Djibouti
21.12.11
Interventions urgentes

Le président Sarkozy doit demander au président Ismaël Omar Guelleh l'arrêt des violations des droits de l'Homme

Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme(FIDH)

Liguedes droits de l'Homme et du Citoyen (LDH)

Liguedjiboutienne de défense des droits humains (LDDH)

Uniondjiboutienne du travail (UDT)

Reporterssans frontières (RSF)

Organisationmondiale contre la torture (OMCT)

Unioninterafricaine des droits de l'Homme (UIDH)

Communiqué de presse

Djibouti : le présidentSarkozy doit demander au président Ismaël Omar Guelleh l'arrêt des violationsdes droits de l'Homme

Djibouti, Paris, Nairobi, Genève, le21 décembre 2011 – La FIDH et ses organisations membres à Djibouti et enFrance, respectivement la LDDH et la LDH, ainsi que l'UDT, l'OMCT, l'UIDH etRSF appellent le président français Nicolas Sarkozy à demander au présidentdjiboutien, Ismaël Omar Guelleh, l'arrêt des violations des droits de l'Hommeet des droits syndicaux à Djibouti ainsi que des actes concrets en faveur d'unetransition politique permettant un réel système démocratique à Djibouti.

« Alors que l'on célèbre lepremier anniversaire de la révolution tunisienne, la France doit tirer les leçons dupassé et ne plus soutenir jusqu'au bout des dictatures sans avenir » a déclaré MmeSouhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Le président français, M. NicolasSarkozy, doit recevoir ce mercredi 21 décembre 2011 à 17h son homologuedjiboutien, M. Ismaël Omar Guelleh, qui a entamé son troisième mandat dans lacontestation populaire[1][1] et étouffe toutecontestation par l'emprisonnement et la torture dans son pays. A cette occasion,nos organisations appellent le président Sarkozy à aborder la situation desdroits de l'Homme à Djibouti lors de son entretien avec Ismaël Omar Guelleh, decondamner les violations et d'obtenir des engagements du président djiboutienpour démocratiser le pays, notamment des élections réellement libres, uneindépendance de la justice, le respect effectif des libertés publiques etindividuelles comme la liberté de la presse et la liberté syndicale.

« La situation des droitshumains est terrible à Djibouti : il y a eu depuis un an unemultiplication des arrestations et détentions arbitraires, la pratique de latorture est toujours aussi rependue, la liberté d’expression des djiboutiensest constamment niée, les défenseurs des droits de l'Homme sont en prison ousous le coup de procédures judiciaires, la liberté syndicale est foulée auxpieds depuis 10 ans » a déclaré Jean-Paul Noël Abdi, président de laLigue djiboutienne de défense des droits humains (LDDH) et lui-même sous lecoup de deux procédures judiciaires dont une pour « participation à unmouvement insurrectionnel ».[2][2]

« Le président Sarkozyreçoit un chef d’État dont le régime oppresse ses propres citoyens. Il doitêtre ferme et condamner ces atteintes graves aux droits de l'Homme tout enexigeant d'Ismaël Omar Guelleh des actes concrets pour libérer les prisonnierspolitiques, stopper les atteintes aux défenseurs des droits de l'Homme et jugerles agents de l’État auteur des tortures » a déclaré M. PierreTartakowsky, président de la Ligue des droits de l'Homme et du Citoyen (LDH).

Dernier épisode en date, lesconvocations le 13 décembre 2011 par la juge d’instruction Rahima MoussaDawaleh de MM. Farah Abadid et Houssein Robleh, deux journalistes de La Voix deDjibouti, arrêtés le 21 novembre et sévèrement torturés pour obtenir desinformations sur leurs activités de journaliste et d'activiste des droits del'Homme. Leur avocat n'a pas pu avoir accès à l'intégralité du dossier d'où ilressort toutefois que l'incrimination qui évolue sans cesse s'acheminefinalement vers une accusation fausse d'« appel à une rébellionarmée ».

« MM. Farah Abadid etHoussein Robleh sont inquiétés parce qu'ils collaborent avec un média en exilet sont ainsi susceptibles de 'faire sortir' de l'information de Djibouti. Leurcas illustre le manque de liberté de la presse dans ce pays et le harcèlementauquel s'exposent les journalistes », a déclaré Jean-FrançoisJulliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.

La situation des libertés syndicalesest elle aussi préoccupante depuis de longues années. Ainsi le mouvementsyndical djiboutien libre, dont l'UDT est depuis 1995 dans le collimateur desautorités : confiscation du siège de l'UDT par décret présidentiel auprofit du ministère de la jeunesse et de sport en octobre 2011[3][3] ;licenciements de dirigeants et militants syndicaux dont le secrétaire généralde l'UDT pour fait de grèves ; non respect des résolutions et lesrecommandations du Bureau international du travail (BIT) réitérées chaque année et les missionsde bons offices de l'OIT et de l'OAT ; harcèlement et répression constantedes centrales syndicales libres de l'UDT et de l'UGTD dont les autoritésdjiboutiennes refusent de reconnaître l'existence légale et lalégitimité ; création et soutien de syndicats inféodés au pouvoir et nonlégitimes afin de mettre en avant ces syndicats pro-pouvoir lors desconférences internationales notamment celle annuelle de l'OIT ; nonrespect des conventions et recommandations de l'OIT bien que Djibouti ait ratifiédes 1978 plus des dizaines de conventions de l'OIT dont celles fondamentales.

