République démocratique du Congo: condamnation et détention arbitraire de Jedidia Mabela, membre de la LUCHA à Kisangani

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE
COD 003 / 1025 / OBS 062
Condamnation /
Harcèlement judiciaire /
Détention arbitraire
République démocratique du Congo
6 octobre 2025
L’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir dans la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).
Description de la situation :
L’Observatoire a été informé de la condamnation et de la détention arbitraire de M. Jedidia Mabela, membre du mouvement citoyen LUCHA (Lutte pour la Changement) et directeur exécutif de l’organisation Actions pour la justice, le développement et les droits humains (AJDDH) à Kisangani, province de la Tshopo, dans le nord-est de la RDC.
Le 1er octobre 2025, M. Jedidia Mabela a été arrêté par des éléments de la Police nationale congolaise alors qu’il était dans son bureau, et ensuite conduit au Parquet général de Kisangani. Lors d’une audience au Tribunal de paix de Kisangani Makiso, qui a duré quelques minutes à peine, il a été placé sous mandat de dépôt et conduit le jour même à la prison centrale de Kisangani, où il reste détenu à l’heure de publication de cet appel urgent.
Le 2 octobre 2025, le Tribunal de paix de Kisangani Makiso a condamné M. Jedidia Mabela à six mois de prison ferme pour « propagation de faux bruits » et « imputation dommageable » (respectivement articles 199 et 74 du Code pénal congolais), suite à des dénonciations publiques concernant l’organisation à Kisangani de deux concerts de la chanteuse Rebo qui auraient été financés et soutenus par le gouvernement provincial de la Tshopo. Dans ses déclarations sur les réseaux sociaux, M. Mabela exigeait une gestion transparente et orientée vers l’intérêt général, dans un contexte où la population locale manque d’électricité, d’eau potable, de routes, etc. Selon le plaignant, chargé de missions du Gouverneur de la Tshopo, les propos de M. Mabela auraient porté atteinte à l’image des autorités. M. Jedidia Mabela a également été condamné à payer une amende de 1 500 000 de francs congolais (environ 500 Euros) en dommages et intérêts pour le Gouverneur de la Tshopo.
Le 30 septembre 2025, jour de rentrée parlementaire, des organisations de la société civile de Kisangani, y compris les mouvements citoyens LUCHA et Filimbi, avaient effectué un sit-in devant l’Assemblée provinciale de la Tshopo à Kisangani, et remis un mémorandum aux autorités provinciales, dénonçant la mauvaise gouvernance et des détournements de fonds publics, et exigeant un contrôle parlementaire plus rigoureux de la part des autorités provinciales. M. Mabela avait participé à cette manifestation pacifique, qui a été réprimée par la police. Certains membres de la LUCHA, comme Lambert Bakonda, ont par ailleurs été blessés suite à l’usage excessif de la force par les forces de sécurité.
L’Observatoire rappelle que ces actes se produisent dans un contexte d’attaques systématiques contre les défenseur·es des droits humains et de restriction manifeste de l’espace civique en RDC, en particulier depuis l’accession à un second mandat du président Félix Tshisekedi en décembre 2023. La situation des journalistes et défenseur·es des droits humains s’est par ailleurs gravement détériorée depuis janvier 2025, avec l’intensification du conflit à l’est du pays entre le M23, soutenu par l’armée rwandaise selon les Nations unies, et l’armée régulière de la RDC (FARDC) et ses alliés. Les groupes armés rebelles et le gouvernement congolais réduisent au silence les voix qui dénoncent les abus et violations des droits humains dans les territoires occupés par le M23 comme dans le reste du pays. Le rapport final de la mission d’établissement des faits des Nations unies sur les provinces du Nord et Sud-Kivu de la RDC qualifie même ces attaques contre la société civile de “suppression de l’espace civique”.
L’Observatoire exprime sa vive inquiétude face à la condamnation et la détention arbitraire de M. Jedidia Mabela, qui ne semblent viser qu’à restreindre sa liberté d’expression et l’exercice légitime de son travail de défense des droits humains.
L’Observatoire appelle les autorités congolaises à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité physique et le bien-être psychologique de M. Jedidia Mabela, ainsi qu’à le libérer immédiatement et de façon inconditionnelle.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :
- Garantir en toutes circonstances la sécurité, l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Jedidia Mabela et de tou·tes les défenseur·es des droits humains en RDC, et veiller à ce qu’ils et elles puissent exercer leurs activités sans entraves ni peur de représailles ;
- Libérer immédiatement et de façon inconditionnelle M. Jedidia Mabela ainsi que tou·tes les défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es dans le pays ;
- Mettre fin à toute forme de harcèlement – y compris au niveau judiciaire – à l’encontre de M. Jedidia Mabela et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains en RDC ;
- Garantir en toutes circonstances les droits à la liberté d’expression dans le pays, tels que consacrés par le droit international des droits humains, et en particulier par l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, et à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- Respecter en toutes circonstances les dispositions de la loi n° 23/027 du 15 juin 2023 relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l’Homme en RDC, notamment ses articles 13, relatif au droit d’informer sur les violations des droits humains, 14 et 18 relatifs à la protection des défenseur·es, et 15 relatif à la punition des violations commises à l’égard des défenseur·es.
Adresses :
- S.E. M. Félix Tshisekedi, Président de la République, E-mail : cabinet@presidentrdc.cd, X : @FelixUdps ;
- Mme Judith Suminwa Tuluka, Première ministre, E-mail : cabinet@primature.cd, X: @SuminwaJudith ;
- M. Guillaume Ngefa, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, E-mail : minjustdh@gmail.com, X : @NgefaGuillaume ;
- M. Samuel Mbemba Kabuya, Ministre des droits humains, E-mail : min-droitshumains@yahoo.fr, X : @SamuelMbemba4;
- M. Élie-Léon Ndomba Kabeya, Premier président de la Cour de cassation, E-mail : premier-president-ndomba@cassation.cd, X : @ndomba_elie ;
- M. Firmin Mvonde, Procureur Général près la Cour de cassation; E-mail : pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com ;
- M. Paul Empole, Ambassadeur, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies à Genève, Suisse, E-mail : missionrdc@bluewin.ch / drcgeneva15@gmail.com
- M. Christian Ndongala Nkuku, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, Belgique, E-mail : secretariat@ambardc.eu.
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République démocratique du Congo dans vos pays respectifs.
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Paris-Genève, le 6 octobre 2025
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
- E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
- Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
- Tel OMCT : + 41 79 539 41 06