Mauritanie
21.10.16
Interventions urgentes

Dégradation de l'état de santé de M. Ahmed Hamar Vall, trésorier national de l'IRA-Mauritanie


APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvelles informations

MRT 001 / 0716 / OBS 064.3

Détention arbitraire /

Dégradation de l'état de santé /

Torture et mauvais traitements

Mauritanie

21 octobre 2016

L’Observatoirepour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de laFIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu denouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur lasituation suivante en Mauritanie.

Nouvelles informations :

L'Observatoirea été informé par des sources fiables de la dégradation de l'état de santé de M. Ahmed Hamar Vall, trésorier national del'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie[1]), détenu arbitrairementaux côtés de 12 autres membres de l'IRA-Mauritanie[2].

Selon les informations reçues, le 15 octobre 2016, M.Ahmed Hamar Vall a été admis en urgence à l’hôpital de Zouérat après uneaggravation de son état de santé, alors que celui-ci souffre d’une hépatite etnécessite un traitement dans les plus brefs délais. Le médecin ayant examiné M.Ahmed Hamar Vall a demandé qu’il soit immédiatement évacué vers Nouakchott afinde pouvoir y recevoir les soins médicaux nécessaires.

L’Observatoire rappelle que les 13 membres del’IRA-Mauritanie sont actuellement détenus à la prison de Zouérat, située à 770km de Nouakchott, dans l'attente de leur procès en appel (cf. rappel desfaits). Or, cette prison ne possède pas les infrastructures nécessaires etadaptés aux besoins médicaux des détenus.

Les 13 membres de l'IRA-Mauritanie ont été arrêtés entrejuin et juillet 2016, et ont tous été condamnés le 18 août 2016 à des peines detrois à 15 ans de prison ferme, au terme d'uneprocédure entachée de nombreuses irrégularités et alors que certains d'entre eux ontété soumis à des actes de torture et de mauvais traitements dansle cadre de leur détention (cf. rappel des faits).

Parailleurs, M. Yacoub Inalla, membre de l’IRA-Mauritanie, arrêté le 13septembre 2016, a également été torturé en détention avant d'être libéré souscontrôle judiciaire le 21 septembre 2016 (cf. rappel des faits).

L’Observatoiredénonce avec la plus grande fermeté les tortures et mauvais traitementssusmentionnés, et demande aux autorités mauritaniennes de mener une enquêteimmédiate, indépendante et efficace et transparente sur l'ensemble de cesfaits, afin d’identifier tous les coupables et de les sanctionner conformémentà la loi.

L’Observatoiredemande également aux autorités mauritaniennes de garantir l’accès aux soins detous les détenus, et particulièrement de MM.Amadou Tidjane Diop, Jemal Samba, Abdoulaye Abou Diop, Abdallahi Matallah Seck,Balla Touré, Khatri Mbareck et Moussa Biram, et d’autoriserimmédiatement le transfert de M. Ahmed Hamar Vall vers Nouakchott, conformémentaux recommandations de son médecin.

L'Observatoireappelle plus généralement à la libération immédiate et inconditionnelle des 13défenseurs condamnés ainsi qu'à l'abandon de toutes charges à leur encontre età l’encontre de M. Yacoub Inalla.

L'Observatoireappelle dans l'intervalle les autorités mauritaniennes à garantir le respect dudroit à un procès équitable, y compris en leur assurant l’accès à un avocat,conformément aux instruments internationaux et régionaux ratifiés par laMauritanie.

Rappel desfaits :

Le 30juin 2016, MM. Amadou Tidjane Diop, Abdallahi Matala Seck et Moussa Biram ont été arrêtés à leurs domicilesrespectifs par des policiers en civil, sans aucun motif ni mandat d'arrêt. Lemême jour, M. Jemal Samba Beylil a été arrêté à son travail dans la commune duKsar. Le 1er juillet au matin, M.Balla Touré a été arrêté à son tour à son domicile. Le 3 juillet 2016,alors qu'ils quittaient une conférence de presse organisée pour appeler à lalibération de leurs collègues, MM. Hamady Lehbouss,Ahmed Hamar Vall et Khatri Rahel Mbareck ont étéarrêtés dans la rue par des policiers en civil. Le même jour, M. MohamedJarroullah a également été interpellé par des policiers en civil. Le8 juillet, M. Mohamed Daty a été arrêté à lasortie du tribunal où il travaille en tant que greffier. MM. OusmaneAnne et Ousmane Lo ont quant à eux été arrêtés le même jour dans la rue. Enfin,le 9 juillet, M. Abdallahi Abou Diop a été arrêté sur son lieu de travail,après avoir été frappé par les policiers.

