Bangladesh
16.08.13
Interventions urgentes

Poursuite de la détention arbitraire de M. Adilur Rahman Khan

L’Observatoire a étéinformé par des sources fiables de la détention arbitraire de M. AdilurRahman Khan, Secrétaire de l’organisation non gouvernementale des droitshumains Odhikar et membre de l’Assemblée Générale de l’OMCT [1].

L’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de laFédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et del’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvellesinformations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situationsuivante au Bangladesh.

Nouvellesinformations :

Selon les informationsreçues, M. Adilur Rahman Khan a été envoyé à la prison centrale de Daccapar le tribunal principal de première instance de la ville le 13 août 2013,suivant une décision rendue la veille par la section de la Haute cour au seinde la Cour suprême. Trois heures après, il a été transféré à la prisonKashimpur n°1, dans la périphérie de Dacca. Ses avocats ont déposé une demandede placement en cellule individuelle, mais leur demande a été sommairementrejetée [2].. L’Observatoire se demande avecinquiétude si ce rejet ne laisse pas déjà entrevoir un procès orienté etpartial. Les avocats de M. Khan vont faire appel contre la décision de nepas accorder de cellule individuelle à M. Khan.

Le 15 août, la femmede M. Khan lui a rendu visite. Puisque la cellule individuelle ne lui apas été accordée, M. Khan partage sa cellule avec quatre autres personnes.Ils disposent de simples matelas infestés de puces de lit et partagent leurstoilettes. Les repas leur sont servis par la cantine de la prison, à leursfrais.

L’Observatoire réitèresa préoccupation face à la détention arbitraire de M. Khan, qui sembled’abord destinée à sanctionner ses activités pacifiques de défense des droitshumains. L’Observatoire appelle les autorités du Bangladesh à garantirl’intégrité physique et psychologique de M. Khan en toutes circonstanceset de le libérer immédiatement et sans conditions.

De plus,l’Observatoire s’inquiète des informations qu’il a reçues et selon lesquellesle gouvernement serait en train d’organiser la fermeture d’Odhikar, l’accusantd’être une organisation anti étatique. D’autres membres d’Odhikar pourraientêtre arrêtés et interrogés dans le cadre de la plainte déposée contreM. Khan.

Ainsi, l’Observatoiredemande instamment aux autorités du Bangladesh de mettre un terme auharcèlement à l’encontre d’Odhikar, une importante ONG qui a montré depuis sacréation en 1994 un dévouement sans faille à la cause des droits humains.Odhikar documente, fait du plaidoyer et organise des missions d’enquête sur lesviolations dites « sensibles » : disparitions forcées, torture,violences politiques, etc. En raison de ses activités, Odhikar est sous surveillanceconstante du gouvernement [3].

Description de lasituation :

Le 10 août 2013, à22h20, M. Khan a été arrêté par huit ou neuf hommes en civil se disantappartenir au département des enquêtes de la police, alors qu’il rentrait chezlui avec sa famille, à Dacca. Les hommes, qui avaient un minibus blancappartenant apparemment à la United Commercial Bank et un 4x4 Mitsubishi bleuet gris, ont demandé à M. Khan de les suivre. Ils n’ont pas présenté demandat d’arrestation et n’ont pas informé M. Khan et sa famille desraisons de son arrestation ni de leur destination.

Le 11 août 2013, à 2hdu matin, des membres d’Odhikar se sont rendus au poste de police de Gulshan.Les policiers présent ont nié qu’une affaire était ouverte contre M. Khanet ont déclaré avoir appris son arrestation par les médias. Les membresd’Odhikar sont également allés au bureau de la Direction générale desdétectives de police à 12h30, mais les gardes ne les ont pas laissés entrer.

La police de Dacca aalors confirmé l’arrestation de M. Khan aux médias, ajoutant qu’il avaitété arrêté en vertu de l’Information and Communication Technology Act.L’arrestation aurait suivi une main courante déposée par la police auprès ducommissariat de Gulshan, en relation avec un rapport d’enquête, publié par Odhikar,sur la mort de 61 personnes lors d’un rallye politique du mouvement islamisteHefazat-e-Islam réprimé par les forces de l’ordre les 5 et 6 mai 2013 dans lequartier Motijheel, à Dacca.

Le 10 juillet, suite àla publication du rapport d’Odhikar le 10 juin 2013, le Ministère del’information a envoyé une lettre à Odhikar demandant les prénoms, noms etadresses des 61 victimes. Voulant garantir la sécurité des familles desvictimes, Odhikar a demandé dans sa réponse au Ministère à ce qu’une commissionindépendante présidée par un juge à la retraite soit formée et devant laquelleOdhikar pourrait révéler les noms.

Le 11 août 2013, vers13h20, M. Khan a été amené devant le tribunal principal de premièreinstance de la ville, où la plainte déposée à son encontre à été lue par leprocureur. La plainte, qui a été remise aux avocats de M. Khan seulementaprès qu’il a comparu devant la Cour, était signée par la police de Dacca. Laplainte, datée du 10 août 2013, comportait deux mains courantes ; lapremière déposée par la Direction générale des détectives de police (GeneralDiary n° 268) en vertu de l’alinéa 54 du Code de procédure pénal, laseconde déposée par le poste de police de Gulshan (General diary n° 514).

M. Khan aégalement été accusé en vertu des alinéas 1 et 2 de l’article 57 del’Information and Communication Technology Act (2006) pour avoir publié defausses images et informations et avoir enfreint la loi et troublé l’ordre dupays. La plainte allègue également qu’il y aurait des motifs raisonnables desoupçonner que M. Khan est aussi directement et indirectement responsabled’autres infractions.

