République démocratique du Congo
01.06.12
Interventions urgentes

Lettre ouverte au Ministre de la Justice: le procès en appel des assassins de M. Floribert Chebeya et M. Fidèle Bazana doit se tenir


OMCT Secretary General

Secrétaire Général de l’OMCT

Secretario General de la OMCT

Gerald Staberock

Executive Council

Conseil Exécutif

Consejo Ejecutivo

President

Président

Presidente

Yves Berthelot

Vice Presidents

Vice-Présidents

Vicepresidentes

Dick Marty

José Domingo Dougan Beaca

Treasurer

Trésorier

Tesorero

Anthony Travis

Members

Membres

Miembros

Aminata Dieye

Kamel Jendoubi

Tinatin Khidasheli

Jahel Quiroga Carrillo

Henri Tiphagne

Lettre ouverte à Madame WivineMUMBA MATIPA,

Ministre de la Justiceet des Droits Humains

République Démocratiquedu Congo

Genève, le 1erjuin 2012

Objet : procès en appelconcernant l’assassinat de M. Floribert Chebeya Bahizire et de M. Fidèle Bazana Edadi

Chère Madame la Ministre,

L’OrganisationMondiale contre la Torture (OMCT), par la voix de tous les soussignés, membresde son Assemblée Générale (AG), tient à exprimer sa vive inquiétude concernantl’absence de progrès dans le procès des assassins de M. Floribert ChebeyaBahizire et de M. Fidèle Bazana Edadi.

Dansla nuit du 1er au 2 juin 2010, M. Floribert Chebaya Bahizire, un des défenseursdes droits de l’homme les plus respectés dans le pays et sur tout le continent,Directeur exécutif de l’organisation des droits de l’homme la Voix des sansVoix (VSV) et, comme nous tous, membre de l’AG de l’OMCT, était assassinéet son corps retrouvé près de son domicile. Son chauffeur, M. Fidèle Bazana,membre de VSV, était également tué mais son corps n’a jamais été retrouvé.

Entant qu’Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques (PIDCP), les autorités de la République Démocratique du Congo ontl’obligation de mener une enquête impartiale et exhaustive sur ce doubleassassinat et de traduire en justice tous ses responsables.

Enmars 2011, l’OMCT, conjointement avec la Fédération internationale des Droitsde l’Homme (FIDH), son partenaire dans le programme conjoint l’Observatoirepour les Défenseurs des Droits de l’Homme, mandatait une missiond’observation judiciaire sous la conduite d’un avocat au barreau de Paris. Lesrésultats de cette mission démontraient que la procédure judiciaire avait étéentachée de nombreux dysfonctionnements qui empêchaient la justice d’établirles responsabilités dans l’assassinat de notre cher collègue et ami. Parmi cesdysfonctionnements figuraient la non-comparution des personnes suivantes:

- legénéral John Numbi, suspecté d’être le commanditaire des crimes (sa seulecomparution était à titre de témoin) et ne figurant pas sur la liste desprévenus, alors que son implication ne faisait aucun doute. L’absence de toutediscussion concernant son arrestation éventuelle avait sérieusement mis endoute l’indépendance de la justice dans cette affaire. La responsabilité pénaledu général Numbi n’avait pas pu être invoquée au motif que les hauts gradéspeuvent comparaître uniquement devant la Haute Cour Militaire ;

- M.Henry Nkulu Mutale, commissaire principal du bataillon Simba qui ne répondaitqu’au général Numbi ;

- M.Jean De Dieu Oleko, général et chef de la police. Dans ce cas également, lesdemandes d’inculpation et de comparution de la part des parties civiles avaientété refusées au motif qu’un général ne peut être inculpé que par la Haute CourMilitaire.

Dansses recommandations, le rapport de mission appelait les autorités à :

- ré-ouvrirl’enquête sur ce double assassinat ;

- assurerl’indépendance, l’exhaustivité et l’impartialité de la procédure judicaireconcernant ces deux assassinats afin de traduire en justice et juger lesresponsables devant un tribunal compétent, indépendant et impartial ;

- appliquerles sanctions pénales, civiles et/ou administratives adéquates en conformitéavec la loi ;

Le23 juin 2011, la Cour militaire de Kinshasa-Gombe rendait son verdict etcondamnait cinq des huit policiers prévenus – dont quatre à la peine capitale –et un à la prison à perpétuité. Trois autres prévenus étaient acquittés. L’OMCTdéplorait alors l’incapacité de la justice congolaise à établir l’ensemble desresponsabilités et à faire toute la lumière sur ce double assassinat, notammentsur les circonstances exactes de la mort de M. Chebeya et le sort de M. Bazana.En outre, l’OMCT rappelait que trois des condamnés à mort étaient toujours enfuite, et que trois policiers impliqués dans la disparition de preuves avaientété acquittés. Elle soulignait d’autre part son opposition au recours à lapeine de mort prononcée par la Cour Militaire, châtiment réprouvé par le droitinternational comme une pratique inhumaine et dégradante. Le 28 juin 2011, lesparties civiles interjetaient appel pour « mal jugé ».