Les 13membres de l’IRA ont été arrêtés en lien avec une manifestationspontanée organisée le 29 juin 2016 contre l'expulsion forcée d'une vingtainede familles installées dans un bidonville dans le quartier de Ksarn, enpériphérie de la capitale Nouakchott, au cours de laquelle des scènes deviolences ont été perpétrées[3].Selon les informations reçues, aucun des 13 membres ne se trouvait sur leslieux de la manifestation. L’un d’entre eux, M. Mohamed Jarroulah, se trouvaitmême à 1 200 km de Nouakchott ce jour-là. De plus, l'IRA-Mauritanie n'a ni organiséni participé à cet événement.

Le 12 juillet, entre 4h30 et 7h45 du matin, les 13défenseurs ont été interrogés par le Parquet au sujet de la manifestation du 29juin. Ils ont alors pu, pour la première fois depuis leur arrestation,s'entretenir avec leurs avocats, après avoir été détenus au secret pendanttrois à 12 jours.

Au cours de leurs gardes à vue, les 13défenseurs ont été transférés séparément dans des lieux inconnus, et privés demoyens de communication avec leurs proches ou avocats. Ils ont été interrogésen pleine nuit, privés de sommeil, d'accès aux sanitaires, aux douches ainsiqu'à un médecin. Selon les informations reçues, MM. Abdallahi Matallah Seck, Balla Touré, KhatriMbareck, Jemal Samba Beylil et Moussa Biram ont été victimes d'actes detorture. Pieds et mains liés dans des positions douloureuses pendant desheures, suspendus par des cordes, les menottes beaucoup trop serrées, ils ontété interrogés au sujet de la planification et de leur participation supposéeaux événements du 29 juin. De même, M. Amadou Tidjane Diop a été déshabillé,insulté, menacé de mort au cours de son interrogatoire et s'est vu forcé demanger certains repas agrémentés de sable sans pouvoir s'hydrater.

En outre, M. Amadou Tidjane Diop a été privé d'accès auxsoins médicaux nécessaires, et ce malgré une pathologie cardiaque connue pourlaquelle il possède une prescription médicale ainsi que des bulletins deconsultation de cardiologie. Ce n'est qu'après sa garde à vue qu'il a pu serendre à l’hôpital, mais les analyses prescrites n'ont toujours pas étéréalisées.

Les commissaires principaux El-Hadi etAhmed Baba Ahmed Youra, l'inspecteur de police Hassane Samba, les officiers depolice Alioune Hassane et Lemrabott, le brigadier chef Didi ainsi que lesbrigadiers Ould Amar et Oumar Ndiaye auraient participé, avec d'autrespersonnes non identifiées, aux actes de torture et aux mauvais traitementssusmentionnés. En outre, M. Boubacar Ould Messaoud, membre du Mécanisme nationalde prévention (MNP), président de l'association SOS-esclaves et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, s'est vu refuser une visite en prison en dépit d'unedemande officielle. Les demandes formulées par les avocats des 13 défenseursafin de faire expertiser les traces visibles des sévices ont par ailleurs étérefusées.

Le 12 juillet, le procureur Cheikh Taleb Bouya Ahmed a ouvert une enquêtede flagrance, et a inculpé les 13 défenseurs pour « attroupement armé », « violences à l'égard d'agents dela force publique », « rébellion » et « appartenance à uneorganisation non enregistrée ».

