Tchad
03.09.03
Interventions urgentes

Tchad - communiqué de presse : Maître Jacqueline Moudeïna devant ses agresseurs

COMMUNIQUE DE PRESSE


Tchad : Maître Jacqueline Moudeïna devant ses agresseurs
Un procès symbolique pour les défenseurs des droits de l'Homme

" Si c'est au prix fort que dans certains Etats les militants paient
l'audace de leur engagement, cela révèle la portée de leur action et
la crainte qu'elle suscite chez les dictateurs ". Jacqueline Moudeïna
lauréate du prix Martin Ennals des droits de l'Homme en 2002.

Paris, N'Djaména, le 3 septembre 2003 - Plus de deux ans après son
agression, Me Jacqueline Moudeïna se retrouvera mardi 9 septembre
devant le Tribunal correctionnel de N'Djamena pour les plaidoiries
finales concernant l'affaire " Jacqueline Moudeïna et consorts ".

Pour Dobian Assingar, président de la LTDH et vice-président de la
FIDH, " ce procès constitue un symbole fort adressé aux régimes, tel
celui du Président de la république du Tchad, qui par leurs inactions
ou leurs omissions, manquent à leur obligation élémentaire de
garantir la liberté d'action des défenseurs des droits de l'Homme ".

La FIDH et l'OMCT, dans le cadre de l'Observatoire pour la protection
des défenseurs des droits de l'Homme, ainsi que leurs deux
organisations affiliées au Tchad, la Ligue Tchadienne des droits de
l'Homme (LTDH) et l'Association Tchadienne de Protection des droits
de l'Homme (ATPDH), estiment que les audiences qui s'ouvrent
prochainement seront déterminantes pour la société civile tchadienne.

En octobre 2000, Maître Moudeïna, une des rares femmes avocates au
Tchad, avait déposé au parquet de N'djamena, des plaintes, au nom des
victimes, contre les complices de l'ex-dictateur Hissene Habré,
aujourd'hui en exil au Sénégal. Parmi les personnes visées dans ces
plaintes figurent les anciens directeurs, chefs de service et membres
de sa police politique (la Direction de la Documentation et de la
Sécurité - DDS), dont certains sont encore présents au sein de
l'administration tchadienne, notamment dans l'appareil sécuritaire de
l'Etat. Jacqueline Moudeïna était également l'une des avocates des
victimes dans le procès intenté -en janvier 2000- contre Hissene
Habré au Sénégal et elle soutient aujourd'hui les victimes qui
cherchent à obtenir son extradition afin qu'il comparaisse devant la
justice belge.

Ces actions ont valu à Jacqueline Moudeïna d'être menacée à de
nombreuses reprises, jusqu'au 11 juin 2001, où ces menaces ont été
mises à exécution. En effet, alors que Maître Jacqueline Moudeïna
participait ce même jour à N'Djamena à un rassemblement pacifique
organisé par un groupe de femmes, afin de protester contre les
fraudes électorales constatées lors du scrutin présidentiel de juin
2001, les forces de sécurité ont lancé des grenades à feu sur les
manifestantes. Grièvement atteinte, Mme Moudéina a dû être évacuée
par la suite en France pour y suivre des soins. Elle subit encore
aujourd'hui les séquelles de cet attentat. L'Observatoire avait alors
dénoncé cette attaque dans une lettre aux autorités tchadiennes datée
du 15 juin 2001 et prêté son assistance pour que Mme Moudeïna puisse
se rendre à Paris pour y suivre des soins.


De retour au Tchad en 2002, Maître Jacqueline Moudeïna, aux côtés de
la LTDH et soutenue par l'Observatoire, porte plainte, avec six
autres femmes tchadiennes, auprès du tribunal de N'Djaména le 18 mars
2000, contre les commissaires Wakaye et Mahamat Idriss pour violences
illégitimes et coups et blessures aggravés. Parallèlement la LTDH
décide de se constituer partie civile dans l'affaire et de
représenter la famille d'un jeune garçon, militant d'opposition, qui
le même jour a été tué par les forces de l'ordre, ainsi que pour les
14 autres femmes qui ont également subi les assauts violents des
forces de sécurité au cours de cette même manifestation.

Pour Jacqueline Moudeïna, lauréate du prix Martin Ennals des droits
de l'Homme 2002, ce procès est beaucoup plus qu'un moyen d'obtenir
réparation, car " c'est en brisant
le silence des gouvernements sur leurs exactions que la société
civile imposera ses exigences de paix et de respect des droits
fondamentaux de la personne ".

L'Observatoire FIDH/OMCT sera représenté à l'audience par Dobian
Assingar, Président de la LTDH et vice-président de la FIDH

Contacts
Dobian Assingar :
N'Djamena - Tel portable : 00 235 29 06 80


Chronologie de la procédure

Le gouvernement tchadien n'a jamais ouvert la moindre enquête de son
propre chef sur les incidents du 11 juin 2001.

· Le 18 mars 2002, la LTDH, organisation affiliée à la FIDH et à
l'OMCT, se constitue partie civile, au nom des victimes dont
Jacqueline Moudeïna contre Mahamat
Makaye et Mahamat Mahamat Idriss des chefs de violences illégitimes,
coups et blessures volontaires mortels et coups et blessures
aggravés.
· Le 6 janvier 2003, Interrogatoires de première comparution de
Mahamat Mahamat Idriss et de Mahamat Wakaye.
· Le 19 février 2003, le juge d'instruction transmet l'affaire au
Procureur de la République près le Tribunal de première instance de
N'djamena
· Le 16 avril 2003, le procureur de la république prés le tribunal de
1ère instance rend un réquisitoire définitif de renvoi devant le
tribunal correctionnel.
· Le 30 juin 2003, le juge d'instruction près le Tribunal de première
instance renvoie l'affaire devant le Tribunal correctionnel et de
simple police
· Le 18 août 2003, dans ses conclusions, la République du Tchad se
défend en alléguant que la manifestation des femmes troublant l'ordre
public, les forces de l'ordre sont intervenues de façon
proportionnelle pour les disperser, conformément aux dispositions des
instruments internationaux de protection des droits humains qui
permet de limiter en tel cas, par la loi, la liberté de manifestation
· 09 septembre 2003 : Plaidoiries finales