République démocratique du Congo
07.06.12
Interventions urgentes

Détention arbitraire du défenseur René Kahukula

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

COD 005 /0612 / OBS 055

Arrestation / détention arbitraire /torture

République démocratiquedu Congo

7 juin 2012

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme,programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits del’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vousprie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation :

L'Observatoire a été informé par la Ligue des électeurs (LE) del'arrestation et de la détention arbitraire de M. René Kahukula, coordinateur général de l'ONG"Actions pour le Développement des Paysans Déshérités" (ADEPAD),basée à Bukavu.

Selon les informationsreçues, le 3 juin 2012, M. Kahukula aété enlevé par un commando à Bujumbura, Burundi, alors qu'il était en visitechez un ami, puis renvoyé par voie terrestre à Bukavu, en RDC. Le commando,composé d'agents de la sécurité congolais, aurait toutefois agi avec lacomplicité des autorités burundaises.

Le 4 juin au soir, M. René Kahukula était détenu dans les locaux de l'Agencenationale de renseignements (ANR) à Bukavu, et ni sa famille, ni aucun avocatn'avaient pu lui rendre visite. Selon les dernières informations reçues, ilaurait subi des tortures au cours de sa détention. Ces mauvais traitements luiauraient été infligés en vue de lui soutirer des informations sur sesactivités, voire de faux aveux. Le 6 juin après-midi, il aurait été transféré au Centre des opérationsmilitaires de Bukavu, en attentant son transfert vers Kinshasa qui paraîtimminent.

M. Kahukula a, par le passé, travaillénotamment avec la LE sur la situation des droits de l'Homme à l'est de la RDC.L'ADEPAD avait en outre publié, en 2010, un rapport dénonçant les violationsdes droits de l'Homme dans la région du Sud Kivu. Ce rapport accablait nonseulement le gouverneur de cette province, M. Marcellin Cisambu, mais égalementles autorités nationales. Le document s'attachait à démontrer, d'une part,l'absence de protection accordée par les autorités locales et nationales auxhabitants de la région, notamment vis à vis des exactions commises par lesForces démocratiques de libération du Rwanda (exécutions extrajudiciaires,pillages, viols, etc.). Il apportait d'autre part des élémentstémoignant du mauvais fonctionnement de la justice : absence d'enquêtesindépendantes, arrestations et détentions arbitraires, absence de budget defonctionnement, etc. Ces obstacles ont empêché toute lutte efficace contrel'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme dans la province,une impunité renforcée par la corruption de certains membres des organesjudiciaires et politiques.

De plus, au cours de la période électorale,M. Kahukula avait émis publiquement de nombreuses critiques tant sur la gestionde la province que sur la tenue des élections générales. Il s'était égalementfortement mobilisé, y compris à l'étranger, suite au double assassinat de MM. FloribertChebeya Bahizire,directeur exécutif de la VSV et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, et FidèleBazana Edadi,membre et chauffeur de la VSV, en juin 2010.

L'Observatoire craint que l'arrestation deMr. Kahukula et ce renvoi vers la RDC ne visent qu'à sanctionner ses activitésde défense des droits de l'Homme, et exprime sa plus grande préoccupation quantaux tortures et mauvais traitements qu’il aurait subis durant sa détention.

L'Observatoire demande instamment aux autoritéscongolaises de garantir l'intégrité physique et psychologique de M. Kahukula etde procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle car sa détention nesemble viser qu'à sanctionner ses activités de défense des droits de l'Homme.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrireaux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutescirconstances l’intégrité physique et psychologique de M. Kahukula et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme enRépublique démocratique du Congo ;

ii. Procéder à lalibération immédiate et inconditionnelle de M. Kahukula car sa détention ne semble viser qu'àsanctionner ses activités de défense des droits de l'Homme ;

iii. Diligenter un enquête immédiate, exhaustive etimpartiale, dont les résultats devront être rendus publics, au sujet de tousles faits décrits ci-dessus, afin d'identifier tous les responsables et de lesjuger devant des tribunaux compétents ;

iv.Mettre un terme à touteforme de harcèlement à l'encontre de M. Kahukula ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme enRDC ;

v. Se conformer auxdispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme,adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement

- son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellementou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisationde tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales auxniveaux national et international” ;

- son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellementou en association avec d'autres: a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoiret conserver des informations sur tous les droits de l'homme et toutes leslibertés fondamentales en ayant notamment accès à l'information quant à lamanière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le systèmelégislatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément auxinstruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et autres instrumentsinternationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuserlibrement des idées, informations et connaissances sur tous les droits del'homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D'étudier, discuter, apprécieret évaluer le respect, tant en droit qu'en pratique, de tous les droits del'homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autresmoyens appropriés, d'appeler l'attention du public sur la question”.

- et son article 12.2qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer queles autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou enassociation avec d’autres, de toute violence, menace, représailles,discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans lecadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présenteDéclaration” ;

vi. Plus généralement, seconformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Hommeet instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Hommeratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet duPrésident de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, RépubliqueDémocratique du Congo, Fax +243 88 02 120

· M. Richard MUYEJ MANGEZ, Ministre de l'Intérieur et Sécurité,Email : adolumanu@yahoo.fr

· Madame Wivine MUMBA MATIPA, Ministre de la Justiceet des Droits Humains, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique duCongo, Fax : + 243 88 05 521, Email : luzolobambi@yahoo.fr

· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprèsdes Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

· S.E. M. Henri Mova Sakanyi, Ambassadeur, Ambassade de laRépublique démocratique du Congo à Bruxelles, 30 Marie de Bourgogne, 1000Bruxelles, Belgique. Email : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prièred’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos paysrespectifs.

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Paris-Genève, le 7 juin 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire detoutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire,programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs desdroits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussiconcrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligned’Urgence :

· E-mail: Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 4355 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22809 49 29