Le procès s’estouvert le 3 août 2016 devant la Cour criminelle de Nouakchott ouest. Le 9 août, les prévenus ontrefusé de comparaître devant la Cour, après que la police a fait usage d'uneforce disproportionnée afin d'interdire à leurs familles et collèguesd'assister à l'audience. Le lendemain, le président de la Cour les a finalementautorisés à prendre place dans la salle d'audience, mais a décidé de placer lesprévenus dans une salle adjacente fermée et de les faire comparaître les unsaprès les autres devant la Cour. Face aux contestations, le président estensuite revenu sur sa décision. En outre, les avocats de la défense n'ont paseu le droit, comme il est d'usage, de prendre la parole depuis l'estrade ou des'approcher du président de la Cour. Ils ont également été insultés et humiliéspubliquement par un officier de police au cours de l'audience du 10 août.

Le 16 août, la Cour a rejeté la plainte pour torture de M. Moussa Biram, nes'estimant pas compétente pour juger l'affaire, même si la Loi n° 049-15 sur latorture oblige les juridictions nationales à se prononcer immédiatement surtoute plainte pour actes de tortures et ainsi invalider les preuves tirées del'usage de la torture. De plus, elle a autorisé la diffusion d'une vidéo àcharge présentée par le procureur alors que ceci est proscrit par l'article 278du Code de procédure pénale[4]. Le collectif d'avocats quiassurait la défense des 13 accusés a décidé de se retirer de l'audience afin deprotester contre ces violations de procédure. Les détenus ont refusé lesnouveaux avocats commis d'office.

Le 18 août 2016, MM. Moussa Biram, AdballahiAbou Diop, Amadou Tidjane Diop,et Adballahi Matallah Seck,président du bureau de Sebkha, ont été condamnés par la Cour criminelle deNouakchott ouest à une peine de 15 ans d'emprisonnement pour« attroupement armé » (article 101 à 105 du Code pénal),« violences à l'égard d'agents de la force publique » (articles 213et 214 du Code pénal), « rébellion » (article 191 du Code pénal) et « appartenance à une organisation non enregistrée » (articles 3 et 8 de la Loi de 1964sur les associations).

Le même jour, MM.Hamady Lehbouss et Balla Touré, ont quant à eux été condamnésà une peine de cinq ans de prison pour « provocation directe à unattroupement armé » (article 104 paragraphe 2 du Code pénal) et« administration d'une organisation non autorisée » (article 8 de la Loi de 1964 sur les associations).

Par ailleurs, MM. OusmaneAnne, Jemal Samba Beylil,Mohamed Daty, Ahmed Mohamed Jarroullah et Ousmane Lo ainsi que Khatri Rahel Mbareck, et Ahmed Hamdy Hamar Vall, ont été condamnés à trois ans de prisonpour « gestion d'une organisation non enregistrée » (article 8 de la Loi de 1964sur les associations).

Le 22 août 2016,le collectif d'avocats des 13 membres de l’IRA-Mauritanie a interjeté appel deces condamnations.

Le 28 septembre 2016, les 13 membres de l’IRA-Mauritanie,ont été transférés à Zouérat, à une distance de 770 km de Nouakchott, où leprocès en appel devrait se tenir dans quelques jours, avant leur transfertdéfinitif à la prison de Bir-Moghrein, à 1 120 km de Nouakchott, où ils devraient purger leur peine.

Situé dans l’extrême nord de la Mauritanie, la prison deBir-Moghrein est très difficilement accessible par voie terrestre en raison duterrain désertique et de la menace sécuritaire pesant dans cette région. Serendre sur place est très coûteux et dangereux pour les familles des détenus,leurs avocats et les militants, qui auront beaucoup de difficultés à leurrendre visite et à assister au procès. De plus, le bagne de Bir-Moghrein estréputé pour ses conditions de détention extrêmement difficiles[5] et le transfert des 13membres de l’IRA avait été déconseillé par leurs médecins, qui les considèrenttrop affaiblis en raison des actes de tortures subis.

L’Observatoire craint que le dépaysement de l’appel et letransfert des 13 défenseurs au nord du pays ne visent qu’à les éloigner deleurs familles, de leurs avocats et de tout soutien de la société civile et àles punir davantage pour leurs activités en faveur des droits humains etdénonce fermement ce transfert et le harcèlement continue à leur encontre.

