République démocratique du Congo
19.04.18
Interventions urgentes

Harcèlement judiciaire contre six membres de Filimbi et trois membres de la LUCHA

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE



COD 001 / 0118 / OBS 007.2

Détention arbitraire /

Mauvais traitements /

Harcèlement judiciaire

République démocratiquedu Congo

19 avril 2018

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de lHomme, unpartenariat de la FIDH et de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de touteurgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations:

L’Observatoire a étéinformé du harcèlement judiciaire de M. Roger Mwenyemali, membredu collectif Filimbi à Kindu[1] et deMM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma,membres de la section de Kisangani du mouvement Lutte pour le changement(LUCHA), ainsi que de la détention arbitraire et du harcèlementjudiciaire continus de M. Carbone Beni Wa Beya, chargé de lamobilisation et du déploiement au sein de Filimbi, M. Mino Bompomi,coordonnateur de la cellule de Kinshasa de Filimbi, ainsi que de MM. Grâce Tshiuza, Cédric Kalonji et Palmer Kabeya,membres de Filimbi à Kinshasa.

Selon les informationsreçues, le 13 avril 2018, le ministère public a requis une peine de 3 ansd’emprisonnement et 1 million de CDF de dommages et intérêts pour l’Étatcongolais (environ 500 euros) à l’encontre de MM. JedidiaMabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma qui comparaissaient devant le Tribunalde paix de Makiso pour « incitation à la révolte ».

Le tribunal dispose d’un délai de 8 jours pour seprononcer. Le 18 janvier 2018, MM. Jedidia Mabele,Zacharie Kingombe et Andy Djuma avaient été libérés souscaution de la prison centrale de Kisangani où ils étaient détenusdepuis le 30 décembre 2017 suite à leur arrestation en compagnie de plusieursautres militants de mouvements citoyens alors qu’ils participaient à desrassemblements pacifiques appelant la population à adhérer à l’appel du ComitéLaïc de Coordination (CLC) pour la marche du 31 décembre 2017 dans plusieursvilles de RDC (voir rappel des faits ci-dessous).

L’Observatoire rappelle que MM. Carbone Beni, CédricKalonji et Palmer Kabeya restent quant à eux détenusdans les locaux de l’Agence nationale de renseignement (ANR) 3 zulu en face dela primature à Kinshasa. MM. Cédric Kalonji et Palmer Kabeya setrouverait dans des états de santé préoccupants. MM. MinoBompomi et Grâce Tshiuza sont détenus au quartier général de l’ANR à Kinshasa.

MM. Mino Bompomi, Carbone Beni, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza sont poursuivis pour « atteinte àla sûreté de l’État » et n’ont pas accès à leurs avocats. Ilsn’ont pas encore été présentés au parquet et aucune date d’audience n’a étéfixée.

L’Observatoire condamne fermement la détentionarbitraire de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ainsi que leur harcèlementjudiciaire et celui de Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma, qui nevisent qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits civils etpolitiques en RDC.

Plus généralement, l’Observatoire réitère ses vivesinquiétudes sur le contexte global d’intimidations et de répression àl’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC etparticulièrement ceux engagés en faveur du respect des droits civils etpolitiques et du principe de l’alternance démocratique et qui participent et/ouappellent à participer à des manifestations pacifiques demandant la tenue desélections et le respect de la Constitution congolaise.

L’Observatoire a en effet documenté depuis 2017 unetendance quasi-systématique d’arrestation et de détentions arbitraires, decriminalisation et de harcèlement de la part des autorités congolaises enversles défenseurs des droits et/ou des membres de mouvements citoyens mobilisésnotamment pour demander la mise en œuvre de l’Accord politique du 31 décembre2016 et l’organisation des élections générales tels que la LUCHA, Filimbi etCompte à Rebours[2].

L’Observatoire appelle donc les autoritéscongolaises à garantir le respect des droits de manifestation et réunionpacifiques ainsi que la liberté d’expression tels que prévus par laConstitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC estpartie.

En conséquence, l’Observatoire demande aux autoritéscongolaises de libérer immédiatement et sans condition MM. Mino Bompomi, CarboneBeni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya etGrâce Tshiuza, et de mettre un terme à toute forme deharcèlement, y compris judiciaire, à leur encontre et à l’encontre de JedidiaMabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma. Dans l’attente de leur libération,l’Observatoire appelle les autorités congolaises à garantir le droit à unprocès équitable des défenseurs des droits humains, ainsi que leur intégritéphysique et psychologique.

Rappel des faits :

Le 23 décembre 2017,M. Palmer Kabeya a été arrêté à Kinshasa alors qu’il promouvait laparticipation à la marche pacifique du 31 décembre 2017, et conduitimmédiatement à la DEMIAP.

