Cameroun
26.06.14
Interventions urgentes

Poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire de M. Célestin Yandal, président du Collectif des jeunes de Touboro

Nouvellesinformations

CMR 001 /0314 / OBS 018.1

Détention arbitraire /

Harcèlement judiciaire

Cameroun

26 juin 2014

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droitsde l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues desdroits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture(OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Cameroun.

Nouvelles informations:

L'Observatoire a été informé par des sources fiables de lapoursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire de M. CélestinYandal, président du Collectif des jeunes de Touboro, une association dedéfense des droits des jeunes dans la région de l'Adamaoua.

Selon les informations reçues, le 19 juin 2014, pour lacinquième fois consécutive, M. Célestin n'a pu comparaître devant le procureurde Tcholliré dans le cadre de son procès. Les audiences ont été régulièrementrenvoyées, faute de mandat d'extraction permettant au défenseur de sortir del'enceinte de la prison de Garoua, où il est détenu depuis le 5 décembre 2013.

M. Célestin Yandal est maintenu en détention préventivedepuis son arrestation le 23 novembre 2013, et poursuivi pour cinq chefsd'accusation. Trois relèvent du procureur, en l'occurrence « destructiondes effigies du Chef de l’Etat pendant les élections législatives etmunicipales du 30 septembre 2013 », « destruction de la barrière duLamido[1] deRey-Bouba » et « menaces simples et violation du domicile d’un chefDjavor »; et deux du juge d'instruction, à savoir « tentatived’assassinat d’un certain Abdou, l’un des hommes de main du Lamido », et« vol aggravé chez un Dogari (soldat du Lamido), qui déclare que M. Yandalet ses collègues l’auraient agressé et lui auraient dérobé 92 000 FCFA »(soit 140 euros).

L'Observatoire s'inquiète de la poursuite de la détentionarbitraire et du harcèlement judiciaire de M. Yandal, qui reposent sur desaccusations fallacieuses ne visant qu'à sanctionner ses activités de défensedes droits de l'Homme.

Rappel des faits :

Le 23 novembre 2013, M. Yandal a été placé en détention dansles locaux de la gendarmerie de Ngaoundéré, où il croyait se rendre pour unerencontre privée avec l'un de ses proches qui travaille à la gendarmerie, surles conseils d'un gendarme en civil rencontré quelques heures plus tôt. M.Yandal rentrait d'un déplacement à Douala où il s'était entretenu le 19novembre avec des membres du Réseau de défenseurs des droits humains del'Afrique centrale (REDHAC) à propos de violations subies par plusieurs jeunesde Touboro de la part du Lamido de Rey Bouba, second vice-président du sénatcamerounais. Ce dernier avait en effet ordonné aux autorités locales, etnotamment au procureur de la République de Tcholliré, l'arrestation de quatorzejeunes de cette localité pour troubles à l’ordre public à Touboro lorsd'altercations avec les hommes de mains du Lamido qui étaient venus racketterles populations de cette localité.

Détenu à lagendarmerie de Ngaoundéré du 23 novembre au 5 décembre 2013, il a été transférédans la nuit du 5 décembre à 2 heures du matin de Ngaoundéré à Tcholliré, sansmotifs précis, afin de comparaître devant le procureur de Tcholliré, qui lui adans un premier temps signifié sa libération, avant de le ré-arrêter à lasortie du tribunal, l'informant de son mandat de dépôt à la prison deTcholliré.

Suite à sa comparution devant le procureur de Tcholliré, M.Yandal a été transféré le 5 décembre 2013 à la Prison centrale de Garoua,officiellement pour assurer « sa sécurité ». Il a ensuite comparupour la première fois le 16 janvier 2014 devant la Cour d’appel du Nord, lorsde laquelle son avocat a requis sa liberté provisoire en présentant toutes lesgaranties exigées par la loi. La Cour a cependant rejeté cette demande deliberté, et renvoyé l'audience, au motif que le « procureur de Tchollirén’avait pas envoyé ses conclusions ».

Le 26 février, dans le cadre d’une commission rogatoire miseen place par le parquet, M. Yandal a été entendu par le juge d’instruction, quilui a signifié sa prochaine comparution devant le procureur de Tcholliré le 20mars 2014. Son avocat a immédiatement saisi la Cour suprême pour demander queson client soit jugé à Garoua ou dans toute autre juridiction que celle deTcholliré, arguant que le procureur de Tcholliré ne pouvait être impartial danscette affaire, et que son client ne pourrait donc pas bénéficier d'un procèséquitable au sein de cette juridiction. Depuis, les audiencessont régulièrement renvoyées.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire auxautorités camerounaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstancesl’intégrité physique et psychologique de M. Célestin Yandal et de l’ensemble des défenseurs desdroits de l’Homme au Cameroun ;

ii. Libérer M. Yandal de manièreimmédiate et inconditionnelle car sa détention est arbitraire en ce qu'elle nevise qu'à sanctionner ses activités de défense des droits de l'Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme deharcèlement à l'encontre de M. Yandal ainsi que de l’ensemble desdéfenseurs des droits de l’Homme au Cameroun ;

iv. Se conformer aux dispositions de laDéclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assembléegénérale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement

- son article 1 qui stipule que“chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, depromouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et detoutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

- son article 6 qui stipule que“chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres: a) Dedétenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tousles droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notammentaccès à l'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droitset libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratifnational ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droitsde l'homme et autres instruments internationaux applicables, de publier,communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations etconnaissances sur tous les droits de l'homme et toutes les libertésfondamentales ; c) D'étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect,tant en droit qu'en pratique, de tous les droits de l'homme et de toutes leslibertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés,d'appeler l'attention du public sur la question” ;

- et son article 12.2 qui prévoit que“l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autoritéscompétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avecd’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto oude jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercicelégitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

v. Plus généralement, se conformer auxdispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instrumentsrégionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par leCameroun.

Adresses :

  • M. Paul Biya, Président de la République, Présidence de la République, Palais de l’Unité, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax +237 222 08 70
  • M. Philémon Yang, Premier ministre et Chef du gouvernement, Primature du Cameroun, Fax : +237 22 23 57 35 et courriel : spm@spm.gov.cm
  • M. Laurent Esso, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax : + 237 223 00 05
  • M. Alain Edgard Mebe Ngo’o, Ministre Délégué à la Présidence de la République chargée de la Défense B.P1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax +237 223 59 71
  • M. SADI René Emmanuel, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Fax : + 237 222 37 35
  • Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), Tel : +237 222 61 17, Fax : +237 222 60 82, E-mail : cndhl@iccnet.cm
  • Mission permanente de la République du Cameroun auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, rue du Nant 6, 1207 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 736 21 65, Email : mission.cameroun@bluewin.ch
  • Ambassade de la République du Cameroun à Bruxelles, 131 av. Brugmann, 1190 Forest, Belgium, Tel : + 32 2 345 18 70 ; Fax : + 32 2 344 57 35 ; Email : ambassade.cameroun@skynet.be

Prièred’écrire également aux représentations diplomatiques du Cameroun dans vos paysrespectifs.

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Paris-Genève, le 26 juin 2014

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire detoutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire,programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs desdroits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussiconcrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligned’Urgence :

· E-mail :Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Chef traditionnel.