RDC : Des journalistes et défenseur·es des droits humains pris·es pour cibles à Bukavu

Bukavu - Genève, 02 mai 2025 – L’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains (OMCT-FIDH) exprime sa vive inquiétude face aux attaques répétées et ciblées contre des journalistes et défenseur·es des droits humains à Bukavu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Deux cas récents illustrent une volonté manifeste des parties aux conflits de faire taire les voix critiques et indépendantes dans une région marquée par l’occupation armée, les conflits persistants et l’impunité.
Enlevé, torturé et laissé pour mort : le cas du journaliste Amisi Musada Émérite
Le 15 avril 2025, le journaliste Amisi Musada Émérite, collaborateur du média en ligne Deboutrdc.net et cyberactiviste dénoncant les violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit, a disparu après avoir quitté son domicile pour se rendre à son lieu de travail. Depuis plusieurs jours, il recevait des menaces de mort d’un individu se présentant comme un officier militaire et le ciblant, lui ainsi que son média, pour ses enquêtes journalistiques.
Monsieur Amisi a été retrouvé affaibli et en état de choc, le 19 avril 2025 en périphérie de Bukavu. Il portait les marques évidentes de torture. Il a été immédiatement hospitalisé. À ce jour, les auteurs de son enlèvement et des violences subies n’ont pas été identifiés, et aucune enquête sérieuse n’a été ouverte.
Violente attaque nocturne contre Me Arsène Lumpali, défenseur des droits humains
Dans la nuit du 30 avril 2025, le domicile de Me Arsène Lumpali, assistant à la Commission Diocésaine Justice et Paix de l’Archidiocèse de Bukavu, a été attaqué par des hommes lourdement armés. Cette deuxième attaque en moins de trois mois a laissé son habitation criblée de balles, notamment la chambre de ses enfants. Un de ses chiens, visé par les tirs, a été tué. Là encore, les assaillants ont agi en toute impunité, dans le but manifeste d’intimider voire de réduire au silence ce défenseur reconnu pour son engagement dans la documentation des violations des droits humains à Bukavu.
Des attaques inacceptables dans un contexte d’insécurité généralisée
Ces événements s’inscrivent dans une tendance alarmante de recrudescence des menaces, intimidations et violences visant les journalistes et défenseur·es des droits humains opérant dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri, dans un contexte marqué par l’occupation de plusieurs zones par les forces de l’AFC/M23 et d’autres groupes armés.
L’Observatoire rappelle que les autorités congolaises ont l’obligation, en vertu du droit international, de garantir la sécurité et la protection des journalistes et défenseur·es des droits humains, en particulier celles et ceux exposé·es à des risques accrus dans les zones de conflit. De même en vertu du droit international humanitaire, les groupes armés non étatiques ont l’obligation de respecter les droits humains et garantir la sécurité de toutes les personnes y compris les défenseurs des droits humains se trouvant sous leur juridiction.
Un besoin urgent de délocalisation et une pénurie critique de ressources
Face à la gravité des menaces, de nombreux défenseur·es et journalistes bloqué·es à Bukavu, Goma et dans les territoires environnants ont un besoin urgent d’être relocalisé·es vers des lieux plus sûrs, à l’intérieur ou à l’extérieur de la RDC. La fermeture des banques et l’absence de couloirs humanitaires sécurisés aggravent la situation des défenseur·e·s des droits humains et détériorent davantage une situation humanitaire déjà précaire.
L’Observatoire et ses partenaires font face à un manque criant de ressources pour répondre aux besoins d’urgence de plus d’une centaine d’acteurs·trices à risque déjà identifiés·es. Sans moyens supplémentaires, le silence sera imposé par la violence, faute de pouvoir mettre à l’abri celles et ceux qui en ont désespérément besoin.
L’Observatoire appelle les autorités congolaises, les acteurs armés et la communauté internationale à :
- Garantir la protection immédiate des journalistes et défenseur·es menacé·es, y compris par des mécanismes de relocalisation d’urgence ;
- Respecter le droit international humanitaire, notamment par les groupes armés contrôlant certaines zones, en assurant la sécurité des voix critiques et des acteur·rices de la société civile ;
- Ouvrir des enquêtes indépendantes sur les violations subies par Amisi Musada et Me Arsène Lumpali, et traduire les responsables en justice ;
- Mobiliser de toute urgence des ressources pour soutenir les organisations de protection locales et internationales en première ligne.