Équateur
19.10.07
Interventions urgentes

Ecuador: utilisation excessive de la force contre manifestation, un mort

ECU 191007/ ECU 191007.DESC
campagnes d’urgence / droits économiques, sociaux et culturels
Usage excessif de la force/ Assassinat/ Allégations de torture et mauvais traitements

Le Secrétariat international de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) requiert votre intervention URGENTE dans la situation suivante en Equateur.

Description des faits

Le Secrétariat international de l’OMCT a été informé par des sources fiables et par Antenna International, organisation membre du réseau SOS-Torture, de l’usage excessif de la force, selon les dénonciations, par des membres de l’armée équatorienne contre des manifestants dans la paroisse de Tiguino, au sud d’Orellana, dans la région de l’Amazonie équatorienne. Ceci aurait entraîné la mort de M. Segundo Francisco Loor Intriago et les mauvais traitements et allégations de torture à l’encontre de M. Juan Carlos Esmeraldas Alcívar.

Selon les informations reçues, le 4 octobre 2007, aux environs de 14h30, M. Segundo Francisco Loor Intriago, âgé de 37 ans, est décédé après avoir reçu une balle dans l’abdomen au moment où les fermiers de sa communauté manifestaient pacifiquement pour réclamer à l’entreprise Petrobell des réparations suite aux dommages causés à plus de 30 fermes. En effet, l’eau du fleuve Cristal, utilisée par les familles de cette communauté pour leurs besoins ainsi que pour ceux de leurs animaux domestiques, aurait été contaminée par l’épanchement de pétrole et l’eau de formation du puit Tiguino 3 dans le sud d’Orellana, dans le secteur limitrophe avec Pastaza.

Selon les informations, la famille de M. Segundo Loor Intriago, originaire de Quinindé, Esmeraldas, aurait déposé auprès du Procureur de la juridiction de Coca une plainte formelle quant à sa mort. Il a été dénoncé que la balle, de la cartouchière mosbert calibre 12 ayant causé la mort de M. Loor Intriago, aurait été tirée par les militaires qui essayaient d’effrayer les paysans. Il semblerait par ailleurs qu’aucun des paysans ne possédaient d’armes, ces derniers n’utilisant pas ce genre de cartouchières étant donné qu’elles sont très chères et introuvables sur le marché.

Durant ces mêmes évènements, le citoyen Juan Carlos Esmeraldas Alcívar, 29 ans, aurait été sujet à de mauvais traitements et actes de torture (sur lesquels nous n’avons pas plus de précisions) perpétrés, selon les dénonciations, par des membres de la force armée et du personnel de sécurité de l’entreprise Petrobell dirigé par un ancien colonel du nom de Fausto Bravo. Selon les informations, M. Esmeraldas Alcívar a été détenu par des militaires, maltraité et accusé d’avoir tiré avec un pistolet de 9mm. Il a ensuite été conduit à la police d’Orellana qui l’a remis en liberté après que les autorités municipales, le maire de Francisco d’Orellana, lui aient octroyé un Hábeas corpus.

Contexte et antécédents de la situation

Selon les informations reçues, la communauté Cristalino de la paroisse de Tigüino a manifesté pour empêcher l’utilisation d’une foreuse (connu sous le nom de « chivo ») au puit Tiguino 3, suite à l’épanchement qui a causé une série de contaminations environnementales du fleuve Cristal et par conséquence restreint l’accès des citoyens des communautés de Tiguino, Loma del Tigre et Cristalino à une eau salubre.

Ces manifestations ont suscité la réaction immédiate de la compagnie Petrobell qui, soutenue par l’armée, a réalisé une opération d’évacuation; évacuation qui a entraîné les conséquences mentionnées ci-dessus.

L’OMCT rappelle que la force militaire a déjà été utilisée ces derniers temps par des compagnies transnationales et nationales d’exploitation pétrolière pour dissoudre des marches, des barricades ou autres, au prétexte d’assurer la sécurité de leurs installations. L’OMCT rappelle que la Constitution équatorienne ne garantit, ni n’autorise la participation de l’armée dans des tâches « d’ordre public », encore moins si la zone dans laquelle se déroule ces mesures n’est pas déclarée comme zone en état d’urgence.

En outre, ces faits violents et disproportionnés se sont répétés ces derniers mois. A ce sujet, les informations dénoncent les faits passés en novembre 2006 dans la paroisse La Belleza et ensuite durant le mois de juin 2007 à Cuyabeno et à Pindo pendant lesquels les membres de la forces armée, qui ont participé à ces opérations, auraient agressé et torturé des citoyens.

Le Secrétariat international de l’OMCT, condamnant ces évènements graves, manifeste sa préoccupation pour la sécurité et l’intégrité physique et psychologique des populations des communautés de Tiguino, Loma del Tigre et Cristalino, et prie les autorités équatoriennes de prendre de manière urgente les mesures nécessaires pour garantir leur intégrité.