Le 29 décembre 2017, à Kindu, M. Roger KatangaMwenyemali a été arrêté par les services de sécurité alors qu’il participait àune manifestation pacifique appelant la population à adhérer à l’appel du CLCpour la marche du 31 décembre 2017. Il a été transféré à la prison de Kindu eta été exposé à des conditions carcérales difficiles. Il n’a reçu aucune visitede ses proches et a eu un accès limité à son avocat. D’abord accuséd’« atteinte à la sûreté de l’État », le Tribunal de paix de Kindu aensuite requalifié les charges pesant à son encontre en « propagation defaux bruits ».

Dans le même contexte, à Kisangani, le 29 décembre2017, MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ont été arrêtés pardes agents de l’ANR et de la police nationale congolaise aux environs du marchécentral et du pont Tshopo, alors qu’ils invitaient la population à se mobiliserpour une manifestation pacifique organisée par le CLC, en parallèle de celleprévue à Kinshasa et dans d'autres parties du pays. Cette marche pacifiqueavait dûment été annoncée aux autorités, conformément aux exigences légalesnationales.

Tous trois ont été transférés à la prison centralede Kisangani, avec un accès restreint à leurs proches et à leurs avocats[3]. Ils ont été accusés le 12janvier 2018 d' « incitation de la population à la violence contre lepouvoir public » par le Tribunal de paix de Kisangani.

Le 30 décembre 2017 àKinshasa, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Grâce Tshiuza et CédricKalonji ont été enlevés par des miliciens proches du régime congolais, etconduits à l’Inspection provinciale de la police de Kinshasa (IPKIN). Ils ontété placés en détention provisoire le même jour pour « atteinteà la sûreté de l’État ».

M. Béni aurait été torturé aux fins d’obtenir de luides aveux au sujet de son engagement pour la démocratie et le réseau de soutienau mouvement Filimbi.

Ces enlèvements se sont produits alors que cesderniers distribuaient des flyers visant à sensibiliser la population dequartiers populaires de Kinshasa à propos des marches pacifiques programméespour le lendemain, le 31 décembre 2017, à l'appel du CLC, afin de réclamerl’application intégrale de l’Accord politique du 31 décembre 2016, censéconduire le pays vers des élections présidentielle, législatives etprovinciales d’ici la fin 2017.

Le 2 janvier 2018, MM. Carbone Beni et CédricKalonji ont été transférés dans les locaux de l’ANR 3 zulu en face de laprimature.

Le 18 janvier 2018, MM. Jedidia Mabele,Zacharie Kingombe et Andy Djuma ont été libérés souscaution de la prison centrale de Kisangani.

Le 28 février 2018, M. MinoBompomi et M. Grâce Tshiuza, détenus depuis le 30 décembre 2017, ont ététransférés des locaux de l’ANR en face de la primature, où ils étaient détenusdepuis le 2 janvier 2018, vers le quartier général de l’ANR à Kinshasa.

Le 6 mars 2018, laseconde chambre du Tribunal de paix de Kindu a acquitté M. Roger Mwenyemalides charges de « propagation de faux bruits » et ordonné salibération après plus de deux mois de détention arbitraire.

Le 3 avril 2018, M. Palmer Kabeya a été transféré dans les locaux de l’ANR.

Les 23, 30 mars et 4avril 2018, MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ontcomparu devant le Tribunal de paix de Makiso pour « incitation à larévolte ».

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrireaux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstancesl’intégrité physique et psychologique de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni WaBeya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ainsi que de l’ensemble des défenseurs desdroits humains en RDC ;

ii. Mener sans délai une enquêteexhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente surles allégations de mauvais traitements à l’encontre de MM. Carbone Beni Wa Beyaet Palmer Kabeya, afin d’identifier lesresponsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent etimpartial conformément aux instruments internationaux et régionaux deprotection des droits humains, et d’appliquer les sanctions pénales, civileset/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Libérer immédiatement etinconditionnellement MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

iv. Mettre un terme à touteforme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Mino Bompomi, CarboneBeni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya, GrâceTshiuza, Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ainsique de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

v. Dans l’attente, garantir le droit à unprocès équitable de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, CédricKalonji, Palmer Kabeya, Grâce Tshiuza, JedidiaMabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ;

vi. Se conformeraux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme,adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre1998, et plus particulièrement ses articles 1 et 12.2 ;

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclarationuniverselle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationauxrelatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.EM. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120

· M. BrunoTshibala, Premier Ministre, E-mail : cabinet@primature.cd

· M. AlexisTambwe Mwamba, Ministre de la Justice, Fax : + 243 88 05 521,E-mail : minjustdh@gmail.com ;

· Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droitshumains min-droitshumains@yahoo.fr

· M. FloryKabange Numbi, Procureur Général de la République ; E-mail :florykan@yahoo.fr, pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com

· Missionpermanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies,E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

· S.E.M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratiquedu Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu. Fax : +32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDCdans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 19 avril 2018

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant