Burundi
30.11.06
Interventions urgentes

Burundi: Les ONG dénoncent devant les Nations Unies la pratique de la torture et appellent au changement

Genève – Bujumbura, le 28 novembre 2006 - Lors de sa 37e session, qui s’est tenue à Genève en novembre 2006, le Comité contre la Torture des Nations Unies a examiné la situation des droits de l’homme au Burundi.

Dans ce contexte, une coalition d’organisations non-gouvernementales composée de l’ACAT Burundi, l’Association des Femmes Juristes du Burundi-AFJB, la Ligue Iteka et l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), a présenté aux membres du Comité son rapport alternatif afin de les informer de la situation particulièrement préoccupante des droits de l’homme dans ce pays. « Nous avons souligné d’une part le manque de définition d’actes de torture et d’autres mauvais traitements ainsi que des différentes formes de violences basées sur le genre, et d’autre part l’impunité criante de ces violations. » a estimé Chantal Mutamuriza, Présidente de l’ACAT-Burundi. De son côté, Didace Kanyugu, chargé de programmes de l’ACAT-Burundi a déclaré que « sans compter les cas non dénoncés par les victimes par peur de représailles, plusieurs centaines d’allégations de torture commises durant l’année 2006 ont été recensées par les organisations nationales et internationales qui suivent de près le traitement des personnes privées de liberté»

A l’issue de la session, le Comité a adopté ses conclusions et recommandations qui vont dans le sens des principales inquiétudes de la coalition d’ONG. Il presse notamment l’Etat de « prendre des mesures urgentes afin d’intégrer dans son Code pénal une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention ainsi que dispositions incriminant les actes de torture et les sanctionnant de manière proportionnelle à la gravité des actes commis». Le Comité s’est également inquiété de la non-conformité des dispositions du Code de procédure pénale relatives à la garde à vue par rapport aux normes internationales notamment l’examen médical de la personne en garde à vue dès les premières heures de la garde à vue, l’aide juridictionnelle aux personnes démunies et le dépassement du délai légal de quatorze jours de garde à vue qui est déjà non conforme aux normes internationales et recommande l’Etat burundais de réformer son Code de procédure pénale de façon à assurer une prévention efficace des atteintes à l’ intégrité physique et mentale des personnes en garde à vue . En outre le Comité a conseillé l’instauration d’un organe de surveillance de tous les lieux de détention où « les conditions de vie sont assimilables à un traitement inhumain et dégradant » par ailleurs, le comité a recommandé l’Etat Burundais « de procéder à une enquête immédiate et impartiale » des allégations de torture.

Dans le rapport alternatif remis au comité, les ONG ont souligné l’existence de violences sexuelles à grande échelle à l’égard des femmes ainsi que le manque de volonté étatique de lutter contre ce phénomène qui se traduit notamment par le faible nombre de poursuites judicaires à l’encontre des auteurs. « Plusieurs formes de violences sexuelles telles que reprises et définies dans différents textes internationaux restent ignorées par le Code pénal burundais » a fait remarqué Mariana Duarte, chargée du programme Violence contre les femmes à l‘OMCT. A cet égard, les experts ont notamment demandé à l’Etat burundais de prendre les mesures nécessaires pour intégrer dans son Code pénal une disposition criminalisant la violence domestique et les violences sexuelles. De plus, « le fait que le Comité désapprouve dans ses conclusions des pratiques encouragées par des agents étatiques telles que le règlement extrajudiciaire ou amiable des affaires de viol est un élément essentiel pour notre plaidoyer » a affirmé Espérance Musirimu de l’AFJB.

La coalition s’est inquiétée dans son rapport de la situation des enfants accusés ou condamnés d’avoir enfreint la loi pénale et plus particulièrement de l’inexistence au Burundi de système de justice spécifique pour les mineurs. De plus ceux-ci sont détenus la plupart du temps avec les adultes. Le Comité a aussi souligné ces lacunes et, notant la volonté de l’Etat de relever l’âge de la majorité de 13 ans à 15 ans, recommande la création d’un « système judiciaire pour mineurs leur accordant un traitement en rapport avec leur âge. » Le Comité recommande également une meilleure réhabilitation des enfants victimes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment pour les enfants soldats. « Nous sommes très satisfaits de la prise en compte des violations contre les enfants par le Comité, grâce au travail accompli par l’OMCT depuis plusieurs années pour intégrer cette dimension dans la lutte contre la torture, et grâce à la présentation de la situation des enfants au Burundi faite par Eléonore Nduwimana de la ligue Iteka, aux membres du CAT » a déclaré Cécile Trochu Grasso, responsable du programme Droits de l’enfant à l’OMCT.

« La mise en œuvre des recommandations du Comité contre la Torture est urgente et elle sera suivie de près par la communauté des ONG nationales et internationales» a conclu Patrick Mutzenberg, responsable du programme Organes des traités de l’ONU à l’OMCT annonçant qu’une mission de l’OMCT se rendrait au Burundi prochainement pour suivre cette mise en œuvre.

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Informations complémentaires :

Le Comité contre la torture est un organe composé d’experts indépendants qui surveille l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par les Etats parties.

Tous les États parties sont tenus de présenter au Comité, à intervalles réguliers, des rapports sur la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention. Ils doivent présenter un premier rapport un an après avoir adhéré à la Convention, puis tous les quatre ans. Le Comité examine chaque rapport et fait part de ses préoccupations et de ses recommandations à l’État partie sous la forme d’«observations finales».

D’autres informations sur le Comité contre la torture des Nations Unies sont disponibles sur le site du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Contacts presse :
OMCT :

  • Patrick Mutzenberg – Programme Organes de Traités des Nations Unies : pm@omct.org
  • Mariana Duarte – Programme Violence contre les femmes : md@omct.org
  • Cécile Trochu Grasso – Programme droit de l’enfant : ct@omct.org

ACAT – Burundi - Chantal Mutamuriza : acatbur@yahoo.fr
Ligue ITEKA - Eléonore Nduwimana : iteka@cbinf.com
Association AFJB - Espérance Musirimu : afjuristesbu@yahoo.fr