République démocratique du Congo
14.09.12
Interventions urgentes

Affaire Chebeya: une décision clé reportée

COMMUNIQUÉDE PRESSE - L'OBSERVATOIRE

RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUE DU CONGO :

UNE DÉCISION CLÉDANS L' « AFFAIRE CHEBEYA » REPORTÉE APRÈS LA TENUE DU SOMMET DE LA FRANCOPHONIE

Paris-Genève, le 14 septembre 2012. L'Observatoirepour la protection des défenseurs des droits de l'homme, un programme conjointde la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et del'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), déplore la décision de laHaute cour militaire de reporter la décision sur la comparution du principalsuspect dans l'assassinat de deux défenseurs des droits de l'Homme le 2 juin2010.

Le 10 septembre 2012, la Haute Cour Militaire adécidé de reporter au 23 octobre 2012 la prochaine audience du procès en appeldans l'affaire de l'assassinat de M. Floribert Chebaya Bazire, directeurexécutif de l'organisation La Voix des sans voix (VSV) et membre de l’Assembléegénérale de l’OMCT, et de M. Fidèle Bazana Edadi, membre de la VSV. La Courmilitaire devait se prononcer sur la requête formulée par les avocats desparties civiles visant à faire comparaître en tant que prévenu le principalsuspect de ces crimes, à savoir le général John Numbi Banza Tambo, inspecteurgénéral de la police nationale congolaise (IG/PNC).

Alors que cette requête est instruite depuis le19 juin 2012, la cour a décidé de rendre sa décision publique le 23 octobre2012, c’est-à-dire à une date ultérieure au sommet de la Francophonie, qui doitde tenir à Kinshasa du 12 au 14 octobre. L'Observatoire s'inquiète d'autantplus des suites qui seront données à cette requête qu'il craint que ce reportne vise qu’à s'assurer que la question de ce crime qui reste toujours impunin'occupe pas sa place dans les débats qui auront lieu à cette occasion.

« Il est fort regrettable que cette décisionsi importante pour les familles des victimes soit reportée par les autoritésjudiciaires selon, semble-t-il, des considérations politiques. Cette décisionnourrit les critiques sur les ingérences de l'exécutif dans cette procédure judiciaire,en violation des dispositions de la Constitution de la RDC et des conventionsinternationales de protection des droits de l'Homme ratifiées par lepays », a ainsi déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Il y a plus de deux ans,le 23 juin 2011, la Cour militaire de Kinshasa-Gombe reconnaissait laresponsabilité civile de l'Etat congolais dans l'assassinat M. Chebeya, ainsique dans l'enlèvement et la détention illégale de M. Bazana par plusieurs deses agents et condamnait cinq des huit policiers prévenus, dont quatre à lapeine capitale et un à la prison à perpétuité. La justice militaire n'a jamaispu examiner le rôle joué par le général John Numbi, alors que l'instruction del'Auditorat militaire avait permis d'envisager sa responsabilité en tantqu'instigateur de ces crimes. En effet, la Cour militaire avait argué qu'ellene pouvait faire comparaître un haut gradé.

L'Observatoire rappellequ’en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques(PIDCP) ratifié par le RDC, les autorités judiciaires ont l’obligation de menerune enquête exhaustive et impartiale sur ce double assassinat, et de traduireen justice tous ses responsables, quelles que soient leurs fonctions.L'Observatoire déplore donc une fois de plus que tous les éléments de l'affairen'aient pas été dûment examinés par la justice, réitère sa volonté de voir lajustice instruire le rôle joué par le général John Numbi, et appelle à nouveaules autorités à tout mettre en œuvre afin que le corps de M. Bazana soit renduà sa famille.

« Cette affaire est emblématique de la menace constante qui pèse surtous les défenseurs des droits de l'homme en RDC. Pour que de tels crimes ne serépètent pas, il faut mettre fin à cette situation d’impunité intolérable, et celan’aura lieu que si, la justice est rendue », a réaffirmé Gerald Staberock,secrétaire général de l'OMCT.

Rappel des faits :

Dans la nuit du 1er au 2juin 2010, le corps de M. Chebeya, un des défenseurs des droits de l’Homme lesplus respectés dans le pays et sur tout le continent, était retrouvé dans savoiture à la sortie de Kinshasa. Le corps de son chauffeur, M. Bazana n’ajamais été retrouvé.

Une missiond’observation judiciaire sur le procès ouvert devant la Cour militaire,mandatée par l’Observatoire, avait révélé de nombreux dysfonctionnements dansla procédure judiciaire qui empêchaient la justice d’établir lesresponsabilités dans ce double assassinat. En effet, des hauts responsables dela police, dont le général John Numbi, suspecté d’être le commanditaire descrimes, ne figuraient pas sur la liste de prévenus. Leur responsabilité n’avaitpu être invoquée au motif que les hauts gradés ne pourraient comparaître quedevant la Haute cour militaire. Cette situation d’impunité avait jeté de sérieuxdoutes sur la pleine indépendance de la justice dans cette affaire. Le rapportde mission avait notamment appelé les autorités à ré-ouvrir l’enquête, assurerl’indépendance, l’exhaustivité et l’impartialité de la procédure judiciaire, età traduire en justice tous les responsables devant un tribunal compétent,indépendant et impartial.

En outre, l’Observatoirerappelait que trois des condamnés à mort étaient toujours en fuite, et quetrois policiers dont l'instruction avait pourtant révélé le rôle dans ladisparition d'éléments de preuve, étaient acquittés. L’Observatoire soulignaitd’autre part son opposition au recours à la peine de mort prononcée par la Courmilitaire, châtiment réprouvé par le droit international comme une pratiqueinhumaine et dégradante.

Pour plus d'informationssur l'affaire, voir le rapport d'Observation judiciaire publié parl'Observatoire le 24 juin 2011 : Il est disponible aux adresses suivantes:

FIDH : http://www.fidh.org/IMG/pdf/RapRDCVSVOBSjuin2011.pdf

OMCT : http://www.omct.org/fr/human-rights-defenders/reports-and-publications/congo-dem-republic/2011/06/d21312/

Pour plus d’informations, veuillez contacter:

· FIDH : Arthur Manet, + 33 1 43 55 25 18

· OMCT : Gerald Staberock + 41 22 809 49 23