Le Secrétariat international de l’OMCT rappelle également que le gouvernement équatorien doit respecter les normes internationales de droits de l’homme, en particulier les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois qui stipulent dans le principe 9 que «les responsables de l'application des lois ne doivent pas faire usage d'armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, (…) Quoi qu'il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l'usage meurtrier d'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines. »

L’OMCT, prenant en compte que ces évènements se sont déroulés dans le cadre des revendications suite à la contamination des principales sources d’eau des communautés mentionnées, rappelle que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans son observation générale n°15 de 2002 sur le droit à l’eau stipule que «l’eau est une ressource naturelle limitée et un bien public; elle est essentielle à la vie et à la santé. Le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme (art.1) » en ajoutant que : « (…) L’hygiène du milieu, en tant qu’élément du droit à la santé consacré à l’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte, implique qu’il soit pris des mesures, sans discrimination, afin de prévenir les risques pour la santé dus à une eau insalubre et toxique (…). Les États parties devraient veiller à ce que les ressources naturelles en eau soient protégées d’une contamination par des substances nocives et des microbes pathogènes. (…) (art. 8). »
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G03/402/30/PDF/G0340230.pdf?OpenElement

L’OMCT souligne par ailleurs que la pauvreté, l’inégalité sociale, la discrimination et en général les autres violations des droits économiques, sociaux et culturels impliquent souvent que de graves violations des droits de l’homme et répressions, y compris des mauvais traitements et torture, se produisent [1].

Actions requises:

Merci d’écrire aux autorités de l’Equateur afin de leur demander de :

  1. Prendre les mesures appropriées pour garantir la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de M. Juan Carlos Esmeraldas Alcívar, y compris une attention médicale urgente et gratuite;
  2. Prendre les mesures appropriées pour garantir la sécurité et l’intégrité physique et psychologique des membres des familles de M. Segundo Francisco Loor Intriago et M. Juan Carlos Esmeraldas Alcívar, et en général de tous les membres des communautés mentionnées ci-dessus;
  3. Garantir une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur ces faits, en particulier sur l’assassinat de M. Segundo Francisco Loor Intriago et les mauvais traitements et allégations de torture à l’encontre de M. Juan Carlos Esmeraldas Alcívar, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;
  4. Garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales à travers le pays selon les lois nationales et les instruments internationaux des droits de la personne, en particulier la Convention contre la torture et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifiés par l’Equateur.

Adresses

  • Mission Permanente de l’Equateur auprès des Nations Unies à Genève, 145 Rue de Lausanne, 1202, Genève. Tél.: + 41.22.731.48.79; Fax: + 41.22.738.26.76 Email: mission.ecuador@ties.itu.int;
  • Ambassade de l’Equateur à Bruxelles, 363 avenue Louise, 1050 Bruxelles, Belgique. Fax: +32 2 644 28 13. Email: amb.equateur@skynet.be;
  • M. Rafael Correa Delgado, Président de la Republique, Palais du gouvernement, García Moreno y Chile 1043, Quito, Equateur. Fax: +593.2.258.07.35; +593.2.258.07.79; + 593.2.258.07.61. Email: despresi@presidencia.ec-gov.net;
  • M. Gustavo Larrea, Ministre du gouvernement et de la police, Benalcazar y Espejo, Quito, Equateur, Email: informacion@mingobierno.org.ec Tél. : 593.2.295.56.66 / 295.86.77 Fax: + 593.2.258.00.67 / 10.30
  • M. Francisco Cucalón, Procureur général de la nation, Av. Av. Eloy Alfaro N32 240 y República, Quito, Equateur, Fax: + 593.2.255.85.65 / 94.47 Email: fiscalia@uio.satnet.net
  • M. José Vinueza, Commandant général de la police nationale, Ramírez Dávalos 612 y Av. 10 de Agosto, Quito, Equateur, Fax: + 593.2.250.60.66
  • Dr. Lorena Escudero Durán, Ministre de la défense nationale, Av. Maldonado parque La Recoleta, Quito, Equateur, Email: midenasocial@org, Tél.: +593.2.295.20.43 Fax: + 593.2.258.04.31
  • Chef commandant conjoint des forces armées, La Exposición 208, parque La Recoleta, Quito, Equateur, Fax: + 593 2258.33.94

Prière d’écrire aux représentations diplomatiques de l’Equateur dans vos pays respectifs.

Genève, 19 octobre 2007

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse. [1] voir l'étude: Attacking the Root Causes of Torture, An Interdisciplinary Study, « Poverty, Inequality and Violence ».
Preface by Ms. Louise Arbour, UNITED NATIONS HIGH COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS
Edited by Thomas E. McCarthy, OMCT, September 2006.