Égypte
26.06.02
Interventions urgentes

Egypte: des ouvriers agricoles, y compris des enfants, accidentés et décédés

Cas EGY 250602.EE/DESC
Exactions Enfants
Droits Economiques, Sociaux et Culturels
Ouvriers agricoles, y compris des enfants, accidentés et décédés


Le Secrétariat international de l’OMCT requiert DE TOUTE URGENCE votre intervention dans la situation suivante en Egypte.

Brève description de la situation

Le Secrétariat international de l'OMCT a été informé par une source fiable de l’exploitation persistante d’ouvriers agricoles, y compris des enfants, en Egypte.

Selon les informations reçues, des enfants, dès l’âge de 12 ans, sont obligés de travailler en raison de la détérioration des conditions sociales et économiques dans lesquelles vivent la plupart des anciens cultivateurs à bail, des journaliers et des petits propriétaires. Les propriétaires des fermes ont l’habitude de payer les fournisseurs d’ouvriers afin qu’ils amènent des enfants pour réaliser des tâches agricoles telles que moissonner, planter des graines et nettoyer les champs pour des salaires triviaux. Les statistiques révèlent qu’il y a plus de 1.5 millions d’enfants ouvriers agricoles en Egypte. Les enfants sont souvent récupérés le long des routes et transportés à l’arrière de grands camions. Ils travaillent dans des fermes pendant de très longues heures sans contrat ni garantie légale. Ils doivent aussi supporter des chauffeurs imprudents qui conduisent sans permis entraînant parfois de tragiques accidents.

En effet, ces enfants travaillent jusqu’à 12 heures par jour, 6 jours par semaine, avec seulement un unique repas par jour. Le salaire moyen s’élève à environ 9 US dollars par jour, sur lesquels le fournisseur retient une commission de 6 US dollars. L’exposition aux pesticides est fréquente et cause des diarrhées, des vomissements, des pertes de connaissances et des difficultés respiratoires. Le contact avec les pesticides peut être soit direct, les enfants continuent de travailler alors que les pesticides sont pulvérisés sur les champs, soit indirect, les enfants sont transportés ailleurs pendant la pulvérisation. Bien que les enfants soient ramenés dans les champs 24 à 48 heures après l’opération, ce laps de temps n’est pas suffisant pour les protéger de l’empoisonnement. Parfois, les enfants participent jusqu’aux préparatifs de l’opération ainsi qu’à la pulvérisation en elle-même des pesticides sur le champs. A ce sujet, l’exposition aux pesticides à long-terme peut causer des troubles du système nerveux, des appareils génitaux ou des glandes endocrines, pouvant provoquer des convulsions voire même la mort dans certain cas.

Selon la même source d’information, 21 ouvriers agricoles sont morts et 68 ont été blessés le 16 juin 2002 dans un accident dans la province de El-Behira. Une collision entre deux camions a eu lieu sur l’autoroute reliant Le Caire à Alexandrie. L’un des deux camions était chargé de plus de 70 ouvriers agricoles, pour la plupart des enfants de moins de 18 ans, qui revenaient de la récolte d’abricots dans la province de El-Fayom. L’accident a provoqué la mort de 19 enfants et blessé 48 autres, la plupart provenant des villages de Manshia Safer, Elfark Elbahery et Attlasa dans la province El-Fayom. Au même moment, dans le village de Kom Saadon, un autre camion se serait embouti, transportant un grand nombre d’ouvriers agricoles enfants âgés de 12 à 18 ans. L’accident aurait causé la mort de 2 filles et en aurait blessé 19 autres. Les enfants travaillaient dans des fermes cultivant des légumes.
Selon les informations reçues, ce genre d’accidents est fréquent et a même tendance à augmenter pendant la saison des moissons (de mai à octobre) quand les enfants sont transportés vers les fermes qui se situent à des centaines de kilomètres de chez eux. Par conséquent, en 2001, plus de 27 enfants sont morts et 40 ont été blessés dans le village de Damita, province de Gharbia, le village Mohamed Afandi, province El-Fayom, le village Alkam, province Monofia et le village Bees dans la province El-Behira à cause d’accidents de la route.

