Tunisie
12.12.06
Interventions urgentes

Harcèlement à l'encontre de Samia Abbou, Moncef Marzouki, Samir Ben Amor et Slim Boukhdir

Tunisie : Maître Abbou attend seul, dans sa prison.

Pendant que la police filme l’agression de sa femme…

Genève-Paris, le 12 décembre 2006. L’Action des chrétiens pour l'abolition de la tortore (ACAT-France), la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, sont indignés et profondément choqués par l’agression extrêmement violente qui s’est produite le 7 décembre 2006, et dont ont été victimes Mme Samia Abbou (épouse de Me Abbou), M. Moncef Marzouki (opposant politique), M. Samir Ben Amor (avocat) et M. Slim Boukhdir (journaliste), alors qu’ils tentaient de rendre visite à Maître Abbou dans sa prison du Kef. Me Mohamed Abbou est membre de l’Association internationale pour le soutien des prisonniers politiques (AISSP) et ancien dirigeant du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT)[1].

170 km de calvaire pour tenter d’arriver à la prison du Kef

Chacune des visites hebdomadaires de Mme Samia Abbou à son époux, incarcéré depuis près de deux ans à 170 km de leur domicile, s'avère une véritable expédition parsemée de contrôles, de barrages et d'actes de harcèlement, qui visent à empêcher tout contact de Me Abbou avec l'extérieur et à intimider les personnes qui le soutiennent. Parfois, comme le 7 décembre 2006, plus de 40 policiers sont déployés aux barrages !

Comité d’accueil, voyous qui frappent, police qui filme

Après six heures de route, le franchissement de neuf barrages, une altercation très violente à la sortie d’un restaurant avec des « voyous », Mme Abbou, M. Marzouki, M. Ben Amor, et M. Boukhdir sont arrivés à Kef et ont eu la triste surprise d’y être « accueillis » par une trentaine d'hommes.

Ces derniers s'en sont pris physiquement à Mme Abbou et ses compagnons qui tentaient d'entrer dans la prison, en présence de nombreux policiers qui auraient filmé la scène sans toutefois intervenir

Le véhicule de Me Ben Amor, dans lequel Mme Abbou et ses compagnons se sont réfugiés, a été la cible de jets de pierres par leurs assaillants. Extrêmement choqués, les militants se sont résignés à rebrousser chemin.

« C'est insupportable et inhumain. Nous avons été empêchés, par la force, de rester au Kef, frappés, insultés par des voyous sous les yeux de la police qui a filmé la scène» déclare Mme Samia Abbou, très affectée par ce nouvel épisode de harcèlement. « Je dois voir mon mari, la prochaine fois, je rentrerai dans la prison, coûte que coûte ! »

Des harcèlements constants

Mme Samia Abbou et ses proches font l'objet d'actes de harcèlements récurrents depuis l'arrestation de son époux. En octobre dernier, l'ensemble de son quartier avait été bouclé par les forces de l'ordre, en réponse à la réunion de familles de prisonniers qu'elle avait organisée à son domicile (Cf Communiqué de presse de l'ACAT-France 27 octobre 2006). Mme Samia Abbou et ses enfants avaient alors été victimes d'une véritable démonstration de force de la part de membres d'une milice proche du pouvoir, tandis que deux membres d'une famille de détenu qui avaient participé à ce rassemblement avaient été arrêtés et violemment battus.

Nos organisations rappellent par ailleurs que M. Moncef Marzouki est placé de facto en résidence surveillée, un dispositif policier déployé devant sa résidence de Sousse l'empêchant de sortir depuis son retour récent en Tunisie, après cinq années d'exil en France (cf. communiqué de presse de l’Observatoire, 6 décembre 2006).

En conséquence, nos organisations appellent les autorités tunisiennes à mettre un terme immédiat aux actes récurrents de harcèlement et de violence à l'encontre des proches de Me Abbou, et demandent la libération de ce dernier dans les plus brefs délais, la condamnation prononcée à son encontre étant manifestement de nature politique et arbitraire.

CONTACTS

ACAT-France Sophie CROZET – Tél. : + 00 331 40 40 02 10 – sophie.crozet@acat.asso.fr
FIDH : Gaël GRILHOT – Tél. : + 00 331 43 55 90 19 – ggrilhot@fidh.org
OMCT : Delphine Reculeau – Tél : +00 41 22 809 49 39 – dr@omct.org

[1] Mohammed Abbou est emprisonné depuis le 1er mars 2005 à la prison du Kef. Condamné le 29 avril 2005 à trois ans et six mois de prison, à l’issue d’un simulacre de procès, sa peine a été confirmée en appel deux mois plus tard. Il a été condamné notamment pour la publication sur Internet d’un article dans lequel il comparait les tortures infligées à des prisonniers politiques en Tunisie aux exactions de soldats américains commises sur les détenus d'Abou Ghraib.