République démocratique du Congo
29.03.18
Interventions urgentes

Harcèlement judiciaire à l'encontre des membres du Filimbi et LUCHA

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

COD 001 / 0118 / OBS 007.1

Détention arbitraire /

Mauvais traitements /

Harcèlement judiciaire /

Libération

République démocratiquedu Congo

29 mars 2018

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de lHomme, un partenariat de la FIDH et de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvellesinformations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situationsuivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L’Observatoire a étéinformé de la libération de M. Roger Mwenyemali, membredu collectif Filimbi à Kindu[1] et deMM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma,membres de la section de Kisangani du mouvement Lutte pour le changement(LUCHA), qui continuent cependant de faire l’objet de harcèlement judiciaire.Il a également été informé de la détention arbitraire et duharcèlement judiciaire continus de M. Carbone Beni Wa Beya, chargé de lamobilisation et du déploiement au sein de Filimbi, M. Mino Bompomi,coordonnateur de la cellule de Kinshasa de Filimbi, ainsi que de MM. Grâce Tshiuza, Cédric Kalonji et Palmer Kabeya,membres de Filimbi à Kinshasa.

Selon les informationsreçues, le 23 mars 2018, MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et AndyDjuma ont comparu devant le Tribunal de paix de Makiso pour « incitation àla révolte ». La prochaine audience aura lieu le 30 mars 2018.

Le 18 janvier 2018, MM. Jedidia Mabele,Zacharie Kingombe et Andy Djuma avaient été libéréssous caution de la prison centrale de Kisanganioù ils étaient détenus depuis le 30 décembre 2017.

Par ailleurs, le 6mars 2018, la seconde chambre du Tribunal de paix de Kindu a acquitté M. Roger Mwenyemalides charges de « propagation de faux bruits » et ordonné sa libérationaprès plus de deux mois de détention arbitraire.

MM. Roger Mwenyemali,Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma avaient été arrêtés encompagnie de plusieurs autres militants de mouvements citoyens alors qu’ilsparticipaient à des rassemblements pacifiques appelant le peuple à adhérer àl’appel du Comité Laïc de Coordination (CLC) pour la marche du 31 décembre 2017dans plusieurs villes de la RDC (voir rappel des faits ci-dessous).

Le 28 février 2018, M. Mino Bompomi et M. Grâce Tshiuza, détenusdepuis le 30 décembre 2017, ont été transférés des locaux de l’Agence nationalede renseignement (ANR) en face de la primature, où ils étaient détenus depuisle 2 janvier 2018, vers le quartier général de l’ANR à Kinshasa.

MM. Carbone Beni et CédricKalonji restent quant à eux détenus dans les locaux de l’ANR 3 zulu en face dela primature, où ils ont été transférés le 2 janvier 2018. Enfin, M. Palmer Kabeya continu d’être détenu à la Détectionmilitaire des activités anti-patrie (DEMIAP) depuis le 23 décembre 2017, malgréson état de santé précaire.

MM. Mino Bompomi, CarboneBeni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya etGrâce Tshiuza sont poursuivis pour « atteinte à la sûreté de l’État » etn’ont pas accès à leurs avocats. Ilsn’ont pas encore été présentés au parquet et aucune date d’audience n’a étéfixée.

L’Observatoire condamnefermement la détention arbitraire de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya,Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et GrâceTshiuza ainsi que leur harcèlement judiciaire et celui de Jedidia Mabele,Zacharie Kingombe et Andy Djuma, qui ne visent qu’à sanctionner leurs activitésde défense des droits civils et politiques en RDC.

En conséquence,l’Observatoire demande aux autorités congolaises de libérer immédiatement etsans condition MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza, et demettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à leurencontre et à l’encontre de Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma.Dans l’attente de leur libération, l’Observatoire appelle les autoritéscongolaises à garantir le droit à un procès équitable des défenseurs des droitshumains, ainsi que leur intégrité physique et psychologique.

Plus généralement, l’Observatoireréitère ses vives inquiétudes sur le contexte global d’intimidations et derépression à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDCet particulièrement ceux engagés en faveur du respect des droits civils etpolitiques et du principe de l’alternance démocratique et qui participent et/ouappellent à participer à des manifestations pacifiques demandant la tenue desélections et le respect de la Constitution congolaise.

L’Observatoire a en effetdocumenté depuis 2017 une tendance quasi-systématique d’arrestation et de détentionsarbitraires, de criminalisation et de harcèlement de la part des autoritéscongolaises envers les défenseurs des droits et/ou des membres de mouvementscitoyens mobilisés notamment pour demander la mise en œuvre de l’Accordpolitique du 31 décembre 2016 et l’organisation des élections générales telsque la LUCHA, Filimbi et Compte à Rebours[2].

L’Observatoire appelle lesautorités congolaises à garantir le respect des droits de manifestation etréunion pacifiques ainsi que la liberté d’expression tels que prévus par laConstitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC estpartie.

Rappel des faits :

Le 23 décembre 2017,M. Palmer Kabeya a été arrêté à Kinshasa alors qu’il promouvait la participationà la marche pacifique du 31 décembre 2017, et conduit immédiatement à laDEMIAP. Il est accusé « d’atteinte à la sûreté de l’État » et n’a niaccès à ses avocats, ni à des visites de membres de sa famille.

Le 29 décembre 2017, àKindu, M. Roger Katanga Mwenyemali a été arrêté par les services de sécuritéalors qu’il participait à une manifestation pacifique appelant le peuple àadhérer à l’appel du CLC pour la marche du 31 décembre 2017. Il a été transféréà la prison de Kindu et a été exposé à des conditions carcérales difficiles. Iln’a reçu aucune visite de ses proches et a eu un accès limité à son avocat.D’abord accusé d’« atteinte à la sûreté de l’État », le Tribunal depaix de Kindu a ensuite requalifié les charges pesant à son encontre en« propagation de faux bruits ».

Dans le même contexte, àKisangani, le 29 décembre 2017, MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et AndyDjuma ont été arrêtés par des agents de l’ANR et de la police nationalecongolaise aux environs du marché central et du pont Tshopo, alors qu’ilsinvitaient la population à se mobiliser pour une manifestation pacifiqueorganisée par le CLC, en parallèle de celle prévue à Kinshasa et dans d'autresparties du pays. Cette marche pacifique avait dûment été annoncée aux autorités,conformément aux exigences légales nationales.

Tous trois ont ététransférés à la prison centrale de Kisangani, avec un accès restreint à leursproches et à leurs avocats[3]. Ils ont été accusés le 12janvier 2018 d'« incitation de la population à la violence contre lepouvoir public » par le Tribunal de paix de Kisangani.

Le 30 décembre 2017 àKinshasa, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Grâce Tshiuza et CédricKalonji ont été enlevés par des miliciens proches du régime congolais, etconduits à l’Inspection provinciale de la police de Kinshasa (IPKIN). Ils ontété placés en détention provisoire le même jour pour « atteinteà la sûreté de l’État ».

M. Béni aurait été torturéaux fins d’obtenir de lui des aveux au sujet de son engagement pour ladémocratie et le réseau de soutien au mouvement Filimbi.

Ces enlèvements se sontproduits alors que ces derniers distribuaient des flyers visant à sensibiliserla population de quartiers populaires de Kinshasa à propos des marchespacifiques programmées pour le lendemain, le 31 décembre 2017, à l'appel duCLC, afin de réclamer l’application intégrale de l’Accord politique du 31décembre 2016, censé conduire le pays vers des élections présidentielle,législatives et provinciales d’ici la fin 2017.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloirécrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutescirconstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mino Bompomi,Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ainsi que del’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

ii. Mener sans délaiune enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale ettransparente sur les allégations de mauvais traitements à l’encontre de MM.Carbone Beni Wa Beya et Palmer Kabeya, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant untribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instrumentsinternationaux et régionaux de protection des droits humains, et d’appliquerles sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Libérerimmédiatement et inconditionnellement MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya,Cédric Kalonji, Palmer Kabeya etGrâce Tshiuza ;

iv. Mettreun terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, àl’encontre de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, CédricKalonji, Palmer Kabeya, GrâceTshiuza, Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

v. Dans l’attente, garantirle droit à un procès équitable de MM. Mino Bompomi, CarboneBeni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya, GrâceTshiuza, Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ;

vi. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs desdroits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale desNations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1 et12.2 ;

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositionsde la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux etinternationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.EM. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120

· M. Bruno Tshibala, PremierMinistre, E-mail : cabinet@primature.cd

· Mme Marie Ange Mushobeka,Ministre de la Justice, Fax : + 243 88 05 521, E-mail :minjustdh@gmail.com ;

· Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droits humains min-droitshumains@yahoo.fr

· M. Flory Kabange Numbi,Procureur Général de la République ; E-mail : florykan@yahoo.fr,pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com

· Missionpermanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies,E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

· S.E.M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la Républiquedémocratique du Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu.Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDCdans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 29 mars 2018

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.