Le ministère public arequis un placement en détention provisoire pour dix jours contre M. Khantandis que ses avocats ont demandé sa libération sous caution. Le juge, sonHonneur Ami Kumar Dey, a rejeté la demande de libération sous caution et adécidé de placer M. Khan en détention pendant 5 jours afin de l’interrogersur la publication d’un « faux rapport » sur les victimes de la répressiondu rallye organisé par Hefazat-e-Islam début mai. M. Khan a ensuite étéramené au département des enquêtes de police, au 36 rue Minto, Dhaka.

De plus, le 11 août2013, les bureaux d’Odhikar ont été perquisitionnés par le département desenquêtes de police entre 8h20 et 9h. Les policiers ont inspecté les dossiers del’organisation et ont saisi trois ordinateurs et deux processeurs.

Le 12 août 2013, lasection de la Haute cour au sein de la Cour suprême a suspendu l’ordonnance deplacement en détention provisoire pour cinq jours afin de l’interroger et ademandé aux forces de police de le mettre en prison. La section de la Hautecour au sein de la Cour suprême a également permis au département des enquêtesde police d’interroger M. Khan dans la prison centrale de Dacca, sinécessaire. La Cour a rendu cette décision après avoir entendu une requêtedéposée par M. Khan contestant l’initiation de poursuites sur la base duchapitre 54 ainsi que la légalité de l’ordonnance de placement en détentionprovisoire rendue par le juge Amit Kumar Dey, du tribunal principal de premièreinstance de la ville de Dacca

Actionsrequises :

L’Observatoire vousprie de bien vouloir écrire aux autorités bangladaises en leur demandantde :

i. Garantir en toutescirconstances l’intégrité physique et psychologique de M. Khan, de tousles membres d’Odhikar, ainsi que de tous les défenseurs des droits humains auBangladesh.

ii. LibérerM. Khan immédiatement et sans conditions car sa détention est arbitraireet vise seulement à sanctionner ses activités de défense des droits humains.

iii. Mettre un terme àtoute forme de harcèlement – harcèlement judiciaire inclu – à l’encontre deM. Khan, des membres d’Odhikar ainsi que de tous les défenseurs des droitshumains au Bangladesh.

iv. Se conformer auxdispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme,adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement :

à son article 1 qui prévoit que« chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, depromouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et deslibertés fondamentales aux niveaux national et international »,

à son article 12.2 qui dispose que« l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que lesautorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou enassociation avec d’autres, de toute violence, menace, représailles,discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans lecadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présenteDéclaration » ;

v. Assurer en toutescirconstances le respect des droits humains et des libertés fondamentales, enaccord avec les standards internationaux relatifs aux droits humains et auxinstruments internationaux ratifiés par le Bangladesh.

Adresses :

• Ms. Sheikh Hasina,Prime Minister, Office of the Prime Minister, Gona Bhaban, Old Sangsad Bhaban,Tejgaon, Dhaka, Bangladesh. Fax : +880 2 8113243, Email :info@pmo.gov.bd

• Mr. MuhiuddinKhan Alamgir, Minister for Home Affairs, Ministry of Home Affairs, BangladeshSecretariat Building 4, Dhaka, Bangladesh, Email :mkalamgir@yahoo.com ; minister@mha.gov.bd ;

• Barrister ShafiqueAhmed, Minister for Law, Justice and Parliamentary Affairs, Ministry of Law,Justice and Parliamentary Affairs, Bangladesh Secretariat, Dhaka, Bangladesh,Email : info@minlaw.gov.bd

• Mr. Hasanul HaqInu, Honourable Minister, Ministry of Information, Building # 4 (8th floor),Bangladesh Secretariat, Dhaka-1000, Bangladesh. E-mail :minister@moi.gov.bd

• Mr. HasanMahmud Khandaker, Inspector General of Police, Police Headquarters, PhoenixRoad, Dhaka-1000, Bangladesh, Email : ig@police.gov.bd

• H.E. Mr. AbdulHannan, Ambassador, Permanent Mission of the People’s Republic of Bangladesh tothe United Nations in Geneva, 65 rue de Lausanne, 1202 Geneva, Switzerland,Fax : +41 22 738 46 16, E-mail : mission.bangladesh@ties.itu.int

• Embassy of thePeople’s Republic of Bangladesh in Brussels, 29-31 rue J. Jordaens, 1000Brussels, Belgium, Fax : +32 2 646 59 98 ; Email :bdootbrussels@skynet.be

Veuillez égalementécrire aux missions diplomatiques ou aux ambassades du Bangladesh dans vos paysrespectifs, ainsi qu’aux missions diplomatiques ou ambassades européennes auBangladesh.

***

Genève-Paris, 16 août2013

Merci de bien vouloirinformer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code decet appel.

L’Observatoire,programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs desdroits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussiconcrète que possible.

Pour contacterl’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

• E-mail :Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax OMCT + 41(0) 22 809 49 39 / + 41 22 809 49 29

· Tel et fax FIDH + 33(0) 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80

Notes

[1] M. Adilur Rahman Khan a également été Procureurgénéral adjoint du Bangladesh sous l’ancien gouvernement d’alliance des quatrepartis

[2] Si M. Khan avait pu bénéficier d’une celluleindividuelle, il aurait eu à sa disposition un lit, de quoi écrire, une lampede chevet, une chaise et une table, selon le chapitre 35 du Code pénitencier

[3] Voir par exemple l’Appel urgent de l’Observatoire BGD 001/ 0311 / OBS 039, issu le 22 mars 2011