18.05.09
Interventions urgentes

Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) 45ème session: Intervention de l'OMCT

ORGANISATION MONDIALE CONTRE LA TORTURE (OMCT)

Intervention devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), dans le cadre de la 45ème session ordinaire, Banjul, Gambie, 13 -27 mai 2009

Point 4: La situation des droits de l’homme en Afrique
Merci Madame la Présidente,

Madame la Présidente, Mesdames/ Messieurs les Commissaires, délégués et participants, en tant que principale coalition internationale d’organisations non gouvernementales luttant contre la torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) souhaite partager ses préoccupations concernant la situation des droits de l’homme en Afrique, en particulier quant à la pratique de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Depuis le début de l’année, l’OMCT continue de dénoncer des cas de torture et autres formes de mauvais traitements, ainsi que des cas de disparitions forcées et de détentions arbitraires et/ou au secret, dans divers pays du continent, et de manière récurrente en Algérie, en Tunisie, en République Démocratique du Congo (RDC), au Soudan et au Sénégal.

L’OMCT demeure particulièrement inquiète de la situation en RDC, où les cas de disparitions forcées et de détentions au secret persistent et sont souvent accompagnés d’actes de torture et autres formes de mauvais traitements, du fait des forces armées, de la police, des groupes armés et des services de renseignement. La pratique de la torture est non seulement commune dans des cas de détention et d’arrestation arbitraires, mais également dans des cas de détention régulière. Par ailleurs, les conditions de détention dans les prisons ou autres lieux de privation de liberté sont souvent assimilables à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. En l’absence d’une criminalisation de la torture en droit pénal, les victimes sont privées de tout recours efficace. L’OMCT reste également préoccupée par la violence à l’égard de femmes et des enfants. Malgré les progrès en matière de répression et de formation, ceux-ci restent néanmoins insuffisants eu égard au nombre impressionnant de cas de violences sexuelles rapportés sur le territoire de la RDC et à la persistance d’une certaine forme d’impunité en la matière.

Au Sénégal, la pratique de la torture et d’autres formes de mauvais traitements est devenue courante depuis au moins deux ans. L’OMCT a dénoncé plusieurs cas, y compris des décès en détention des suites des actes de torture et mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre. Toutefois, bien que le Sénégal paraisse disposer d’un cadre juridique conforme au droit international en la matière, l’OMCT est particulièrement préoccupée par le fait que ces cas ne font pas l’objet d’enquête impartiale et exhaustive et que les auteurs présumés restent impunis.

A travers l’Afrique, les violations des droits économiques, sociaux et culturels sont très souvent la cause profonde de la torture et autres formes de violence.

Ainsi, dans le cadre d’une série de rapports conjoints sur le Kenya[1], les faits et chiffres présentés ont démontré le lien entre l’occurrence de la torture et le déni des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays. Les rapports illustrent que les pauvres et les marginalisés sont les plus vulnérables à la torture et que la question des terres ainsi que d’autres facteurs sociaux-économiques sont fréquemment la cause profonde de la torture. Très souvent les expulsions forcées sont accompagnées de violence abusive et disproportionnée de la part des forces de l’ordre qui usent de leur autorité également à l’encontre des habitants des quartiers défavorisés.

Madame la Présidente,

L’OMCT rappelle que la pratique de la torture et autres formes de mauvais traitements ne peut être justifiée sous aucune circonstance; aucun argument politique, économique, idéologique ou sécuritaire ne peut légitimer cette pratique.

Les Etats ont pour responsabilité en droit international de criminaliser effectivement la torture et autres formes de traitements, cruels, inhumains ou dégradants, de prévenir leur occurrence, de traduire en justice et sanctionner les auteurs présumés des ces actes et de garantir une réparation adéquate aux victimes.

Trop souvent, l’impunité persiste uniquement du fait de l’absence d’une volonté politique d’enquêter exhaustivement les allégations de torture et autres mauvais traitements et de traduire les auteurs présumés en justice.

L’impunité diffuse un message erroné aux personnes commettant des actes de torture et mauvais traitements, à savoir qu’elles se trouvent au dessus de la loi. L’impunité prive les victimes et leurs familles au droit à ce que la vérité soit établie, le droit à la justice et le droit à la réparation. Afin de mettre un terme à l’impunité, les responsables, directs ou indirects, d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent être identifiés, traduits en justice et sanctionnés et, afin d’assurer la justice, les victimes de torture et autres formes de mauvais traitements doivent avoir accès à une réparation adéquate, y compris une compensation et une réhabilitation.

En conclusion, l’OMCT appelle les Etats membres qui ne l’ont pas déjà fait à ratifier et mettre en œuvre la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains, ou dégradants (Convention des Nations unies contre la torture) et son protocole additionnel, et plus généralement l`OMCT appelle les Etats membres, les institutions nationales, la Commission et la communauté des ONG à poursuivre les efforts afin d’assurer le respect par les Etats de leurs obligations découlant des instruments internationaux et régionaux en ce qui concerne l’interdiction de la torture et autres formes de mauvais traitements et de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que le droit à ne pas être soumis à la torture et autres formes de mauvais traitements, en tant que droit absolu et non dérogeable, soit garanti de manière efficace pour toutes les femmes et tous les hommes, quel que soit leur statut civil, politique, économique, social ou culturel.

Merci Madame la Présidente.


[1] Un rapport a été préparé conjointement avec l`OMCT, le Centre for Minority Rights Development (Cemiride) et la section kenyane de la Commission Internationale des Juristes (CIJ – Kenya) à l’occasion de la 41eme session du Comite des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies et un autre par l`OMCT, CIJ- Kenya et le Independent Medico-Legal Unit (IMLU) à l’occasion de la 41eme session du Comité contre la torture ainsi qu`un troisième avec un volet spécifique sur la violence contre les femmes et les enfants préparé par l`OMCT, la Coalition contre la violence a l`encontre des femmes (Coalition on Violence Against Women COVAW) et les membres du Kenyan NGO Committee on the Convention on the Rights of the Child et également soumis au Comité contre la torture.