01.12.25
Déclarations

Il est temps de libérer tous les défenseurs des droits humains et de mettre fin à leur détention prolongée

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Déclaration conjointe d’experts internationaux et régionaux en droits humains dans le contexte de la détention arbitraire prolongée de défenseurs des droits humains

La détention arbitraire demeure l’un des outils les plus courants et les plus cruels utilisés par les autorités répressives pour réduire au silence celles et ceux qui exercent pacifiquement le droit de défendre les droits humains et pour démanteler la société civile. Cette pratique entretient délibérément un climat de peur, créant un fort effet dissuasif qui décourage le travail légitime et essentiel des activistes, des défenseurs des droits humains et des citoyens qui cherchent à s’organiser, se réunir et s’exprimer pour veiller à ce que l’État assume ses responsabilités en matière de respect de l’État de droit et des droits humains. Les défenseurs des droits humains sont systématiquement visés par des accusations fabriquées, des procès inéquitables et l’usage abusif de lois antiterroristes et de sécurité nationale, en flagrante violation du droit international et des normes en matière de droits humains.

Ces dernières années, l’usage de la détention préventive prolongée et de l’emprisonnement de longue durée contre les défenseurs des droits humains s’est poursuivi, ceux-ci étant souvent détenus dans des conditions punitives et inhumaines. Beaucoup subissent la torture, des mauvais traitements ou des abus, et certains sont morts en prison pendant l’exécution de leur peine. En 2021, le rapport « États dans le déni : la détention de longue durée des défenseurs des droits de l’homme » (A/76/143) de la Rapporteure spéciale de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits humains a documenté la tendance consistant à infliger des peines d’au moins dix ans. Depuis 2024, les données recueillies par la plateforme SOS-Defenders sur les défenseurs détenus arbitrairement dans le monde ont confirmé la persistance et la gravité de la détention de longue durée comme préoccupation globale croissante. Rien qu’en 2024, SOS-Defenders a documenté 93 nouveaux cas de détention arbitraire de défenseurs des droits humains dans 11 pays pilotes.

Au cours de la même année, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (OMCT-FIDH) a documenté de nombreux cas de défenseurs purgeant des peines de 10 ans ou plus dans le monde. Pour n’en citer que quelques-uns : au Nicaragua, la condamnation à perpétuité prononcée contre les activistes autochtones Ignacio Celso Lino, Argüello Celso Lino, Donald Andrés Bruno Arcángel et Dionisio Robins Zacarías pour avoir défendu le territoire ancestral Mayangna ; au Togo, les sept ans de détention préventive et la peine de 10 ans imposée à l’homme d’affaires et défenseur des droits humains Aziz Goma pour avoir offert un refuge à de jeunes manifestants ; en Thaïlande, cinq ans de harcèlement judiciaire et une condamnation à plus de 29 ans de prison contre l’activiste pro-démocratie Arnon Nampa ; au Maroc, les quinze ans de détention infligés aux journalistes sahraouis El Bachir Khadda et Mohamed Lamin Haddi ; en Biélorussie, la condamnation à 14 ans et neuf mois de prison de la défenseure des droits humains Marfa Rabkova, du Centre des droits humains « Viasna », à la suite de l’élection présidentielle de 2020.

Cette utilisation abusive du pouvoir détruit des vies, des moyens de subsistance, des familles et des communautés. Elle réprime et empêche les défenseurs des droits humains de mener leur travail légitime et essentiel, et décourage d’autres personnes d’exercer le droit de défendre les droits humains. C’est le cas en Tunisie, où la société civile et les défenseurs sont ciblés par les autorités. Terre d’Asile Tunisie est l’une des nombreuses organisations dont le travail est criminalisé, et dont les membres Cherifa Riahi et Mohamed Joo sont détenus arbitrairement sans procès depuis mai 2024. De telles représailles violent clairement les normes internationales des droits humains consacrées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Déclaration sur les défenseurs des droits humains, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Convention américaine relative aux droits de l'homme, et souvent, la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Aujourd’hui, les mécanismes régionaux et internationaux des droits humains et les titulaires de mandats signataires, conjointement avec l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, expriment leur profonde préoccupation face à la tendance mondiale à la détention préventive prolongée et à l’emprisonnement à long terme des défenseurs des droits humains. Nous exhortons tous les États à prendre des mesures concrètes pour y mettre fin.

Signataires:


Mary Lawlor, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits humains

Gina Romero, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la liberté de réunion pacifique et d’association

Michel Forst, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs de l’environnement dans le cadre de la Convention d’Aarhus

Prof. Rémy Ngoy Lumbu, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits humains, Point focal sur les représailles et Point focal sur l’indépendance du pouvoir judiciaire en Afrique

Roberta Clarke, Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme, Rapporteuse sur les défenseurs des droits humains et les opérateurs judiciaires.