Algérie
20.09.06
Interventions urgentes

Algérie: Harcèlement judiciaire contre M. Amine Sidhoum Abderramane et Mme Hassiba Boumerdassi

Nouvelles informations
DZA 001 / 0506 / OBS 063.2
Libération / Poursuites judiciaires / Harcèlement
Algérie

20 septembre 2006


L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Algérie.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé par le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA) d’actes de harcèlement judiciaire dont font l’objet deux avocats algériens engagé dans la défense des droits des familles de disparus, Me Amine Sidhoum Abderramane, membre de l’ONG SOS Disparu(e)s, et Me Hassiba Boumerdassi, avocate membre du CFDA.

Selon les informations reçues, le 18 septembre 2006, M. Sidhoum a comparu devant la 8ème Chambre du tribunal de Sidi M’hamed à Alger, pour répondre des charges de « discrédit sur une décision de justice » et d’« outrage à un corps constitué de l’Etat », sur la base des articles 144 bis, 144 bis 1, 146 et 147 du Code pénal (cf. rappel des faits).

Après plusieurs heures d’attente, Me Sidhoum a été entendu par le juge d’instruction. Au terme de cette audition, le juge a ordonné sa mise en liberté provisoire, ainsi que le maintien des charges, pour lesquelles M. Sidhoum encourt une peine de trois à six ans de prison ferme et une amende comprise entre 2 500 et 5 000 euros.

Parallèlement, Me Sidhoum a été auditionné le 10 septembre 2006 par le juge d’instruction de la 1ère chambre de Bab El Oued, dans le cadre de poursuites engagées à son encontre pour « introduction d’objets non autorisés à la prison », sur la base de l’article 166 du Code de réglementation des prisons et de la réinsertion des prisonniers, ainsi que des articles 16 et 31 du Code de la sécurité des prisons, texte juridique que les avocats de Me Sidhoum n’ont pu se procurer jusqu’à aujourd’hui. Il doit à nouveau se présenter devant le juge le 25 septembre 2006 (cf. rappel des faits).

Par ailleurs, l’Observatoire a été informé que Me Hassiba Boumerdassi a reçu une convocation l’informant qu’elle devrait se rendre le 25 septembre 2006 au tribunal de Bab El Oued, pour répondre des charges d’« introduction d’objets non autorisés à la prison ». Ces poursuites se fondent sur le fait que Me Boumerdassi a fourni à l’un de ses clients détenus, avec l’autorisation du gardien de prison, un exemplaire de son procès-verbal d’audition. Elle a déjà été convoquée une première fois le 10 septembre 2006.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation au regard de ce harcèlement judiciaire à l’encontre de Me Sidhoum et de Me Boumerdassi, qui s’inscrit dans un contexte d’intimidation et de harcèlement auquel sont confrontés les défenseurs algériens, impliqués dans la défense des familles de disparus.

L’Observatoire s’inquiète d’autant plus de ces poursuites judiciaires que l’Algérie, qui a été élue au sein du nouveau Conseil des droits de l’Homme des Nations unies le 9 mai dernier, s’est engagée publiquement en mars 2006 à prendre plusieurs engagements en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’Homme si elle était élue au sein de ce Conseil, notamment « en plaidant pour un traitement égal des droits de l’Homme [...] et [en privilégiant] le dialogue et la concertation […] ».

Rappel des faits :

Le 12 mai 2006, lors de la 39ème session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), qui se tenait à Banjul (Gambie) du 11 au 25 mai 2006, et à la veille de son intervention au nom de la FIDH sur la situation des droits de l’Homme sur le continent, portant notamment sur les conséquences de l’adoption de la Charte de réconciliation nationale1 en Algérie, M. Sidhoum a été menacé par un représentant de la délégation algérienne, afin de le dissuader de s’exprimer devant la Commission. Celui-ci a tenu à lui « rappeler » que s’il persistait à présenter son intervention, il serait « passible de trois à cinq ans de prison dès [son retour] en Algérie ». Du fait de ces menaces, M. Sidhoum n’a pu intervenir oralement le 13 mai 2006.

