08.05.08
Événements

Contribution à la 43ème session de la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples

  • Date de l'événement: 08.05.08
  • Heure de l'événement: 00:00:00

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Commissaires, Mesdames et Messieurs les représentants des Etats, chers participants.

Au nom de l’Organisation Mondiale contre la Torture qui est une coalition d’ONGs luttant, entre autres, contre ces fléaux que sont la torture et les mauvais traitements, je remercie la Commission de donner à la société civile l’occasion de s’exprimer devant les représentants des Etats. Aujourd’hui, je ne souhaite pas vous exposer la situation dans un pays ou d’une catégorie particulière de victimes car les ONGs nationales l’ont fait et le feront bien mieux que moi.

J’aimerais évoquer rapidement quelques idées dont on a encore peu parlé dans cette salle. J’aimerais parler d’interférence, de la loi, de terrorisme, de progrès économique et finalement de pessimisme.

La politique internationale est basée sur le principe de non interférence. Mais lorsque la société civile se réunit pour examiner la manière dont les gouvernements traitent leur population, au plan national ou comme ce fut le cas ces derniers jours pour l’ensemble du continent africain, elle n’interfère pas dans le domaine réservé des Etats. Elle ne fait que son devoir, celui de se mêler de ce qui la concerne. Les autorités nationales devraient s’en convaincre et impliquer sincèrement les organisations de la société civile indépendante et non violente dans leur façon de gouverner. Cela inclut aussi celles qui sont en désaccord avec leur autorité nationale.

Comme je l’ai constaté encore en avril dernier au Comité des Droits de l’Homme qui se réunissait à New York pour examiner le cas de la Tunisie, on se concentre trop souvent sur les lois et leurs imperfections. Il y a sur ce continent, des Etats dont les lois disent presque tout ce qui est utile à la protection des droits des citoyens, qui garantissent presque toutes les libertés. C’est leur application qui est complètement défaillante notamment parce que les magistrats obéissent directement au pouvoir Exécutif ou parce que les possibilités de recours offertes par la Loi ne sont, dans la pratique, pas accessibles aux justiciables. Certains de ces pays sont représentés dans la salle, d’autres sont absents.

Personne ne conteste qu’il faille lutter contre le terrorisme et ses ravages. Cependant, des Etats, au nord comme au sud, ont tendance à en profiter pour créer un régime légal d’exception et justifier de très graves atteintes aux plus élémentaires des droits de l’individu. C’est grave pour ceux qui en sont les victimes directes et malsain pour l’Etat lui-même.

On oublie trop souvent que les violations des droits humains et la torture en particulier sont aussi très nocives pour ceux qui les commettent ou ceux qui les approuvent. Ils le salissent et l’obligent à donner de lui-même une image qu’il ne voudrait pas voir ni montrer.

Plus grave encore, en se mettant parfois au niveau de ceux qu’il prétend combattre, l’Etat perd ce qui doit faire sa force : sa légitimité. Les organisations qui luttent contre la torture et les mauvais traitements savent bien que, depuis le 11 septembre 2001, de grandes démocraties qui se flattaient avant-hier de fixer les standards dans le domaine des droits de l’homme se sont laissé aller à des méthodes que le droit international condamne. On a repoussé un peu plus loin les limites et cela n’est pas resté sans conséquences dans le monde.

D’autres Etats encore usent et abusent de leurs performances économiques pour justifier les pires abus en matière de torture, de restriction des libertés d’opinion, d’association et d’expression. Si l’homme ne vit pas uniquement d’amour et d’eau fraîche, une société ne vit pas seulement de croissance économique.

Pour conclure, madame la Présidente, j’entend souvent que les violations des droits de l’homme sont de plus en plus graves et fréquentes. J’aimerais m’élever contre ce pessimisme généralisé. Sous l’influence de la société civile, des ONGs, l’opinion publique est de mieux en mieux informée des violations et les accepte moins facilement. Cette insatisfaction est en elle-même positive car elle nous incite à poursuivre nos efforts malgré l’impression, à mon avis trompeuse, que rien ne s’améliore. La prochaine entrée en fonction de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l’Homme devrait nous donner à tous de nouveaux outils pour poursuivre la tâche qui est devant nous.

Je vous remercie de votre attention.