Tchad
22.03.05
Interventions urgentes

Tchad: Lettre ouverte: M. Dobian Assingar menacé d’être démis de ses fonctions

Lettre ouverte à l’attention de M. Pascal Yoadimnadji,
Premier ministre de la République du Tchad

Paris-Genève, le 22 mars 2005




Monsieur le Premier ministre,

L’Observatoire pour la protection des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), est vivement préoccupé par votre demande, adressée au Collectif des Associations des droits de l’Homme (ADH), de démettre M. Dobian Assingar, président d’honneur de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), de ses fonctions de représentant de l’ADH au sein du Collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières (CCSRP).

Selon les informations reçues, cette demande, datée du 9 mars 2005, est intervenue suite aux propos tenus par M. Assingar, le 2 mars 2005, sur l’antenne de Radio France Internationale (RFI), à propos de la gestion des revenus pétroliers au Tchad. Selon M. Assingar, la loi portant gestion des revenus pétroliers (loi N°001/PR/99) est discriminatoire dans la mesure où elle ne concerne que trois champs pétroliers (Komé, Miandoum et Bolobo), à l’exclusion de tous les autres.

L’Observatoire souligne que cette demande de remplacement est contraire à l’article 7 du décret N°240/PR/MEF/03 portant organisation, fonctionnement et conditions du contrôle et de surveillance du CCSRP, selon lequel “tous les membres du Collège sont désignés par leurs pairs à l’exception du représentant du Trésor, et du représentant de la Banque centrale des Etats de l’Afrique centrale”.

Par ailleurs, aucune disposition de la loi N°001/PR/99 ou du décret N°240/PR/MEF/03 ne permet au Gouvernement de désigner ou de révoquer le représentant des ADH du Collège. L’Observatoire considère que cette demande vise à sanctionner la liberté d’expression de M. Assingar, et son activité en faveur des droits économiques, sociaux et culturels au Tchad. Elle s’inscrit notamment en violation flagrante des articles 6(c) et 8(2) de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, qui stipulent que “chacun a le droit […] d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales et d’appeler l’attention du public sur la question” et que “ce droit comporte notamment le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de soumettre aux organes et institutions de l’État, ainsi qu’aux organismes s’occupant des affaires publiques, des
critiques et propositions touchant l’amélioration de leur fonctionnement, et de signaler tout aspect de leur travail qui risque d’entraver ou empêcher la promotion, la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales”.

Par conséquent, l’Observatoire prie les autorités tchadiennes de veiller à ce que M. Dobian Assingar puisse continuer d’exercer, en toute liberté, ses fonctions au sein du CCSRP, conformément aux dispositions du décret N°240/PR/MEF/03 portant organisation, fonctionnement et conditions du contrôle et de surveillance du CCSRP.

L’Observatoire demande également aux autorités tchadiennes de se conformer, plus généralement, aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme auxquels le Tchad est partie.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre plus haute considération.


Sidiki KABA
President of FIDH

Eric SOTTAS
Director of OMCT