Arabie Saoudite
17.01.18
Interventions urgentes

Condamnées au silence : La situation des femmes défenseures des droits humains en Arabie saoudite

Publication d’un rapport

Paris-Genève, le17 janvier 2018 - Loinde l’emballement médiatique suscité par l’annonce de réformessymboliques comme le décret autorisant (enfin) les femmes saoudiennes à conduire enseptembre 2017, le nouveau rapport publié aujourd’hui par l’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat FIDH-OMCT)jette une lumière crue sur la scandaleuse situation des femmes saoudiennesdéfenseures des droits humains, qui continuent d’être confrontées àdes restrictions importantes de leurs droits. Soumisesen tant que femmes à un régime patriarcal consacrant l’inégalité des sexes, etconfrontées à un contexte ultra-répressif à l’encontre de toute voixdivergente, les femmes qui exposent publiquement les violences conjugalessubies ou qui se posent en militantes se heurtent à une répression implacable.Faute de pouvoir se constituer en mouvement ou associations, elles se réfugientsur les réseaux sociaux.

L’Arabie saoudite se distingue par les limites drastiquesqu’elle impose aux droits des femmes - dont le statut juridique est inférieur à celui des hommes - dans tous lesdomaines, y compris dans les actes les plus simples de la vie quotidienne.Néanmoins, face à la nécessité économique de sortir du tout-pétrole et auxaspirations d'une jeunesse qui a largement investi les réseaux sociaux, lesautorités annoncent vouloir lâcher petit à petit du lest.

Dans ce contexte, lepays connaît depuis 2016 une mobilisation sans précédent desfemmes pour la défense de leurs droits les plus élémentaires, grâce notammentaux possibilités nouvelles offertes par les réseaux sociaux. Aujourd’hui, elle compte des milliers decyber-militantes, dont la plupart agissent au travers de comptes anonymes surles réseaux sociaux par crainte de représailles.

En dépit des signes d’ouverture donnés ces dernières annéespar le régime, notamment depuis l’arrivée d’une « nouvellegénération » de dirigeants incarnée par le prince héritier Mohammad Bin Salman, les femmes continuent de faireface à une double vulnérabilité.

D’une part, en raison du maintien du statut de« tutorat mâle », qui perpétue l’inégalité des sexes et assigneles femmes à une position de minorité toute leur vie. Si la circulaire royaledu 18 avril 2017 pour réformer ce statut a suscité beaucoup d’espoirs ausein de la communauté des femmes défenseures, peu de choses ont changé dans lesfaits, les femmes devant toujours obtenir l’autorisation de leur tuteur mâlepour voyager à l’étranger ou obtenir un passeport. Et certaines craignent quela circulaire ne reste lettre morte. Au-delà des textes, souvent flous, la pratique des autoritéspolicières et judiciaires s’avère particulièrement brutale et discriminante,notamment en cas de violences familiales.

D’autre part, les promesses deréforme des responsables saoudiens se heurtent encore à la réalité concrète dela situation des droits humains dans un pays qui continue de réprimer toutevoix divergente, en particulier celle des défenseurs des droits humains quiappellent à des réformes sociétales importantes.

Ainsi, le respect de droits fondamentaux tels que leslibertés d’association, d’expression et de rassemblement pacifique n’esttoujours pas garanti par la loi. Toute tentative de structurer unmouvement ou de créer une association est sévèrement réprimée. Le droitsaoudien est non seulement truffé de concepts vagues qui laissent unetrès grande marge d'appréciation au juge mais les lois fondant la lutte contre lacriminalité ou le terrorisme sont détournées pour criminaliser l’expressionlégitime de toute opinion divergente. Des dizaines de défenseurs,blogueurs, avocats, manifestants, purgent ainsi de longues peines de prisonsous le coup d’accusations d’« apostasie », « athéisme », « insulte à lareligion », « terrorisme », « déstabilisation del’État », « tentative d’influencer l’opinion publique » ouencore de « création d’une organisation illégale ».

Le rapport publiéaujourd’hui par l’Observatoire revient sur le difficile combat des femmessaoudiennes pour leur émancipation, dans un environnement très fermé pour ladéfense des droits humains.

Il revient notammentsur le parcours emblématique de certaines d’entre elles. La plupartsont des cyber-militantes agissant anonymement sur les réseaux sociaux afin dedénoncer l’arbitraire auquel elles sont confrontées. D’autres sont desactivistes qui serevendiquent publiquement militantes des droits humains, et s’impliquent dansplusieurs combats emblématiques comme la fin du tutorat mâle, la possibilité dese structurer en association de défense des droits des femmes ou des droitshumains de manière plus générale, ou de s’enregistrer comme candidate auxélections. Toutes prennent des risques et se trouvent dans unesituation de grande vulnérabilité.

Ainsi, en novembre 2017, lablogueuse Naimah Al-Matrod a été condamnée à six ans de prison suite àsa participation au mouvement de protestation pacifique de la côte est du pays, lié notamment à des revendications économiques, civileset politiques, et pour avoir appelé à lalibération des prisonniers politiques et à des réformes démocratiques.

Déjà sujettes aux pressions familiales, toutes sont soumises à la chape deplomb imposée par le régime. Ainsi, elles peuvent être menacées de poursuites,arrêtées arbitrairement, emprisonnées, interdites de voyager ou de s’exprimerpubliquement. Suite àl’ouverture de poursuites judiciaires, la plupart d’entre elles voient une épéede Damoclès placée au-dessus de leur tête pour plusieurs années, afin de lescondamner au silence.

Le rapport est disponible en français, en anglais et enarabe.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et del’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protégerles défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et àleur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sontmembres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l'Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l'Homme mis en œuvre parla société civile internationale.

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  • OMCT : Delphine Reculeau (fr / en) : +41 22 809 49 39