« Nousappelons également les autorités de Djibouti à se conformer aux recommandationsadoptées par le Comité contre la torture des Nations unies (CAT) lors de sadernière session en novembre 2011, et en particulier celles relatives à la pratique fréquente de la torture par les forces del’ordre et aux conditions de détention», a ajouté Gerald Staberock, secrétaire général del’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

Rappel

Six mois après l’électionprésidentielle qui a vu le président Ismaël Omar Guelleh reconduit pour untroisième mandat après une élection-mascarade, le bilan de la répressionpost-électorale s’alourdit de semaine en semaine. Ainsi, le 16 octobre 2011,plusieurs dizaines de jeunes diplômés chômeurs issus de l’Université de Djibouti ont été interpellés lorsd’une manifestation à la Place Lagarde à Djibouti-ville appelant à unepolitique sociale d’emploi. Placés en garde à vue au centre de rétention deNagad, 32 des jeunes interpellés ont été déférés devant la justice et placésaussitôt sous mandat de dépôt à la prison centrale de Gabode. Le verdict a étémis en délibéré et devrait intervenir dans les prochains jours.


« Le gouvernement djiboutien doit procéder à lalibération immédiate de tous les jeunes et tous les prisonniers politiques quisont actuellement emprisonnés à Djibouti. Le gouvernement al’obligation de se conformer aux engagements pris en matière de protection desdroits humains » avait déclaré, le 4 novembre 2011 Jean-Paul Noël Abdi, présidentde la LDDH.


Le 18 septembre 2011, quatre prisonniers politiques, MM. Hassan Amine, IsmaëlHassan Aden dit Madheedh, Ismaël Abdillahi Doualeh dit Sitiin et Abdi Osman ditIndabuur, ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurarrestation et détention arbitraire depuis le 8 août, sous l’accusationfallacieuse de « participation à une insurrection armée ».M. Hassan Amine, qui est membre de la direction du Parti djiboutien pourle développement (PDD), a été arrêté à son domicile à Randa[4][4]. Il serait enréalité poursuivi pour avoir rendu visite à des prisonniers politiques et enparticulier d’avoir fourni des médicaments à Mohamed Ahmed dit Jabha[5][5], privé desoins ; pour avoir dénoncé des arrestations arbitraires et tortures decivils dans le nord du pays ; et enfin pour avoir joué un rôle actif dansl’organisation de la manifestation de 18 février 2011. Ismaël Hassan Aden ditMadheedh, qui est militant du PND, serait poursuivi pour son rôle, très actif,dans la mobilisation pacifique contre le pouvoir. Il aurait été torturé lors desa détention par des gendarmes. Ismaël Abdillahi Doualeh dit Sitiin,distribuait le seul journal d’opposition, LaRépublique, journal du parti PND d’Aden Robleh Awaleh. Il étaitconstamment harcelé par la police et aurait été torturé à la Section deRecherche et de Documentation (SRD). Abdi Osman dit Indhabuur, cadre de l’Unionpour la Démocratie et la Justice (UDJ), a été arrêté en février 2011 à la suitede la grande manifestation, en raison de son rôle dans cette mobilisation. Ilaurait lui aussi été torturé par des agents de la gendarmerie.

Depuis les grandes manifestations de février 2011 critiquant les manipulationsconstitutionnelles permettant au président sortant de briguer un troisièmemandat et appelant à plus de liberté, la prison de Gabode et les geôles durégime ne désemplissent pas : opposants, défenseurs des droits de l’Homme,syndicalistes, collaborateurs de médias et autres citoyens ordinaires sont arbitrairementarrêtés, jetés en détention et souvent torturés. Outre les 4 grévistes de lafaim, la prison centrale de Gabode est le lieu de détention d’une vingtaine deprisonniers politiques tels que :

ñ Mohamed Ahmed Abdillahi, frère del’opposant Mahdi Ahmed Abdillahi (mort le 14 avril 2009 à la prison centrale deGabode), interpellé en mars 2009 à Djibouti-ville, torturé et condamné à 5 ansde prison en juin 2010 ;

ñ Mohamed Hassan Robleh, militant duMouvement pour le renouveau Démocratique (MRD), et Adan Mahamoud Awaleh,interpellés le 25 février 2011 à Djibouti-ville et torturés ;

ñ Hamoud Elmi Ahmed dit Gedaleh,militant de l’Union pour la démocratie et la Justice (UDJ), interpellé enfévrier 2011 et torturé ;

ñ Mohamed Ahmed dit Jabha du Frontpour la restauration de l’unité et la démocratie (FRUD), interpellé en mai 2010au nord du pays et torturé ;

