Djibouti
04.11.19
Interventions urgentes

Harcèlement judiciaire de trois militants pro-démocratie

Nouvelles informations

DJI 001 / 1019 / OBS 087.2

Détention arbitraire /
Disparition forcée /
Torture / Libération
Djibouti
4 novembre 2019

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits del’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre latorture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir detoute urgence dans la situation suivante à Djibouti.

Nouvellesinformations :

L’Observatoire a été informé par la Ligue djiboutienne des droitshumains (LDDH) de la libération de M. Said Abdilahi Yassin et des actesde torture pendant sa détention, ainsi que de la nouvelle arrestationarbitraire et disparition forcée de M. Osman Yonis Bogoreh, journalistetravaillant notamment sur des cas d’exactions par la police djiboutienne. Tousdeux sont membres de la LDDH et militants de la deuxième fédération duMouvement pour le Renouveau démocratique et le développement (MRD), leprincipal parti d’opposition. M. Kako Houmed Kako, un autre militantpro-démocratie, a lui aussi été arrêté et est actuellement arbitrairementdétenu.

Selon les informations reçues, le 30 octobre 2019 à 18 heures, M. Said Abdilahi Yassin a étélibéré par la police de Djibouti Ville sans charge à son encontre. Pendant sadétention, M. Said Abdilahi Yassin a été victime d’actes de torture :privé d’eau et de nourriture, il a été frappé à de nombreuses reprises par sesgardiens, qui l’ont également insulté et humilié.

Le même jour vers 19 heures, M. Osman Yonis Bogoreh a de nouveauété arrêté par des officiers de police en civil aux alentours de son domiciledans le quartier de Balbala à Djibouti Ville, quatre jours seulement aprèsavoir été libéré par la police (cf. rappel des faits). Des amis de M. Osman YonisBogoreh ont été témoins de cette nouvelle arrestation. Lesproches et l’avocat de M. Osman Yonis Bogoreh n’ont à ce jour reçuaucune nouvelle de sa part et ignorent où il se trouve actuellement détenu.

Par ailleurs, le 31 octobre2019, M. Kako Houmed Kako a été arrêté à Arhiba, au sud de la capitaleDjibouti, par les services de renseignements et détenu au siège du Service dedocumentation et sécurité (SDS). Le jour même et le lendemain, la police aviolemment réprimé des manifestations des jeunes du quartier ou réside M. KakoHoumed Kako, qui demandaient la libération de ce dernier.

Le 3 novembre 2019, M. Kako Houmed Kako a été placé en détentionprovisoire par le Tribunal de Djibouti. Il est depuis détenu à la prisoncentrale de Gabode. Les motifs des poursuites contre M. Kako Houmed Kako nesont pas encore connus, et celui-ci ne bénéficie pas de l’accompagnement d’unavocat.


L’Observatoire se félicite de la libération de M. Said AbdilahiYassin, mais rappelle que celui-ci n’aurait jamais dû être arrêté en premierlieu et que sa détention était arbitraire, car ne visant qu’à sanctionner sesactivités légitimes de défense des droits humains.

Par ailleurs, l’Observatoire condamne fermement les actes detorture auxquels il a été soumis ainsi que la nouvelle arrestation et détentionarbitraire de M. Osman Yonis Bogoreh, et celle de M. Kako Houmed Kako.

L’Observatoire appelle les autorités djiboutiennes à libérer immédiatement etinconditionnellement MM. Osman Yonis Bogoreh et Kako Houmed Kako, garantir leuraccès immédiat à un avocat et à leur famille, et révéler immédiatement lasituation et le lieu de détention de M. Osman Yonis Bogoreh.

