Burundi
21.08.08
Interventions urgentes

Actes de harcèlement et menaces à l'encontre de plusieurs défenseurs

BDI 001 / 0808 / OBS 140
Diffamation / Harcèlement /
Intimidation / Menaces

Burundi

21 août 2008

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Burundi.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par la Ligue burundaise des droits de l’Homme "Iteka" d’actes de diffamation, de harcèlement, d’intimidation et de menaces à l’encontre de plusieurs membres de la société civile burundaise.

Selon les informations reçues, le 19 août 2008, M. Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), a constaté l’existence de menaces à l’encontre de son intégrité de la part de certains membres du Service national des renseignements[1]. Le 18 août 2008, M. Rufyiri avait été entendu par le procureur de Bujumbura, qui l’a informé de l’ouverture d’une information judiciaire contre lui en raison de ses activités de dénonciation de faits de corruption impliquant de hautes autorités de l’État. Lors de cette audition, aucune charge n’a été retenue contre lui, mais il a depuis reçu un SMS anonyme l’informant que tout serait mis en œuvre afin de l’inculper, et a par ailleurs appris, le 19 août, que des membres de la police présidentielle s’étaient procurés les archives sonores de la radio Bonecha faisant état de ses activités.

Par ailleurs, le 18 août 2008, M. Jean-Marie Vianney Kavumbagu, président sortant d’Iteka, et M. Joseph Mujiji, assistant de la secrétaire exécutive d’Iteka, ont été entendus par le substitut du procureur de Bujumbura, sur la base d’un dossier monté de toutes pièces les accusant d’être à la base d’un plan de manipulation incriminant le chef d’état major adjoint de la Force de défense nationale et l’administrateur général du Service national des renseignements dans l’élimination des dirigeants de l’opposition. Au terme de cet interrogatoire, les deux défenseurs ont été informés qu’ils devaient rester à disposition de la justice. Mme Chantal Niyokindi, secrétaire exécutive d’Iteka, a quant à elle comparu le 19 août 2008 dans la même affaire. Elle devra elle-aussi rester à disposition de la justice.

Ces convocations font suite à une interview accordée le 23 juillet 2008 sur les ondes de la radio Rema FM à M. Jean-Claude Nsabimana, un présumé dissident au sein de la rébellion du PALIPEHUTU-FNL (Parti pour la libération du peuple hutu - Forces nationales de libération), au cours de laquelle ce dernier avait affirmé que M. Joseph Mujiji, une "dame de la Ligue Iteka", dont il n’a pas donné le nom, et M. Willy Nindorera, membre de l’ONG "International Crisis Group", lui avaient confié la mission d’accuser les Généraux Adolphe Nshimirimana, administrateur général du Service national des renseignements (police présidentielle) et Godefroid Niyombare, Chef d’état major adjoint de l’armée, d’organiser un plan d’élimination des membres de l’opposition. Au cours de l’interview, M. Nsabimana avait en effet déclaré avoir rencontré M. Mujiji et "une dame d’Iteka" en janvier 2008, et s’être réfugié au Rwanda en février 2008 avec le concours de ces personnes, juste après avoir accusé publiquement sur la radio locale RPA les Généraux Nshimirimana et Godefroid de fomenter le plan d’élimination.

L’Observatoire condamne avec la plus grande vigueur ces actes de diffamation, de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de ces défenseurs, et craint qu’ils ne visent uniquement à museler la société civile burundaise, ce d’autant plus que le Burundi s’achemine vers l’organisation des élections présidentielles et parlementaires de 2010.

L’Observatoire tient à rappeler que le dossier ouvert contre les membres d’Iteka et contre M. Nindorera a été monté à partir de simples accusations, sans aucune preuve et sans aucune base légale, et dénonce en outre l’acharnement du Service national des renseignements contre M. Rufyiri, dans le seul but apparent d’entraver et de sanctionner ses activités en faveur des droits de l’Homme au Burundi.

L’Observatoire demande par conséquent que ces affaires soient closes et que soit mis fin dans les plus brefs délais au harcèlement judiciaire à l’encontre de ces défenseurs des droits de l’Homme.

Actions demandées :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités burundaises en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Mme Chantal Niyokindi et de MM. Gabriel Rufyiri, Jean-Marie Vianney Kavumbagu, Joseph Mujiji, Willy Nindorera ;
  2. Mener une enquête indépendante sur les menaces décrites ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés, et que des poursuites adéquates soient engagées à leur encontre conformément à la loi et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme ;
  3. Veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de menaces et de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de Mme Chantal Niyokindi et de MM. Gabriel Rufyiri, Jean-Marie Vianney Kavumbagu, Joseph Mujiji, Willy Nindorera, et de tous les défenseurs des droits de l’Homme du Burundi ;
  4. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui prévoit que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, son article 6(b), selon lequel “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales”, et son article 12.2 qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;
  5. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Burundi.

Adresses :

  • Monsieur le Premier Vice-Président, Fax: +257 22226424
  • Monsieur le Ministre de la Défense Nationale et des Anciens Combattants, Fax: +257 22253215 / 22253218, email: mdnac@yahoo.fr
  • Vice-Ministère des Droits de la Personne et du Genre, BP : 6518 Bujumbura, Fax : 00 257 22 25 82 50, email :vmdphg@yahoo.fr
  • Ministère de la Défense Nationale et des Anciens Combattants, BP : 6518 Bujumbura, Fax : 00 257 22 25 32 15 / 00 257 22 25 32 18, email : mdnac@yahoo.fr
  • Ministère de l’Intérieur et du Développement Communal, BP : 1910 Bujumbura, Fax : 00 257 22 24 53 51, email : mininter@yahoo.fr
  • Ministère de la Sécurité Publique, BP : 7413 Bujumbura, Fax : 00 257 22 25 82 62
  • S.E. M. Pierre Barusasiyeko, Mission permanente de la République du Burundi auprès des Nations-unies, rue de Lausanne 44, 1201 Genève, Fax : 022 732 77 34
  • S.E. Laurent Kavakure, Ambassade du Burundi, Square Marie-Louise 46, 1000 Bruxelles, Fax: +32 2 230 78, email: ambassade.burundi@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Burundi dans vos pays respectifs.

Paris - Genève, le 21 août 2008

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

E-mail : Appeals@fidh-omct.org Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Ce jour-là, M. Rufyiri a notamment été suivi par une voiture du Service national des renseignements.