Cameroun
13.11.24
Rapports

Cameroun: rôle des services et unités spéciales dans la pratique systématique de la torture

L’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) et les organisations signataires partenaires ont soumis un rapport alternatif au Comité contre la Torture des Nations Unies (CAT) sur la situation de la torture et des mauvais traitements au Cameroun, dans le cadre de la 81ème session du CAT qui se tient les 13 et 14 novembre 2024.

Depuis l’insurrection de Boko Haram en 2014, le Cameroun est confronté à une violente crise sécuritaire au cours de laquelle des violations massives des droits humains sont commises à la fois par les forces de sécurité gouvernementales et par des groupes armés non étatiques.

Par ailleurs, le déclenchement de la crise anglophone en 2016 a positionné le recours à la torture par les forces de sécurité et les séparatistes armés comme un instrument bénéficiant de circonstances atténuantes. La torture est dorénavant pratiquée et tolérée par l’État dans des circonstances dites exceptionnelles : celle de la lutte contre le terrorisme, dont la définition large permet aux services spéciaux de renseignements, des forces et unités spéciales de la police, de la gendarmerie et de l’armée de mettre en œuvre une stratégie punitive contre des communautés entières accusées de cacher ou de collaborer avec des groupes séparatistes. Ainsi, l’utilisation de la loi N°2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme met à mal les efforts consentis par le Cameroun pour instaurer un cadre législatif et institutionnel qui prohibe formellement la torture et octroie des garanties juridiques importantes aux personnes privées de liberté. Ce recours systématique à la violence, y compris à l’encontre les défenseurs des droits humains et journalistes qui dénoncent les abus commis par l'État, inquiète les organisations de la société civile dans le contexte électoral de 2025.

Dans la pratique carcérale, le recours à la détention provisoire s’est amplifié et a entraîné une surpopulation, dans des établissements pénitentiaires vétustes, dont le taux d’occupation est parfois supérieur à 600%. L’accès restreint de la société civile aux lieux de privation de liberté, en particulier depuis la pandémie due au Covid-19, constitue un obstacle majeur au contrôle régulier et indépendant des conditions de détention et de traitement des personnes détenues.

Le présent rapport identifie les défis et propose des recommandations pour la mise en œuvre des obligations de l’État au titre de la Convention contre la Torture. Il décrit notamment les préoccupations suivantes :

  • La tolérance et la pratique de la torture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme
  • Les insuffisances du cadre législatif camerounais pour criminaliser la torture
  • Le non-respect des garanties juridiques et de la dignité des personnes privées de liberté
  • L’absence de poursuites judiciaires contre les auteurs des crimes de torture
  • Le manque d’accès à la réparation et à la réhabilitation des victimes de torture
  • Le manque d’indépendance et de ressources de la Commission des droits humains du Cameroun et du Mécanisme National de Prévention de la Torture

Le rapport complet est disponible ici en français.

Signataires

Réseau Camerounais des Organisations des Droits de l'Homme (RECODH)

Centre pour les Droits de l'Homme et la Démocratie en Afrique (CHRDA)

International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT)

Trauma Center Cameroon (TCC)

Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT)