Burundi
01.12.09
Interventions urgentes

Obstacles à la liberté d'association du FORSC et de quatre autres ONG

BDI 002 / 1209 / OBS 176
Obstacles à la liberté d'association / Menaces de mort

Burundi

1er décembre 2009

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Burundi.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par la Ligue burundaise des droits de l’Homme "Iteka" de la publication d'une Ordonnance du ministère de l'Intérieur annulant l'agrément de l'association Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), une plateforme composée de 146 organisations de la société civile, de menaces de mort à l'encontre de son président, M. Pacifique Ninihazwe, ainsi que des obstacles à la liberté d’association de cinq ONG burundaises.

Selon les informations reçues, le 23 novembre 2009, le ministère de l'Intérieur du Burundi a publié l'Ordonnance n°530/1499 « portant annulation de l'Ordonnance n°530/514 du 26/05/2006 portant agrément de l'association sans but lucratif dénommée Forum pour le renforcement de la société civile "FORSC" ». Par conséquent, le FORSC est désormais considérée comme une organisation illégale.

Le ministère de l'Intérieur a motivé cette décision par le fait que le FORSC était constitué d'associations dont l'agrément n'était pas de sa compétence, mais de celle du "ministre de la Fonction publique, du Travail, de la Sécurité sociale [...] et de la Justice".

L'Observatoire craint que cet argument ne soit qu'un prétexte destiné à entraver les activités des défenseurs burundais, ce d’autant plus que cette entrave à la liberté d'association intervient à la suite de la convocation, le 18 novembre 2009, de représentants de cinq associations, à savoir le FORSC, la Ligue "Iteka", l'Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), l'Observatoire de l'action gouvernementale (OAG) et l'Association pour la protection des droits de l’Homme et des prisonniers (APRODHI), par le ministre de l'Intérieur, qui a menacé de prendre des « mesures » contre ces organisations. Ces « mesures », qui s'apparentent à des menaces, font suite à la publication d'une lettre ouverte adressée par ces organisations le 18 novembre au Président de la République, afin de dénoncer la « diabolisation insoutenable » d'organisations de la société civile à laquelle se livreraient « certaines hautes autorités administratives ».

L'Observatoire tient en outre à souligner que cet obstacle aux activités du FORSC s'inscrit dans un contexte dans lequel son président, M. Pacifique Ninihazwe, a été victime, le 21 novembre 2009, de menaces de mort anonymes par téléphone. A la mi-novembre 2009, M. Pacifique Ninhazwe avait également fait l'objet de surveillance devant son domicile par une voiture et des individus non identifiés pendant deux jours, lesquels faits étaient également dénoncés dans la lettre ouverte susmentionnée. D'après nos informations, M. Ninihazwe serait depuis entré en clandestinité par crainte pour son intégrité physique.

Par ailleurs, selon les informations reçues, le 19 novembre 2009 vers 19 heures, des membres de l'APRODHI ont aperçu plusieurs personnes qui sont restées un certain temps aux abords des locaux de l'association, avec l'objectif vraisemblable de surveiller les mouvements de ses membres.

Enfin, l'Observatoire rappelle qu'un autre défenseur des droits de l'Homme, M. Ernest Manirumva, vice-président de l’OLUCOME, avait reçu des menaces de mort avant d'être assassiné dans la nuit du 8 au 9 avril 2009 à son domicile de Bujumbura[1]. A ce jour, aucun des commanditaires de l'assassinat n'aurait été identifié.

L'Observatoire exprime sa plus vive préoccupation quant aux obstacles à la liberté d'association à l’encontre du FORSC, de la Ligue "Iteka", de l'OLUCOME, de l'OAG et de l'APRODHI, et quant aux menaces de mort à l'encontre de M. Pacifique Ninihazwe, et rappelle qu'au terme de l'article 12.2 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration ».

Actions demandées :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités burundaises en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Pacifique Ninihazwe, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l'Homme burundais ;
  2. Mener sans délai une enquête indépendante, effective, impartiale et transparente sur les menaces mentionnées ci-dessus ainsi que sur l’assassinat de M. Ernest Manirumva, et en rendre les résultats publics, ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal garantissant un procès équitable conformément aux principes de droit international et d’appliquer les sanctions prévues par la loi ;
  3. Mettre un terme immédiat à toute forme de menace, de harcèlement et d'entrave aux activités de défense des droits de l'Homme du FORSC, de la Ligue "Iteka", de l'OLUCOME, de l'OAG et de l'APRODHI, et de l’ensemble des membres de la société civile burundaise ;
  4. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, et plus particulièrement à son article 1 qui prévoit que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, son article 6(b), selon lequel “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales”, et son article 12.2 susmentionné ;
  5. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Burundi.

Adresses :

  • M. Yves Sahinguvu, Premier Vice-président, BP 1870, Bujumbura, Burundi. Fax: +257 22226424
  • Lt Général Germain Niyoyankana, Ministre de la Défense nationale et des anciens combattants, Fax: +257 22253215 / 22253218, Email: mdnac@yahoo.fr
  • M. Rose Nduwayo, Vice-ministre des Droits de la personne et du genre, BP : 6518 Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 25 82 50, Email :vmdphg@yahoo.fr
  • M. Mupira Pierre, Ministre de l’Intérieur et du développement communal, BP : 1910 Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 24 53 51, Email : mininter@yahoo.fr
  • M. Alain Guillaume Bunyoni, Ministre de la Sécurité publique, BP : 7413 Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 25 82 62
  • M. Pierre Barusasiyeko, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Burundi auprès des Nations unies, rue de Lausanne 44, 1201 Genève, Suisse. Fax : +41 22 732 77 34. Email: mission.burundi@bluewin.ch
  • M. Laurent Kavakure, Ambassade du Burundi à Bruxelles, Square Marie-Louise 46, 1000 Bruxelles, Belgique. Fax: +32 2 230 78 83, Email: ambassade.burundi@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Burundi dans vos pays respectifs.

Paris - Genève, le 1er décembre 2009

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

  • E-mail : Appeals@fidh-omct.org
  • Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
  • Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. appel urgent BDI 001 / 0409 / OBS 061, diffusé le 14 avril 2009.