De plus, le 13 septembre 2016 M. Yacoub Inalla a étéarrêté le jour de la fête de Tabaski, alors qu’il prenait la parole devant ungroupe de fidèles rassemblés pour la prière à Aleg. Lors de son discours, M.Yacoub Inalla avait appelé au respect de la justice, aux droits de la personnehumaine et de la dignité dans le pays.

Deux policiers en tenue officielle ont procédé àl’arrestation musclée de M. Yacoub Inalla sans préciser le lieu de détention dece dernier. Le 15 septembre 2016, les proches de M. Yacoub Inalla l’ayantvu à l’hôpital de la ville d’Aleg où il avait été transféré pour des soinsd’urgence, ont rapporté qu’ils craignaient que celui-ci ait fait l’objet detorture en détention. Poursuivi pour « incitation à la violence », « violences à l'égard d'agents de la force publique »,« rébellion », « appartenance à une organisation nonenregistrée » et « troubles à l’ordre public et à la prière », M. Yacoub Inalla a pu voir son avocatle 19 septembre 2016 lors de sa comparution devant le procureur. Après huitjours de torture et de détention au secret, Yacoub Inalla a été libéré et placésous contrôle judiciaire sous l’autorité du juge d’instruction de la villed’Aleg, dans l’attente de son procès.

Actions requises :

L’Observatoirevous prie de bien vouloir écrire aux autorités mauritaniennes en leur demandantde :

i.Garantir en toute circonstance l’intégrité physique et psychologique des 14membres de l’IRA-Mauritanie susmentionnés ainsi que de l’ensemble desdéfenseurs des droits de l'Homme en Mauritanie, et notamment garantir à MM. Amadou Tidjane Diop, Abdallahi Matallah Seck, Balla Touré, KhatriMbareck, Jemal Samba Beylil, Hamdy Hamar Vall et Moussa Biram l’accès aux soinsmédicaux nécessaires ;

ii.Libérer immédiatement et inconditionnellement les 13 membres del’IRA-Mauritanie susmentionnés, en ce que leur détention ne semble viser qu'àsanctionner leurs activités de défense des droits de l'Homme ;

iii. S'assurer que l'ensemble des procédures engagées à leur encontre sontconduites dans le respect du droit à un procès équitable ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y comprisjudiciaire, à leur encontre et, plus généralement, à l’encontre de l’ensembledes défenseurs des droits de l'Homme en Mauritanie ;

v.Mener une enquête immédiate, indépendante et efficace et transparente sur lesallégations de torture et de mauvais traitement subis par les défenseurs susmentionnés, afin d’identifiertous les coupables et de les sanctionner conformément à la loi ;

vi.Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droitsde l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre1998, et plus particulièrement ses articles 1, 9.1 et 12.3 ;

vii.Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelledes droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs auxdroits de l’Homme ratifiés par la Mauritanie.

Adresses :

S.E M.Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République Islamique de Mauritanie,Fax : 00 222 525 85 52

M. AhmedouOuld Abdalla, Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation de laRépublique Islamique de Mauritanie, Fax : + 222 529 09 89; Email : mmelhadi@interieur.gov.mr ; leminesidi@yahoo.fr

• M. Brahim Ould Daddah, Ministre de la Justice de la République Islamique deMauritanie, Fax : 00 222 525 70 02

• Me Irabiha Mint Adbel Weddoud, Présidentede la Commission nationale des droits de l’Homme,Email : presidente@cndhmauritanie.mr

S.E.Ambassadeur Mme Salka Mint Bilal Yamar, Mission permanente de la Mauritanieauprès de l’Office des Nations unies à Genève, Suisse. Fax : +41 22 906 18 41.Email : mission.mauritania@ties.itu.int

• Ambassade de la Mauritanie à Bruxelles,Belgique, Fax : +32 2 672 20 51, Email : info@amb-mauritania.be

Prièred’écrire également aux représentations diplomatiques de Mauritanie dans vospays respectifs.

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Paris-Genève,le 21 octobre 2016

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

LObservatoire, partenariat de la FIDH et de l'OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de lHomme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l'Union européenne pour les défenseursdes droits de l'Homme mis en œuvre par la société civile internationale.


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