Burundi
18.12.06
Interventions urgentes

Poursuite de la détention de M. Gabriel Rufyiri / Harcèlement à l'encontre des membres du OLUCOME

Nouvelles informations
BDI 001 / 1206 / OBS 150
Poursuites judiciaires / Détention /
Menaces / harcèlement
Burundi

18 décembre 2006

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence à propos de la situation suivante au Burundi.

Description des faits:

L’Observatoire a été informé par des sources fiables du maintien en détention de M. Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), détenu depuis le 16 août 2006 à la prison centrale de Mpimba, à Bujumbura (cf. lettre ouverte de l’Observatoire du 31 août 2006).

Selon les informations reçues, l’arrestation de M. Rufyiri a fait suite à une plainte pour diffamation déposée par M. Hilaire Ndayizamba, membre influent du parti au pouvoir et homme d’affaire dont la responsabilité a été mise en cause en juin 2006 par l’OLUCOME, concernant des malversations dans le cadre d’un marché de vente d’huile de palme à la police nationale.

Le 23 août 2006, le tribunal de première instance a ordonné la mise en liberté provisoire de M. Rufyiri, déclarant ainsi son maintien en détention illégal. Le procureur général a immédiatement interjeté appel de cette décision.

Le 22 septembre 2006, la cour d’appel a retenu un nouveau chef d’accusation, pour “imputations dommageables” à l’encontre de M. Rufyiri, avant de confirmer son maintien en détention, le 25 septembre 2006. A ce jour, aucune date d’audience n’a été fixée.

Par ailleurs, depuis la mise en détention de M. Rufyiri, les membres de l’OLUCOME, et notamment du comité exécutif de l’organisation, font l’objet d’appels anonymes récurrents, lors desquels ils sont menacés de mort, ainsi que leurs familles, s’ils ne mettent pas un terme à leurs activités. Par crainte pour leur sécurité, les personnes menacées ont préféré conserver l’anonymat.

Depuis mai 2006, l’OLUCOME et ses membres ont fait l’objet d’actes de harcèlement accrus de la part des autorités et de groupes d’intérêts locaux.

Ainsi, le 29 mai 2006, les locaux de l’association à Bujumbura ont été pris d’assaut par une trentaine d’hommes menés par M. Salvatore Nkuriragenda, notamment connu pour être l’intermédiaire de plusieurs hommes d’affaire burundais suspectés de corruption. Les assaillants ont séquestré les membres présents d’OLUCOME, et violemment battu M. André Misago, secrétaire comptable de l’association. M. Nkuriragenda a ensuite donné une conférence de presse, au cours de laquelle il a appelé à la cessation des activités de l’OLUCOME, considérées comme « gênantes ». Les membres présents de l’organisation ont prévenu la police, qui, une fois sur les lieux, a interpellé deux des hommes qui avaient participé à l’attaque. Ces deux personnes ont cependant été remises en liberté le jour même.

Le jour même, l’OLUCOME a porté plainte contre la séquestration de ses membres et les coups et blessures infligés à M. Misago, et a demandé la protection des autorités burundaises. A ce jour, aucune suite n’a cependant été donnée à ces démarches.

Les jours suivants, l’association a reçu plusieurs lettres de menaces provenant du ministère de l’Intérieur, l’accusant notamment de se substituer à l’Inspection générale de l’Etat, de partialité dans le traitement de ses dossiers, et lui interdisant de rendre public les résultats de ses investigations.

De plus, début juin 2006, les membres de l’OLUCOME à Bujumbura ont organisé une campagne de sensibilisation de la population à la lutte contre la corruption. A cette occasion, plusieurs membres ont été arrêtés, accusés de diffuser de fausses informations et des messages calomnieux, et détenus durant plusieurs heures par la police spéciale de recherche. Ils ont ensuite été libérés sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre eux, l’OLUCOME ayant fait valoir qu’elle avait obtenu l’autorisation officielle des autorités municipales de mener cette campagne.

Par ailleurs, le 12 juin 2006, l’OLUCOME a été informé par voie notariale qu’une assemblée générale avait été convoquée par des personnes non membres de l’association, et qu’un procès-verbal avait été dressé, visant à remplacer les membres du comité exécutif. Ce « faux » comité exécutif était composé de proches du gouvernement et de membres du parti au pouvoir. Toutefois, l’OLUCOME ayant démontré l’illégalité de cette élection, le notaire a annulé l’acte de certification du procès-verbal, le 14 juin 2006.

Enfin, le 3 octobre 2006, le secrétaire général de l’OLUCOME a été convoqué par les services du parquet de la République. A la suite de cette convocation, il a reçu, ainsi que sa famille, plusieurs appels anonymes le menaçant de mort, et a dû entrer dans la clandestinité.

L’Observatoire exprime sa vive préoccupation au regard de ces faits, qui s’inscrivent dans un contexte de harcèlement accru à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme au Burundi. Depuis le début de l’année 2006, plusieurs d’entre eux ont en effet été menacés et arrêtés (cf. lettre ouverte de l’Observatoire du 31 août 2006). Ainsi, en août 2006, le secrétariat du Centre indépendant de recherches et d’initiatives pour le dialogue (CIRID), basé à Bujumbura, a reçu plusieurs menaces anonymes par téléphone, dont des menaces de mort envers son président, M. Déo Hakizimana. Par ailleurs, M. Térence Nahimana, président de l’association Cercles d’initiative pour une vision commune (CIVIC), est emprisonné depuis le 10 mai 2006. Accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat, M. Nahimana a comparu pour la première fois devant le tribunal de première instance en mairie de Bujumbura le 23 novembre 2006, date à laquelle le verdict a été mis en délibéré. Aucune date d’audience n’a à ce jour été fixée.

Actions requises :


L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de RCA et de leur demander de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Gabriel Rufyiri, André Misago, Déo Hakizimana et Térence Nahimana, ainsi que celle de tous les membres de l’OLUCOME et de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Burundi;
  2. Procéder à la libération immédiate de MM. Gabriel Rufyiri, Déo Hakizimana et Térence Nahimana en raison du caractère arbitraire de leur détention ;
  3. Mener une enquête indépendante sur les menaces décrites ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi en vigueur ;
  4. Mettre un terme à toute forme de harcèlement et de représailles à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Burundi ;
  5. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, et son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;
  6. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Burundi.

Adresses :

  • M. Pierre Nkurunziza, Président de la République, Boulevard de l’Uprona, Rohero I, BP 1870, Bujumbura, Burundi Fax : +257 22 74 90
  • M. le Procureur Général de la République, Parquet Général, BP 105, Bujumbura, Burundi
  • Monsieur Karenga Ramadhani, Ministre de l’Information, de la Communication, des Relations avec le Parlement et Porte-Parole du Gouvernement, 2e Bdg de l’INSS, Chaussée Prince Rwagasore, BP 1080, Bujumbura, Burundi ; Fax : + 257 22 17 66/ 21 63 18
  • Ambassade de la République du Burundi auprès des Nations Unies, rue de Lausanne 44, 1201 Genève, Suisse. Fax : 0041 22 732 77 34. E-mail : mission.burundi@bluewin.ch
  • Ambassade de la République du Burundi, Square Marie-Louise 46, 1000 Bruxelles, Belgique, Fax : 02.230.78.83 ; Email : ambassade.burundi@skynet.be

****

Paris - Genève, le 18 décembre 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29