Maroc et Sahara occidental
17.03.20
Interventions urgentes

Condamnation du journaliste d'investigation M. Omar Radi

Nouvelles informations

MAR 005 / 1219 / OBS 115.2

Condamnation

Maroc

17 mars 2020

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Maroc.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la condamnation de M. Omar Radi, un journaliste d’investigation primé à plusieurs reprises pour son travail[1], et qui a notamment couvert les détentions et condamnations des militants du Hirak du Rif, en avril 2019[2].

Selon les informations reçues, le 17 mars 2020, le Tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ à Casablanca a condamné M. Omar Radi à 4 mois de prison avec sursis et 500 Dirhams marocains (environ 47 Euros) d’amende pour « outrage à magistrat » (cf. rappel des faits). M. Omar Radi a fait appel de cette décision.

L’Observatoire condamne fermement la condamnation de M. Omar Radi qui ne vise qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains en tant que journaliste, et appelle les autorités marocaines à mettre fin à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre.

Rappel des faits :

Le 18 avril 2019, suite à l’auto-saisine du Procureur général près la Cour d’appel de Casablanca, M. Omar Radi avait déjà été convoqué et interrogé par la BNPJ au sujet d’une série de tweets en date du 6 avril 2019 critiquant le juge Lahcen Tolfi, qui a condamné à de lourdes peines les dirigeants du Hirak du Rif. A la suite de cet interrogatoire qui avait duré plusieurs heures, une enquête avait été ouverte.

Le 26 décembre 2019, suite à une convocation orale et écrite dont il ignorait les raisons, M. Omar Radi s’est rendu au siège de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) de Casablanca où il a été interrogé puis déféré devant le Procureur du Roi qui l’a placé en détention provisoire. Il était alors poursuivi pour « outrage à magistrat » (Article 263 du Code pénal) et risque entre un mois et un an de prison ainsi qu’une amende de 250 à 5000 Dirhams (approximativement entre 23 et 466 Euros) en raison d’un tweet publié en avril 2019. La première audience de son procès s’est tenue le soir même devant le Tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ, à Casablanca, lors de laquelle ses avocats ont demandé son placement en liberté provisoire, qui a été refusé. M. Omar Radi a finalement été libéré le 31 décembre, et l’audience qui devait se tenir le 2 janvier 2020 dans le cadre de son procès a été reportée au 5 mars 2020.

Le 5 mars 2020, le Tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ à Casablanca a examiné le dossier de M. Omar Radi, et a entendu les arguments du parquet ainsi que ceux de la défense. Cette audience a été suivie par une Mission d’Observation judiciaire de l’Observatoire[3]. Lors de cette audience, le prononcé du délibéré a été annoncé pour le 12 mars 2020, puis repoussé au 17 mars.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Omar Radi et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc ;

ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Omar Radi et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Maroc.

Adresses :

· M. Saad-Eddine El Othmani, Premier Ministre du Maroc. Fax : +212 37 76 99 95/37 76 86 56

· M. Nasser Bourita, Ministre des affaires étrangères et de la coopération, Maroc. Fax : +212 - 37-76-55-08 / 37-76-46-79. Email : ministere@maec.gov.ma

· M. Mohamed Aujjar, Ministre de la justice, Rabat, Maroc. Fax : +212 37 72 68 56. Email : ccdh@ccdh.org.ma

· M. Mustapha Ramid, Ministre d’état chargé des droits de l’Homme, Maroc. Fax : +212 5 37 67 11 55, Email : contact@didh.gov.ma

· Mme. Amina Bouayach, Présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Email : cndh@cndh.org.ma

· Représentant Permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres Organisations Internationales en Suisse - 18a Chemin François Lehmann, 1218 Grand Saconnex, Fax: + 41 022 791 81 80. Email : mission.maroc@ties.itu.int

· S. E. M. Alem Menouar, Ambassadeur, Mission du Royaume du Maroc auprès de l’Union européenne. Avenue Franklin Roosevelt 2, 1050 Bruxelles, Belgique. Email : mission.maroc@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 17 mars 2020

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.


[1] M. Omar Radi a reçu, en 2013, le premier prix du journalisme d’investigation IMS-AMJI (International Media Support - Association marocaine pour le journalisme d’investigation) pour une enquête sur l’exploitation des carrières de sable au Maroc co-réalisée avec M. Christophe Guguen. En 2015, il a été lauréat de la Thomson Reuters Foundation.

[2] Le mouvement populaire, ou Hirak, du Rif est un mouvement contestataire émanant du Rif, dans le nord du Maroc et ayant lieu depuis octobre 2016. La répression du mouvement et les lourdes condamnations de certains manifestants (jusqu’à vingt ans de prison) ont été critiquées par les organisations nationales et internationales de droits humains. Voir par exemple le communiqué de presse de la FIDH publié le 28 juin 2018 : https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/maroc/au-maroc-on-recycle-les-annees-de-plomb-des-peines-tres-lourdes-pour

[3] Pour le résumé de l’audience, voir l’Appel Urgent de l’Observatoire MAR 005 / 1219 / OBS 115.1 du 5 mars 2020