Rappel des faits :

Le 24 octobre 2019 auxalentours de 22h, M. Osman Yonis Bogoreh a été arrêté par des policiers encivil dans une rue de la capitale, Djibouti. Selon des témoins oculaires, M.Osman Yonis Bogoreh a été violemment battu par les policiers au moment de sonarrestation. Malgré des tentatives pour le localiser dans les lieux habituelsde détention à Djibouti, le lieu de détention de M. Osman Yonis Bogoreh estresté inconnu pendant plus de 24 heures. Avant son arrestation, M. Osman YonisBogoreh enquêtait en tant que journaliste sur un cas de viol collectif deplusieurs policiers sur des femmes d'origine éthiopienne.

Le même jour, M. Said Abdilahi Yassin, ami deM. Osman Yonis Bogoreh et militant avec lui, a également été arrêté dans une ruede la capitale, par des policiers en tenue. Son lieu de détention est égalementresté inconnu pendant plus de 24 heures. Il a ensuite été transféré à l’académie de police de Nagad, enpériphérie de la capitale, où il a été détenu au secret sans avoir lapossibilité de contacter sa famille ni son avocat. Le 28 octobre, il a ététransféré vers un lieu inconnu.

Le 26 octobre 2019 à 1 heuredu matin, M. Osman Yonis Bogoreh a été libéré par la police. M. Osman YonisBogoreh souffre des violences subies pendant sa détention. Il a notammentraconté avoir été battu au moment de son arrestation à Djibouti, puis conduithors de la capitale, près de la localité de Goubetto, où il a été détenu dansdes conditions inhumaines : sans accès à de la nourriture ni à de l’eaupotable, il a été attaché nu à un arbre la nuit et menotté et caché dans unecabane en tôle la journée. Il a été à plusieurs reprises battu à coups depieds, de tête et de crosse. Le lieutenant qui le gardait l’a également filménu, le menaçant de diffuser cette vidéo s’il venait à parler de ses conditionsde détention une fois libre. Il aurait été interrogé sur sesliens avec la radio d’opposition Radio Boukao et le cyber-activistefranco-djiboutien M. Samatar Ahmed Osman Omar, connu sous le pseudonyme de «Huno Djibouti ».

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autoritésdjiboutiennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et lebien-être psychologique de MM. OsmanYonis Bogoreh, Kako Houmed Kako et Said Abdilahi Yassin ;

ii. Garantir à MM. Osman Yonis Bogoreh et Kako Houmed Kako unaccès immédiat à leur avocat et leur famille ;

iii. Libérer de façon immédiate et inconditionnelle MM. OsmanYonis Bogoreh et Kako Houmed Kako, ainsi que l’ensemble des défenseurs desdroits humains arbitrairement détenus à Djibouti ;

iv. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante,effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant aux allégations de tortureà l’encontre de MM. Osman Yonis Bogoreh et Said Abdilahi Yassin, afind’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant,compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionauxde protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales,civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

v. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y comprisjudiciaire, à l’encontre de MM. OsmanYonis Bogoreh, Kako Houmed Kako et Said Abdilahi Yassin, ainsi que del’ensemble des défenseurs des droits humains à Djibouti ;

vi. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur lesdéfenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des NationsUnies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et12.2 ;

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de laDéclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux etinternationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.

Adresses :

· Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République,République de Djibouti. Fax : 00 253 21 35 02 01

· M. Ali Hassan, Ministre de la Justice, des affairespénitentiaires, chargé des droits de l’Homme, République de Djibouti.Fax : 00 253 21 35 54 20

· M. Id Ahmed, Procureur de la République, Fax : 00 253 2135 69 90, Email : likmik@caramail.com

· S.E. Mohamed Siad Doualeh, Ambassadeur, Mission permanente deDjibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, Suisse, Fax : + 4122 749 10 91, Email : mission.djibouti@djibouti.ch

· M. Omar Abdi Said, Ambassadeur de Djibouti auprès des Pays duBenelux et de l’Union Européenne, Belgique, Fax : + 32 2 347 69 63 ;Email : ambdjib@yahoo.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques deDjibouti dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 4 novembre 2019

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute actionentreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariatde la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits del’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète quepossible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanismede l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvrepar la société civile internationale.