
7. Garantir les libertés fondamentales d’expression, d’opinion, d’association et de participation politique pour tous les citoyens.
Nos organisations appellent également la communauté internationale à :
- 1. Exercer une pression accrue sur les autorités burundaises pour mettre fin immédiatement aux disparitions forcées et ouvrir des enquêtes indépendantes.
- 2. Conditionner toute aide diplomatique, financière ou sécuritaire au respect strict des droits humains et à la coopération avec les mécanismes internationaux.
- 3. Renforcer la protection et le soutien aux victimes, aux défenseurs des droits humains et aux journalistes, y compris par des mécanismes de documentation, de protection et d’asile.
- 4. Mettre en place des sanctions ciblées contre les responsables de violations graves.
- 5. Saisir la Cour pénale internationale (CPI) et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples afin qu’elles examinent les crimes documentés et envisagent des actions judiciaires.