Malgré la fréquence de ces accidents, le gouvernement ne réagit pas si ce n’est par l’octroi de sommes d’argent triviales aux familles des victimes, et par la mise en accusation des conducteurs pour le dépassement des limites de vitesse et conduite sans permis. D’autre part, les propriétaires des fermes ne sont pas juridiquement responsables envers les enfants qu’ils emploient et qui ne sont protégés par aucune couverture sociale ni assurance santé.

L’OMCT rappelle que l’Egypte a adopté, en 1996, la Loi N°12 relative aux enfants qui interdit, à son article 64, le recrutement d’enfants en-dessous de l’âge de 14 ans, et qui prévoit le droit pour les enfants, entre douze et quatorze ans, de recevoir une formation professionnelle par leur employeur, et de participer aux travaux agricoles saisonniers, aussi longtemps que ces travaux ne nuisent pas à leur santé ni à leur développement, et qu’ils n’interfèrent pas avec leur scolarité. L’article 66 limite la journée de travail à six heures, desquelles quatre peuvent être consécutives, et prévoit une ou plusieurs pause qui doivent totaliser au moins une heure par jour.

Le Secrétariat international de l’OMCT exprime sa plus vive inquiétude à propos de la situation des ouvriers agricoles, et particulièrement celle des enfants, et rappelle qu’en tant qu’Etat partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, l’Egypte est obligé de se conformer à l’article 32 qui stipule que « les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ». De plus, l’article 39 oblige les Etats parties de prendre «toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de tout autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Pour finir, l’article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels rappelle que « les enfants et adolescents doivent être protégés contre l’exploitation économique et sociale ».

En mai 2000, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exprimé, dans ses observations finales, sa plus vive inquiétude à l’égard du fait que des enfants de moins de douze ans travaillent plus de six heures par jour dans le secteur agricole. A ce sujet, le Comité a instamment invité le gouvernement égyptien « à renforcer la législation égyptienne du travail afin de protéger les enfants contre les conditions de travail abusives et à prendre des mesures immédiates en vue d'assurer l'éradication du travail illégal d'enfants ».

De manière similaire, en février 2001, le Comité sur les droits de l’enfant a exprimé, dans ses observations finales, sa plus vive inquiétude à l’égard de la situation des enfants qui travaillent en Egypte, et en particulier ceux employé dans le secteur agricole. Le Comité a recommandé au gouvernement égyptien « de veiller à ce que l'âge minimum légal d'admission à l'emploi soit respecté. (…) L'inspection du travail devrait être renforcée afin de pouvoir veiller efficacement au respect des normes en matière de travail des enfants dans le secteur privé, dans les entreprises familiales, dans l'agriculture et dans les travaux domestiques (…) ».

Actions requises

Nous vous prions de bien vouloir écrire aux autorités d’Egypte leur demandant:

i. de cesser immédiatement le recrutement illégal d’ouvriers agricoles et en particulier d’enfants en dessous de l’âge d’admission à l’emploi conformément à la législation nationale et aux normes internationales ;

ii. de garantir le respect des droits économiques, sociaux et culturels des enfants égyptiens, et notamment le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social, le droit à l’éducation, à la santé physique et mentale et à un niveau de vie décent ;

iii. de garantir une enquête immédiate sur les circonstances entourant les morts et les accidents qui font l’objet de cet appel afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iv. de garantir une réparation adéquate aux familles des victimes ainsi qu’une réadaptation physique et psychologique aux personnes blessées ;

v. de garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales conformément aux lois nationales et normes internationales, et plus particulièrement à la Convention relative aux droits de l’enfant et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Addresses

· H.E. Président Mohammad Hosni Mubarak, Palais Abedine, Le Caire, Egypte, Email : Webmaster@presidency.gov.eg
· H.E. Faruq Sayf al-Nasr, Ministre de la Justice, Ministère de la Justice, Midan Lazoghly, Le Caire, Egypte, Fax: +202 795 8103, E-mail: mojeb@idsc.gov.eg
· H.E. Général Habib Ibrahim El Adly, Ministre de l’Intérieur, Rue Al – Sheik Rihan, Bab al-Louk, Le Caire, Egypte, Fax: + 202 579 2031, e-mail: moi@idsc.gov.eg.


Veuillez aussi écrire aux représentations diplomatiques d’Egypte dans vos pays respectifs.


Genève, le 26 juin 2002


Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.