ñ Zakaria Awaleh, Mahdi Abdillahi,Zeinab Mohamed Robleh, Idriss Mohamed Robleh et leur père Mohamed Robleh,interpellés le 16 septembre 2011 pour avoir manifesté leur opposition enprésence du président Guelleh dans la ville d’Ali-Sabieh au sud du pays où leprésident possède une résidence secondaire. Ils ont eux aussi ététorturés ;

ñ Ahmed Aidahis, pasteur nomade,interpellé début 2011 et accusé de soutien au FRUD a été violemment torturé etremis en liberté depuis lors[6][6] ;

A ces personnes, s’ajoutent 58autres, qui ont été interpellées le 16 septembre 2011 lors de la manifestationd’Ali-Sabieh contre le président Guelleh. Détenues au poste de police de Galiléà la frontière avec l’Éthiopie pour avoir crié spontanément « mort à ladictature » sur le passage du président de retour de la mosquée, elles ontété libérées depuis lors.


La situation des défenseurs des droits de l’Homme demeurent aussi en suspens.Ainsi, M. Jean-Paul Noël Abdi et M. Farah Abadid Hildid,respectivement président et membre de la LDDH, qui avaient été arrêtés le 5février 2011, et accusés de "participation à un mouvementinsurrectionnel", sont toujours en attente de jugement. Ils encourentjusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 Francsdjiboutiens[7][7] M. FarahAbadid Hildid, en liberté provisoire depuis le 23 juin 2011, a été torturéentre le 5 et 9 février 2011 par des membres de la SRD.


« Cette répression systématique contreles opposants et la population doit cesser » avait déclaré MeSidiki Kaba, président d’Honneur de la FIDH. « L’usage systématique de la torture contre les opposants politiques etles défenseurs des droits de l’Homme est une honte pour Djibouti et une pratique d’unautre temps. Les auteurs de ces tortures devront être poursuivis » avait-il ajouté.

Contacts presse : FIDH- Arthur Manet : presse@fidh.org / te : +33 (0) 6 72 28 42 94

RSF - AlexandreJalbert : presse@rsf.org /tel : +33 (0)1 44 83 84 56

OMCT– Alexandra Kossin/ DelphineReculeau / tel. : + 41 (0) 22 809 49 39



[1][1] Réélu en avril 2011à la suite duboycott de l'opposition qui entendait ainsi protester contre l'organisationd'un scrutin joué d'avance selon eux, le président Omar Guelleh avait dû faireface en janvier et février à des manifestations populaires sans précédant àDjibouti pour protester contre la modification constitutionnelle permettant àGuelleh de se présenter à nouveau (alors que la Constitution limitait à deux lenombre de mandats). Voir http://www.fidh.org/Djibouti-Elections-presidentielleset http://www.fidh.org/-Djibouti,63-?debut_artz0=5#pagination_artz0

[2][2] La situation des défenseurs des droitsde l’Homme demeure aussi en suspens. Ainsi, M. Jean-PaulNoël Abdi et M. Farah Abadid Hildid, respectivement président et membre dela LDDH, qui avaient été arrêtés le 5 février 2011, et accusés de« participation à un mouvement insurrectionnel », sont toujours enattente de jugement. Ils encourent jusqu’à quinze ans de réclusion criminelleet une amende de 7 000 000 Francs djiboutiens M. Farah Abadid Hildid, enliberté provisoire depuis le 23 juin 2011, a été torturé entre le 5 et 9 février2011 par des membres de la SRD. Voir notamment les interventions urgentes publiéesdans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits del’Homme (programme conjoint de la FIDH avec l’Organisation mondiale contre latorture (OMCT) : http://www.fidh.org/Liberation-souset http://www.fidh.org/Degradation-de-et http://www.fidh.org/-Djibouti,63-

[3][3] L'immeuble à l'origineconstruit par Force Ouvrière (FO) dans les années 50 à Djibouti pour sa branchede Djibouti et dont l'UDT avait « hérité » par l'intervention de FOauprès du président djiboutien de l'époque, M. Hassan Gouled.

[4][4] Voirle communiqué de L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits del’Homme, un programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture(OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme(FIDH), du 16 août 2011, http://www.fidh.org/Arrestation-arbitraire-de-M-Hassan

[5][5] Voir notamment l’interventionurgente publiée par l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) http://www.omct.org/fr/urgent-campaigns/urgent-interventions/djibouti/2011/07/d21349/

[6][6] Voir notamment les interventions urgentespubliées par l’Organisation mondialecontre la torture (OMCT) http://www.omct.org/fr/urgent-campaigns/urgent-interventions/djibouti/2010/10/d20911/,http://www.omct.org/fr/urgent-campaigns/urgent-interventions/djibouti/2011/07/d21349/et http://www.omct.org/urgent-campaigns/urgent-interventions/djibouti/2011/03/d21142/,

[7][7] Voirnotamment les interventions urgentes publiées dans le cadre de l’Observatoirepour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (programme conjoint dela FIDH avec l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) : http://www.fidh.org/Liberation-sous-controleet http://www.fidh.org/-Djibouti,63-