Guatemala
12.03.02
Interventions urgentes

Communiqué: rapport de la mission de l'Observatoire au Guatemala

COMMUNIQUE

Guatemala : les défenseurs pris pour cible : des agressions massives, récurrentes, impunies


Paris le 12 mars 2002.

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Depuis l’assassinat de Monseigneur Juan Gerardi Conedera par d’anciens membres de l’Etat-major présidentiel, le 26 avril 1998 –deux jours avant qu’il ne publie le rapport issu du projet interdiocésien de réappropriation de la mémoire historique (REMHI)- la situation des défenseurs des droits humains n’a cessé de s’aggraver.

L’Observatoire a mandaté une mission internationale au Guatemala en mai 2001 afin d’enquêter sur cette situation des plus préoccupantes. Le rapport de cette mission “ Guatemala, les défenseurs pris pour cible : agressions massives, récurrentes et impunies ” est rendu public ce jour.

La mission fait état d’une augmentation significative du nombre d’agressions à l’encontre des défenseurs et en premier lieu de ceux qui dénoncent la corruption, l’impunité et les graves violations des droits économiques et sociaux.

A titre d’exemple, entre février 2000 et mai 2001, le centre CEIBAS a subi quinze agressions (intrusions dans les locaux et vol, cambriolages dans les domiciles des membres, attentats et tentatives d’enlèvement). Cette vague de violence est manifestement liée au rôle de CEIBAS dans la dénonciation de la falsification effectuée lors de la publication de la loi sur la taxation des boissons alcooliques par plusieurs députés du Front républicain guatémaltèque (parti au pouvoir).

Familias de desaparecidos de Guatemala (FAMDEGUA), notamment, a subi deux agressions entre septembre 2000 et mai 2001m, et ce après l’exhumation de charniers et les procédures judiciaires initiées contre les auteurs de crimes commis pendant la guerre contre-insurrectionnelle.

En outre, les opérateurs de justice (juges, procureurs et avocats) impliqués dans des affaires mettant en cause des responsables des forces armées ou des intérêts économiques et politiques sont tout particulièrement exposés. Ainsi, plusieurs personnes chargées de l’enquête sur l’assassinat de Monseigneur Gerardi ont été contraintes de quitter le pays. De même, le lynchage d’acteurs judiciaires en milieu rural semble planifié et dirigé par une partie des autorités locales. Le lynchage, en mars 2001, du juge Álvaro Hugo Martínez Pérez est une sinistre illustration de cette pratique.

La persécution des syndicalistes s’inscrit dans un contexte généralisé de violation des droits des travailleurs. Les entreprises ont recours à des hommes armés et à d’autres méthodes répressives dans le but de maintenir des conditions de travail précaires. La situation est extrême dans les plantations de café ou encore dans des entreprises d’industrie légère où les licenciements arbitraires de représentants syndicaux, la violence et la destruction des logements sont des mesures récurrentes.

Le caractère systématique de ces agressions, leur déroulement, ainsi que l’absence, dans la plupart des cas, de mobile économique démontrent que ces actes ne peuvent être attribués à la délinquance de droit commun, contrairement aux déclarations des autorités.

Ces faits s’inscrivent dans le cadre d’un contexte caractérisé par la persistance au plus haut niveau de l’Etat, des appareils d’intelligence militaire et des diverses structures armées parallèles mises en place pendant la guerre (PAC, “commissaires militaires”, groupes d’action liés à l’intelligence militaire…). L’élection, en 2000, à la présidence du Congrès, du général Rios Montt (qui avait exercé le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat dans les années les plus noires de la guerre) ne fait que renforcer cette situation.

La mission internationale d’enquête a constaté l’absence de mesures visant à prévenir, sanctionner cette violence et en protéger les victimes tant sur le plan judiciaire que politique. Aucune des agressions dénoncées par les défenseurs n’a été élucidée par les autorités publiques.

En 2002, de nouveaux actes d’intimidation ont été recensés par l’Observatoire : le 11 février, des menaces de mort ont été proférées à l’encontre de M. Dionisio Camajá Sánchez, membre du Grupo de Apoyo Mutuo. Le 7 mars 2002, les locaux du siège de Casa Alianza ont été, à nouveau, investis et des dossiers des enfants des rues ont été consultés et jetés à terre.

La publication de ce rapport intervient au lendemain de la publication du rapport annuel 2001 de l’Observatoire qui dresse un bilan alarmant de la situation des défenseurs des droits humains dans de nombreux pays, et notamment en Amérique latine (le rapport est disponible sur les sites de la FIDH (fidh.org) et de l’OMCT(omct.org)).



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Contacts : Françoise Mathe : 01 43 55 25 18
FIDH : tel 01 43 55 25 18 et OMCT tel : 41 22 809 49 39