Tchad
25.09.25
Interventions urgentes

Tchad : Déchéance de nationalité de MM. Nguebla Makaïla et Charfadine Galmaye Saleh

TCD 002 / 0925 / OBS 060
Déchéance de nationalité
Tchad
25 septembre 2025

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence concernant la situation suivante au Tchad.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de la déchéance de nationalité de M. Nguebla Makaïla et M. Charfadine Galmaye Saleh, deux voix critiques de l’actuel régime tchadien. Nguebla Makaïla est un blogueur et activiste connu pour sa dénonciation des violations des droits commises par les régimes successifs d’ Idriss Déby et de son fils, Mahamat Idriss Déby. Fervent défenseur de la démocratie au Tchad, il a dû s’exiler à diverses reprises, avant de rentrer au Tchad en décembre 2021, et d’être nommé, en mars 2022, conseiller aux droits humains à la Présidence de la République suite à la politique de «main tendue» de Monsieur Mahamat Idriss Déby, qui était alors Président du Conseil militaire de transition (CMT). En raison de désaccords avec le régime sur la question des droits humains, notamment à la suite des massacres des manifestations pacifiques du 20 octobre 2022, il est de nouveau forcé à l’exil en 2024, vers la France. Charfadine Galmaye est un journaliste et analyste également exilé en France, depuis 10 ans. Depuis 2015, il est rédacteur en chef de TchadOne, un média en ligne reconnu comme l’un des plus influents du paysage médiatique tchadien, où il mène enquêtes et analyses critiques sur la vie politique, la gouvernance, les violations des droits et les enjeux stratégiques du pays.

Le 17 septembre 2025, le ministre tchadien de l’Administration du territoire et de la décentralisation a, par un décret, prononcé la déchéance de nationalité de MM. Nguebla Makaïla et Charfardine Galmaye Saleh, pour « intelligence avec les puissances étrangères » et « activités incompatibles avec la qualité de citoyen tchadien ».

L’Observatoire condamne fermement la déchéance de nationalité prononcée à l’encontre de MM. Nguebla Makaïla et Charfardine Galmaye Saleh, qui ne semble viser qu’à les punir pour leurs activités légitimes de défense des droits humains, notamment l’exercice de leur liberté d’expression.

L’Observatoire constate que le code de nationalité tchadienne ne prévoit pas la déchéance de nationalité pour les tchadiens d'origine sauf pour ceux qui ont acquis la nationalité tchadienne. Cette mesure est donc illégale pour MM. N’guebla Makaïla et Charfardine Galmaye Saleh, et les expose à l’apatridie. De même elle contrevient à la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 15), ainsi qu’à différentes conventions internationales et régionales reconnaissant le droit de toute personne à une nationalité auxquelles le Tchad est partie, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 24), la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (article 3 du protocole additionnel relatif aux aspects spécifiques du droit à une nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique). Cette mesure de représailles à l’égard des deux défenseurs des droits humains est également entendue comme une violation des droits à la liberté d’opinion, d’expression, de presse, d’association et de réunion, pourtant garantis par l’article 28 de la Constitution tchadienne du 29 décembre 2024.

Cette mesure s’inscrit dans une dynamique plus large de répression et de criminalisation de la société civile et de toute voix dissidente qui prévaut depuis plusieurs années au Tchad. Depuis l’accession au pouvoir, par un coup d’État, de Mahamat Idriss Déby, et malgré le retour à l’ordre constitutionnel en mai 2024 suite à la période de transition, l’espace civique n’a cessé de se rétrécir, notamment à travers la multiplication de poursuites-bâillon, la surveillance accrue de la société civile, et désormais les déchéances de nationalité. L’Observatoire avait par ailleurs, dans son rapport intitulé « Espace civique et défenseur.es des droits humains au Sahel : convergence régionale des pratiques de répression » sorti en février 2025, mis en évidence la mise en place, par le régime tchadien au cours de ces dernières années, de techniques de répression telle que l’utilisation généralisée des arrestations et détentions arbitraires, afin de réduire au silence toute voix dissidente.

La dynamique actuelle de révisions constitutionnelles, qui intervient moins d’un an après l’adoption d’une nouvelle Constitution et qui vise à allonger le mandat présidentiel, alimente un climat de représailles contre les organisations de la société civile et les défenseur.es des droits qui s’y opposent publiquement. En 2022, le Comité des Nations unies contre la torture a exhorté le Tchad à protéger effectivement défenseur.es des droits humains, opposant.es, société civile et journalistes contre toute intimidation, violence, privation arbitraire de liberté, poursuites abusives, torture, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires liées à leurs activités.

L’Observatoire appelle les autorités tchadiennes à révoquer immédiatement la déchéance de nationalité prononcée à l’encontre de Nguebla Makaïla et Charfardine Galmaye Saleh, ainsi qu’à s’assurer que les défenseur·es des droits humains, les opposant·es politiques, les représentant·es de la société civile et les journalistes soient protégé·es contre toutes les formes d’intimidations, de harcèlements, d’arrestations et de détentions arbitraires, auxquelles ils et elles pourraient être exposé·es en raison de leurs activités légitimes de défense des droits.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tchadiennes en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de MM. Nguebla Makaïla et Charfardine Galmaye Saleh, et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Tchad
  2. Révoquer immédiatement la déchéance de nationalité prononcée à l’encontre de MM. Nguebla Makaïla et Charfardine Galmaye Saleh ;
  3. Cesser de cibler les défenseur.es des droits humains et garantir en toutes circonstances qu'ils et elles puissent mener leurs activités légitimes en faveur des droits humains sans entraves ni crainte de représailles ; et
  4. Adopter une loi portant protection des défenseur·es des droits humains au Tchad.

Adresses :

  • S.E. Mahamat Idriss Déby Itno, Président de la République, Email : contact@presidence.td, X : @GmahamatIdi
  • M. Allamaye Halina, Premier Ministre, X : @AllamayeHalina
  • M. Adberahim Bireme Hamid, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice chargé des Droits humains, Email : contact@minjustchad.org
  • M. Sénoussi Hassana Abdoulaye, Maire de N’Djamena, Email : contact@mairiedendjamena.com
  • Gen. Ismaël Souleymane Lony, Directeur général de l’Agence nationale de sécurité de l’État, Tél : +00 235 66 000121
  • Mission permanente de la République du Tchad auprès du Royaume de Belgique, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume-Uni et Représentation permanente auprès de l’Union européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique, Email : contact@ambassadedutchad.be
  • S.E. Bachar Brahim Adoum, Ambassadeur, Représentant permanent du Tchad auprès des Nations unies à Genève, Email : info@missiontchad-geneve.ch

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Tchad dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 25 septembre 2025

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :

E-mail : alert@observatoryfordefenders.org

Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18

Tel OMCT : + 41 79 539 41 06