Guinée
14.09.21
Interventions urgentes

Guinée: Libération d'Oumar Sylla

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvelles informations
GIN 002 / 0420 / OBS 039.7
Libération /
Harcèlement judiciaire
République de Guinée
14 septembre 2021

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République de Guinée.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de la libération d’Oumar Sylla, alias Foniké Mengué, coordinateur national adjoint de Tournons La Page-Guinée[1] et responsable de la mobilisation et des antennes du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC)[2].

Le 7 septembre 2021, Oumar Sylla a été libéré de la prison centrale de Conakry sur ordre des autorités militaires guinéennes après plus de 11 mois de détention arbitraire. Pour autant, au moment de la publication de cet Appel Urgent, sa condamnation à trois ans de prison ferme, prononcée le 11 juin 2021 par la Cour d’appel de Conakry, n’avait pas été annulée.

La libération d’Oumar Sylla, et celle de dizaines d’autres défenseurs des droits humains et opposants politiques, fait suite à la prise de pouvoir par la force de la junte militaire guinéenne consécutive à un coup d’État mené le 5 septembre 2021 par les forces spéciales du colonel Mamady Doumbouya contre le Président Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010.

L’Observatoire rappelle qu’Oumar Sylla a été violemment arrêté le 29 septembre 2020 alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat, avant d’être placé sous mandat de dépôt pour « attroupement illégal », « trouble à l'ordre public », « atteinte à la sûreté de l’État » et « destruction de bien public ». Après plusieurs interrogatoires, le juge d’instruction a finalement décidé de ne retenir que l’infraction d’« attroupement illégal sur la voie publique » à son encontre. Après trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla a entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 afin de protester contre sa détention arbitraire et de demander la tenue de son procès. Il y a mis fin le 8 janvier 2021 après que la date de son audience a été programmée. Très affaibli par sa grève de la faim, il a été hospitalisé le jour même avant d’être renvoyé en prison.

Par la suite, M. Sylla a été hospitalisé à plusieurs reprises en raison de la dégradation manifeste de son état de santé en prison. Le 28 janvier 2021, le Tribunal correctionnel de Mafanco a reconnu Oumar Sylla coupable de « participation délictueuse à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public » et l’a condamné à 11 mois de prison ferme. Les avocats de M. Sylla et le Ministère Public ont interjeté appel de cette décision. Dans l’attente du procès en appel, deux demandes de mise en liberté provisoire ont été rejetées par le Tribunal. Le 11 juin 2021, la Cour d’appel de Conakry a condamné Oumar Sylla à trois ans de prison ferme. Les avocats d’Oumar Sylla se sont alors pourvus en cassation. Au moment de la publication de cet appel urgent, la date de son procès en cassation n’était toujours pas connue.

L’Observatoire rappelle également que le 27 août 2020, Oumar Sylla avait été libéré de la prison centrale de Conakry, où il était détenu depuis plus de quatre mois, après avoir été acquitté par le Tribunal de première instance de Dixinn des charges de « diffusion de fausses informations ». Le Procureur auprès du Tribunal de première instance de Dixinn a interjeté appel de cette décision et la première audience devant la Cour d’appel de Conakry avait été fixée au 30 septembre 2020. En raison de la nouvelle arrestation d’Oumar Sylla, cette audience n’a pas pu se tenir et a été reportée à une date encore inconnue au moment de la publication de cet appel urgent.

L’Observatoire rappelle enfin que de nombreux autres membres du FNDC font, depuis avril 2019, l’objet de menaces, d’arrestations arbitraires et de harcèlement judiciaire en raison de leur protestation pacifique contre la réforme constitutionnelle adoptée lors des élections législatives et référendaires de mars 2020, qui a permis au Président Alpha Condé de se présenter et d’être élu pour un troisième mandat présidentiel consécutif en octobre 2020. Parmi eux, MM. Abdourahamane Sanoh, Mamadou Baïlo Barry, Alpha Soumah, Abdoulaye Oumou Sow, Mamadou Bobo Bah, ainsi qu’Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno, qui restent tous deux sous contrôle judiciaire depuis le 13 mars 2020. Par ailleurs, un mandat d’arrêt international a été émis à l’encontre de Sékou Koundouno fin août 2021.

L’Observatoire salue la libération d’Oumar Sylla mais rappelle qu’il n’aurait jamais dû être détenu en premier lieu, sa détention étant arbitraire en ce qu’elle ne visait qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire appelle la junte militaire guinéenne à annuler immédiatement la condamnation d’Oumar Sylla, à lever toutes les poursuites à son encontre et à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, contre lui et tous les défenseurs des droits humains en Guinée. L’Observatoire appelle également la junte militaire guinéenne à mettre en place un processus de transition démocratique et inclusif et à respecter les droits humains dans le pays.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux membres de la junte militaire guinéenne en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique d’Oumar Sylla et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;
  1. Procéder à l’annulation de la condamnation et à la levée de toutes les poursuites à l’encontre d’Oumar Sylla ;
  1. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre d’Oumar Sylla et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée, et veiller à ce qu'ils puissent exercer leurs activités sans entraves ni peur de représailles.

Adresses :

  • M. le Colonel Mamady Doumbouya, Président de la Transition, Twitter : @PresidentCNRD
  • S.E. Amara Camara, Ambassadeur de la République de Guinée à Paris, Email :
    contact@ambaguineefrance.com
  • M. Ousmane Sylla, Ambassadeur de la République de Guinée à Bruxelles, Email : ambaguibruxelles@mae.gov.gn / ambaguinee.bruxelles@yahoo.fr

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République de Guinée dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 14 septembre 2021

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :


[1] Tournons La Page (TLP) est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles africaines dont l’objectif est la promotion de l’alternance démocratique en Afrique, en menant des actions pacifiques et non partisanes. Le mouvement est aujourd’hui actif dans 10 pays africains (Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, RDC, Tchad, Togo).

[2] Le FNDC désigne une série de manifestations sporadiques qui ont lieu depuis le 14 octobre 2019 en Guinée pour protester dans un premier temps contre la modification ou l'adoption d'une nouvelle constitution qui pourrait conduire le président Alpha Condé à un troisième mandat, puis contre l'arrestation et la condamnation des leaders du FNDC.