République centrafricaine (RCA)
14.12.06
Interventions urgentes

Nouvelles campagnes de diffamation à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme

CAF 003 / 1206 / OBS 148
Menaces graves / Campagne de diffamation
République centrafricaine

14 décembre 2006

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prient d’intervenir d’urgence à propos de la situation suivante en République centrafricaine (RCA).

Description des faits:

L’Observatoire a été informé par la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH) de nouvelles campagnes de diffamation et de menaces de mort à l’encontre de plusieurs défenseurs des droits de l’Homme.

Selon les informations reçues, le 1er décembre 2006, le président de la République, M. François Bozizé, a prononcé un discours à la nation à l’occasion de la fête nationale, au cours duquel il a notamment accusé les magistrats, les défenseurs des droits de l’Homme, les journalistes et les opposants politiques de « bloquer le développement de la RCA ».

M. Bozizé a également affirmé qu’« en Centrafrique, les défenseurs des droits de l’Homme se cachent derrière cette notion [de défense des droits de l’Homme] pour faire de la politique ». Il a ajouté que les défenseurs « racont[ent] n’importe quoi […] en criant haut et fort qu’il existe des violations des droits de l’Homme » et qu’être « défenseur des droits de l’Homme, c’est respecter son prochain, son pays et le chef de l’Etat. Mais chaque fois, on brandit les droits de l’Homme pour insulter son pays (...). Ce n’est pas digne d’un défenseur des droits de l’Homme d’insulter son pays et le président de la République et de s’en réjouir par la suite (...). Certaines personnes déforment le concept des droits de l’Homme par pure mauvaise foi ».

M. Bozizé a par ailleurs accusé la presse indépendante de « raconter n’importe quoi sur le pays », affirmant « qu’étaler à chaque fois les mauvaises facettes de son pays n’est pas normal ».

L’Observatoire exprime sa vive préoccupation au regard de ce discours, qui s’inscrivent dans un contexte de harcèlement accru à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en RCA. Ainsi, le 15 mars 2006, à l’occasion de la célébration du troisième anniversaire de la prise de pouvoir du général Bozizé, ce dernier, dans un discours officiel prononcé dans la ville de Mbaiki, avait qualifié les défenseurs des droits de l’Homme de « protecteurs des criminels ». Par ailleurs, le 25 août 2006, à l’occasion d’une audience accordée aux membres du Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC, parti d’opposition), le président Bozizé aurait évoqué l’audience du 16 juin 2006 accordée à une délégation de la FIDH, dont Me Nganatouwa Goungaye Wanfiyo, avocat et président de la LCDH, en précisant qu’il avait eu envie ce jour-là de «poignarder» ce dernier, joignant le geste à la parole.

L’Observatoire considère que de tels propos sont une violation flagrante des dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, en particulier son article 6c qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales, et , par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question », ainsi que celles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), en particulier ses articles 19.1 et 19.2 qui stipule respectivement que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions » et que « toute personne a droit à la liberté d’expression [dont] la liberté de (…) répandre des informations et des idées de toute espèce, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix » et de l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, prévoyant que « toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de RCA et de leur demander de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de tous les défenseurs des droits de l’Homme en RCA ;
  2. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, et son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;
  3. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République centrafricaine.

Adresses :

  • M. Francois Bozize, Président de la République. Fax : + 236 05 56 20
  • M.Elie Doté, Premier Ministre. Fax : + 236 61 42 71
  • M. Michel Sallé, Ministre de l’Intérieur chargé de l’Administration du territoire. Fax : + 236 61 26 27
  • M. Paul Otto, Ministre de la Justice, des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance. Fax : + 236 61 15 79
  • Ambassade de la République centrafricaine à Bruxelles, 416 bd. Lambermont, 1030 Saint-Josse-Ten-Noode, Belgique, Fax : + 32 2 215 13 11; Tel : 32 2 242 28 80, Email : ambassade.centrafrique@skynet.be

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Paris - Genève, le 14 décembre 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29