Les menaces de ce représentant officiel se fondent sur l’article 46 de l’ordonnance du 27 février 2006, portant sur la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cette ordonnance prévoit en effet une peine allant de trois à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 250 000 à 500 000 dinars algériens (environ 2830 à 5660 euros) pour « quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ».

Le 23 août 2006, Me Sidhoum avait reçu une convocation du juge d’instruction du tribunal de Sidi M’Hamed à Alger, qui l’informait d’une plainte déposée à son encontre par le ministre de la Justice pour « diffamation », à la suite de la publication, le 30 mai 2004, dans le quotidien arabophone El Chourouk, d’un article intitulé « Aoufi passe son trentième mois en détention ».

Selon l’auteur de l’article, Me Sidhoum aurait déclaré que l’un de ses clients était détenu depuis trente mois à [la prison de] Serkadji « suite à une décision arbitraire rendue par la Cour Suprême ». Le ministre de la Justice estimait que de telles paroles avaient « jeté le discrédit sur une décision de justice et porté outrage à un corps constitué de l’Etat ». Toutefois, au moment où Me Sidhoum aurait tenu de tels propos, aucune décision n’avait encore été rendue par la Cour suprême, qui ne s’est prononcée que le 28 avril 2005, soit un an après la publication de l’article.

Parallèlement, le 22 août 2006, Me Sidhoum avait été convoqué en tant qu’« accusé » par le juge d’instruction du tribunal de Bab El Oued pour « introduction d’objets interdits à un détenu », en vertu de l’article 166 du Code de la réforme pénitentiaire et de la réinsertion des détenus, suite à la découverte de deux cartes de visites à son nom chez l’un de ses clients détenus.

1Cette Charte, adoptée par référendum le 29 septembre 2005, prévoit notamment l’amnistie des groupes armés et écarte de jure toute responsabilité des services de sécurité dans les violations des droits de l’Homme commises durant le conflit.

Actions demandées :

L’Observatoire vous prie d’écrire aux autorités algériennes et de leur demander de :
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Amine Sidhoum Abderramane et de Mme Boumerdassi ;

ii. Mettre un terme immédiat à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à leur encontre, ainsi qu’à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme algériens ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, ainsi que son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par l’Algérie.

Adresses :

  • M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République, Présidence, El-Mouradia, Alger, Tél : 00 213 21 69 15 15; Fax : 0 21 69 15 95

  • M. Farouk Ksentini, Président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avenue Franklin Roosevelt, Allée du Peuple, 16000 Alger, Tél : +00 213 (0) 21230311 / 230214;

  • M. Amar Saadani, Président de l’Assemblée populaire nationale, 18 boulevard Zirouf Youcef, 16000 Alger, Tél : 00 213 021 73 86 00 / 10

  • M. Noureddine Yazid Zerhouni, Ministre de l’Intérieur, Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Locales, de l’Environnement et de la Réforme Administrative, Rue du Docteur Saâdane, Alger ; Tél : 00 213 (0) 21 73 23 40 / 00 213 (0) 21 73 23 48 / 00 213 (0) 21 73 12 00 00 213 ; Fax : (00 213 0) 21 92 12 43

  • M. Tayeb Belaiz, Ministre de la Justice, Ministère de la Justice 08, Place de Bir - Hakem. El-Biar, Alger ; Tél : 00 213 (0) 21 92 16 08 ; Fax : 00 213 (0) 21 74 76 64

  • Ambassadeur M. Idriss Jazaïry, Mission permanente de la République algérienne démocratique et populaire auprès des Nations unies à Genève, 308 route de Lausanne, 1293 Bellevue, Suisse. Fax : + 41 22 774 30 49. Email : mission.algérie@mission-algérie.ch

  • Ambassadeur M. Ben Attalah, Ambassade de la République algérienne démocratique et populaire à Bruxelles, 207 avenue Molière, 1050 Bruxelles, Belgique, Fax: + 32 2 343 51 68. Email : linfo@algerian-embassy.be


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Paris - Genève, le 20 septembre 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29