L’OMCTrappelle qu’en vertu du droit international, « toute personne déclaréecoupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridictionsupérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à laloi » (art. 14.5 du PIDCP). En outre, les autorités ont l’obligation derespecter le droit de toute personne à « être jugée sans retardexcessif » (art.14.3c du PIDCP). La République Démocratique du Congo estpartie au PIDCP et a donc l’obligation de se conformer à ces dispositions et degarantir la tenue du procès en appel dans un délai raisonnable. Or onze mois sesont écoulés depuis le recours des parties civiles, la Haute Cour Militaire n’atoujours pas fixé de date pour la reprise du procès en appel et aucune actionn’a été entreprise pour approfondir l’enquête ou corriger ses manquements.

Entant que membre de l’Assemblée Générale de l’OMCT, nous déplorons le silence etl’inaction de la Haute Cour Militaire à cet égard. Nous exprimons notreprofonde inquiétude face à l’absence de progrès dans la révision du procès dece double assassinat – révision qui a l’obligation de finalement faire toute lalumière sur cette affaire et corriger les nombreux dysfonctionnements qui ontentaché le procès en première instance, dont notamment la non-comparution enjustice de plusieurs suspects de première importance, et l’incapacité de lajustice à clarifier les circonstances exactes de la mort de M. Chebeya et deproduire le corps de M. Bazana.

Conscientsque l’absence de progrès dans la reprise d’un procès en appel constitue unegrave atteinte aux droits des victimes, l’OMCT a consacré son AssembléeGénérale à M. Floribert Chebeya et à M. Bazana. Nous, soussignés membres del’Assemblée Générale de l’OMCT, collègues et amis de M. Chebeya, et au nom del’organisation des droits de l’homme que nous avons l’honneur de soutenir etdont la réputation internationale est établie de longue date, demandonsinstamment à Votre Excellence d’assurer le respect des obligationsinternationales de la République Démocratique du Congo et de garantirl’application des normes internationales en matière de droits de l’homme, et enparticulier celles relatives au droit à la révision d’un procès par unejuridiction supérieure, et au droit de toute personne à être jugée sans retardexcessif.

Noussoulignons l’obligation de la République Démocratique du Congo de mener uneenquête exhaustive et impartiale dans cette affaire et de traduire en justicetous les responsables. Seule une telle démarche est à même d’éviter que cedouble crime ne favorise l’établissement d’une culture de l’impunité dans lepays. La justice a le devoir de garantir le droit des victimes à un recours,qui inclut le droit à une réparation adéquate, et de garantir la non-répétitionde telles violations des droits de l’homme dans le futur. Les autorités de laRépublique Démocratique du Congo doivent prendre les mesures législatives etadministratives appropriées, ainsi que d’autres mesures nécessaires, pourprévenir les violations et garantir les droits des défenseurs des droits del’homme dans tout le pays.

Veuillez agréer, Madamela Ministre, les assurances de notre très haute considération.

gerald

BERTHELOT Yves STABEROCK Gérald

Président Secrétaire Général

Membres de l’Assemblée Générale


ABU AL-ZULOF George

ALAYZA Ernesto

ARRIAGA Luis

BENABDESSELAM Abdel-ilah

BODNAR Adam

De MESA Teodoro Max

DIALLO Oumar

DIEYE Aminata

DIMITRAS Panayote

DOEK E. Jaap

DOUGAN BEACA José D

GHAEMI Hadi

GOMEZ ZULUAGA Alberto

GROVER Vrinda

HARRIS Theresa

KHIDASHELI Tinatin

MARTY Dick

MASIKA BIHAMBA Justine

MEDRANO Celia

MESSAOUD Boubacar

MOHOCHI MUKIRA Samwel

O’CONNOR Florizelle

O’FLAHERTY Michael

QUIROGA CARRILLO Jahel

RAHMAN KHAN Adilur

SADOVSKAYA Olga

SAMAYOA Claudia

SHIRAISHI Osamu

TIPHAGNE Henri

TRAVIS Anthony

YUNUS Leyla