Tunisie
07.05.12
Interventions urgentes

Internement forcé et détention de M. Mohamed Sedki Hlimi à l’hôpital psychiatrique de la Manouba, à Tunis.

TUNISIE:LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE MINISTRE DE LA JUSTICE

M. Nourredine Bhiri

Ministre de laJustice

Ministère de lajustice

Tunisie

Fax: +216 71 561 440

info@e-justice.tn

Tunis-Genève,le 7 mai 2012

Concerne : Internement forcé et détention de M. Mohamed Sedki Hlimi à l’hôpitalpsychiatrique de la Manouba, à Tunis.

Monsieur le Ministre,

Le SecrétariatInternational de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), laprincipale coalition internationale d’organisations non gouvernementalesluttant contre la torture et toutes autres formes de mauvais traitements, etl’Organisation Contre la Torture en Tunisie (OCTT), une organisation membre duréseau SOS-Torture en Tunisie, tiennent à exprimer leur plus vive inquiétudequant à l’internement forcé et la détention à l’hôpital psychiatrique LaManouba, à Tunis, depuis le 15 avril 2012, de M. Mohamed Sedki Hlimi, environ 35 ans et originaire de la ville deKasserine. L’OMCT et l’OCTT craignent que cet internement et cette détention nesoient liés à ses activités pacifiques visant à dénoncer les actes de tortureet de mauvais traitements qu’il a subis sous le gouvernement provisoire de BéjiCaïd Essebsi, en mars 2011 et à protester contre la poursuite de l’injustice enTunisie.

Selon lesinformations recueillies, le 14 avril 2012, M. Mohamed Sedki Hlimi a étéconvoqué par le Procureur de la République à Kasserine après avoir distribuédes prospectus appelant à une manifestation pacifique pour dénoncer lesinjustices continues en Tunisie. Il aurait été ensuite transféré dans le bureaud’un juge d’instruction qui lui aurait dit « Ne vas-tu pas restertranquille », avant de l’accuser dans une affaire présumée d’atteinte audrapeau. Il lui serait reproché d’avoir enlevé le drapeau tunisien pour leremplacer par le drapeau algérien dans un quartier de Kasserine, alors qu’ilpeut prouver qu’il était à son travail au moment supposé des faits.

Selon lesmêmes informations, en sortant du cabinet du juge d’instruction, M. MohamedSedki Hlimi a été violemment battu à coups de barre de fer par un grouped’individus. Il a été blessé aux deux bras, ce qui a nécessité plusieurs pointsde suture. Suite à ces évènements, M. Mohamed Sedki Hlimi a par la suite tentéde s’immoler par le feu pour dénoncer les actes de harcèlement à son encontre.Des amis présents au moment des faits ont pu éteindre le feu et l’ontimmédiatement conduit à l’hôpital de Kasserine, où il a été hospitalisé pour lanuit.

Lelendemain, soit le 15 avril 2012, des policiers se sont présentés à l’hôpitalet ont transféré de force M. Mohamed Sedki Hlimi à l’hôpital psychiatrique LaManouba, à Tunis. Bien qu’un médecin ait déclaré que M. Mohamed Sedki Hlimin’avait aucune raison de rester à l’hôpital, le Président du Tribunal deKasserine a ordonné une nouvelle expertise psychiatrique par trois médecins.Depuis, M. Mohamed Sedki Hlimi reste interné à l’hôpital psychiatrique LaManouba, à Tunis.

L’OMCT et l’OCTT rappellent que M.Mohamed Sedki Hlimi a été, à plusieurs reprises, empêché de participer à desréunions pour témoigner des actes de torture et de mauvais traitements subissous le gouvernement provisoire de Béji Caïd Essebsi, en mars 2011. Ainsi, le12 octobre 2011, il a été détenu quelques heures par des policiers alors qu’ildevait témoigner dans le cadre de la conférence de presse organisée par l’OCTTà l’occasion de la présentation d’un rapport sur la pratique de la torture enTunisie après la révolution.

L’OMCT et l’OCTT sont gravementpréoccupées par l’internement forcé et la détention de M. Mohamed Sedki Hlimidans un hôpital psychiatrique, qui semblent avoir pour seul objectif desanctionner les activités pacifiques de protestation de ce dernier.

A cet égard, l’OMCT et l’OCTTrappellent que le Groupe de travail sur la détention arbitraire des NationsUnies, dans son rapport E/ CN.4/ 2005/6 sur la question de « l’internement psychiatrique », stipuleque « l’internement psychiatrique ne devrait pas être utilisé comme moyende porter atteinte à la liberté d’expression d’une personne, ni comme moyen dela punir, de la discréditer en raison de ses opinions ou encore de la dissuaderd’avoir certaines convictions ou activités politiques, idéologiques oureligieuses.»

L’OMCT et l’OCTT prient lesautorités compétentes de Tunisie de mettre un terme à toute forme deharcèlement, notamment judiciaire, à l’encontre de M. Mohamed Sedki Hlimi et de garantiren toutes circonstances son intégrité physique et psychologique, conformémentau droit régional et international pertinent, et notamment aux dispositions dela Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de la Conventioncontre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains oudégradants et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’OMCT et l’OCTT demandentégalement aux autorités de Tunisie de garantir une enquête immédiate, efficace,exhaustive, indépendante et impartiale sur les faits mentionnés ci-dessus,notamment les actes de torture et autres mauvais traitements subis par M.Mohamed Sedki Hlimi en mars 2011 et l’agression subie par le groupe d’individusau Tribunal de Kasserine, le 14 avril 2012, dont les conclusions seront renduespubliques, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant untribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctionspénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi.

Confiants de l'attention que vous porterezà notre démarche et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de bienvouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre hauteconsidération.

Gerald Staberock RadhiaNasraoui

Secrétaire général Présidente

OMCT OCTT