Le Burundi condamné une nouvelle fois par l’ONU pour torture sur un étudiant
Genève, 20 juin 2025 – Le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) a une nouvelle fois condamné le Burundi, dans une décision rendue le 11 avril 2025, pour des actes de torture commis à l’encontre d’un jeune étudiant burundais.
Les faits remontent au 21 janvier 2016. E.N., alors étudiant, rentrait de l’école avec son frère lorsqu’ils ont été pris pour cible par cinq policiers en uniforme. Les forces de l’ordre recherchaient des jeunes soupçonnés d’appartenir à des groupes armés et d’avoir participé aux manifestations contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Après les avoir suivis jusqu’à leur domicile, l’un des policiers a tiré à bout portant dans la jambe d’E.N., lui brisant le tibia. Malgré ses cris de détresse, les agents l’ont abandonné sans lui prodiguer la moindre assistance. Son frère, quant à lui, a été pourchassé, battu, puis tué par balles.
Depuis cet épisode tragique, E.N. porte les séquelles physiques de sa blessure, en plus de profondes blessures psychologiques. Il a été contraint de fuir le Burundi, craignant pour sa vie.
Dans sa décision, le CAT épingle l’État concernant l’usage excessif et disproportionné de la force par les agents de police. Le Comité reconnaît que les policiers burundais ont eu recours à une force excessive et disproportionnée commettant ainsi des actes de torture sur l’étudiant, en lui tirant dessus dans le but de l’intimider et de le punir, ne prenant aucune mesure pour le protéger vu sa blessure, en violation de la Convention contre la torture. Le CAT dénonce également l’inaction des autorités burundaises, qui n’ont entrepris aucune enquête sérieuse plus de neuf ans après les faits et trois ans après le dépôt de plainte, ce qui constitue un retard "manifestement abusif".
« À travers cette affaire, un message clair est envoyé : chaque acte de torture compte, chaque voix de survivant mérite d’être entendue, et aucun État n’est au-dessus des lois internationales. »
Me Jeanne d’Arc Zaninyana, avocate de la victime
Le CAT enjoint à l’État burundais d’ouvrir une enquête impartiale et approfondie sur ces faits, poursuivre les auteurs et octroyer à la victime une réparation adéquate. Il souligne aussi, avec inquiétude, l’absence persistante d’un mécanisme indépendant, confidentiel et efficace pour recueillir les plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements dans le pays.
Alors que des centaines de cas de torture ont été documentés au Burundi depuis la crise de 2015, seuls trois dossiers ont été jugés par les tribunaux au cours des cinq dernières années, un signe flagrant de la culture d’impunité qui continue de régner.
L’affaire, qui a été portée en 2021 par Me Jeanne d’Arc Zaninyana, soutenue par le Groupe d’Intervention Judiciaire du réseau SOS-Torture en Afrique, constitue une victoire importante pour la justice et montre que les actes de torture perpétrés par les agents de l’État au Burundi ne restent pas impunis, même près de 10 ans après les faits.
Reste désormais à savoir si l’État burundais respectera ses obligations internationales et appliquera les recommandations du Comité dans le délai imparti de trois mois.
La décision du Comité des Nations-Unies contre la torture est disponible ici.
Les signataires :
Les avocats ci-dessous sont signataires de cette déclaration :
- LOUBASSOU Christian, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Congo)/ République du Congo
- Maitre WEMBOLUA Henri, Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)/ RDC
- Maitre NODJITOLOUM Salomon, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT/TCHAD)
- Maitre HAMADOU Kadidiatou, ADEPE/F
- Maitre SOUILAH Mohsen, Centres SANAD/ Tunisie
- Maitre NIYONGERE Armel, SOS-Torture Burundi/ Burundi
- Maitre KWAMBA TSHINGEJ Frédéric, AFIA MAMA RDC
- Maitre ZANINYANA Jeanne d’Arc, Collectif des Avocats pour la Défense des Victimes de Crimes de Droit International commis au Burundi (CAVIB)/ Burundi
Pour plus d’informations, veuillez contacter : Guy Valère BADANARO, Coordonnateur du Groupe d’intervention judiciaire/SOS-Torture en Afrique ; Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) / Tel : (+228) 92 18 67 92. Email : guyvalre1@gmail.com
Le groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Afrique est un groupe d’avocats du réseau SOS-Torture de l’OMCT qui vise à contribuer à renforcer la prévention, la responsabilisation et la réparation des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est constitué de 16 avocats africains et se trouve sous le parrainage de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT).