Tunisie
01.06.05
Interventions urgentes

Tunisie: Campagne de diffamation contre Mme Sihem Bensedrine

COMMUNIQUE


Tunisie: Un des auteurs de la campagne de diffamation à l’encontre
de Mme Sihem Bensedrine est officiellement récompensé



Genève-Paris, le 1er juin 2005. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), exprime sa plus vive consternation au regard de la récompense attribuée à M. Abdelhamid Riahi, rédacteur en chef du quotidien al-Chourouk.

Le 27 mai 2005, à l’occasion de la Journée nationale de la culture, le Président tunisien M. Zine Al-Abidin Ben Ali a récompensé M. Riahi en le faisant officier de l’Ordre national du mérite culturel. Or ce journaliste n’est autre que l’un des auteurs d’articles injurieux, obscènes et diffamatoires publiés ces dernières semaines à l’encontre de Mme Sihem Bensedrine, porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et rédactrice en chef du journal en ligne Kalima.

Mme Bensedrine a en effet fait l’objet d’une campagne haineuse menée par plusieurs titres de la presse tunisienne, et en particulier al-Chourouk, al-Hadith, l’Observateur et as-Sarih. Ainsi, au lendemain d’une manifestation organisée par le CNLT et d’autres organisations indépendantes dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse les 6 et 7 mai 2005, ces journaux, relayés par des sites Internet, ont lancé cette campagne de diffamation. Au cours de cette manifestation, plusieurs déclarations avient été faites et plusieurs rapports publiés sur l’état de la liberté de la presse en Tunisie dont un rapport du CNLT dénonçant notamment, la désinformation orchestrée par certains journalistes tunisiens.

Mme Bensedrine est accusée dans ces articles, en des termes particulièrement injurieux, de traîtrise et de se vendre. Mme Bensedrine a ainsi été accusée, le 8 mai 2005, par le journaliste d’al-Chourouk, dont les propos ont ensuite été repris par d’autres, de vendre “sa conscience, son dos (et autres choses encore) aux étrangers en général et aux sionistes en particulier”. L’article paru dans al-Hadith le 11 mai 2005 la définit comme “une création diabolique”, débauchant des adolescents, “une machine enragée... une bombe à retardement... pour celui qui se rapproche de la clôture de son enfer ou celui qui essaie de frapper à la porte de sa prostitution”. Les injures proférées à l’encontre de Mme Bensedrine relèvent de la diffamation haineuse et de la pornographie. De plus, le titre qui a été donné à l’article paru dans al-Chourouk, “Quand la vipère réapparaît... nous l’écraserons sous nos talons”, est considéré par les avocats de Mme Sihem Bensedrine comme une véritable incitation au meurtre. La récente récompense reçue par M. Riahi, même si la décision avait été prise antérieurement, constitue alors un encouragement à ces pratiques journalistiques hautement condamnables qui relèvent de la diffamation et de l’injure.

Ce n’est pas la première fois que Mme Bensedrine est la cible de telles campagnes. En avril 2003 notamment, elle avait été accusée de trahir la cause arabe, alors qu’elle revenait d’une mission en Irak, sous occupation américaine depuis mars. Mme Sihem Bensedrine a également été plusieurs fois agressée. En janvier 2004, elle avait été agressée en pleine rue devant le siège du CNLT par un inconnu qui l’avait molestée en présence de deux acolytes. Tout porte à croire que cette agression avait été commanditée par les services de sécurité tunisiens, l’immeuble du CNLT faisant l’objet d’une surveillance constante (voir le rapport annuel 2004 de l’Observatoire).

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme exprime ses plus vives préoccupations face à cette nouvelle campagne de diffamation et à la caution qui vient d’être donnée par les autorités à l’un de ses auteurs. Ces faits constituent une violation flagrante de l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui prévoient que “nul ne sera l’objet (...) d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation”et qui garantissent le droit “à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes”, ainsi qu’à l’article 12.2 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme qui stipule que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne (...) de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”.

L’Observatoire prie les autorités tunisiennes de veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de menaces et de harcèlement à l’encontre de Mme Sihem Bensedrine, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et de garantir en toutes circonstances leur intégrité physique et psychologique.

L’Observatoire demande également aux autorités tunisiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations unies le 9 décembre 1998, notamment son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales au niveau national et international” et l’article 12.2 mentionné ci-dessus.

Plus généralement, l’Observatoire demande à la Tunisie, pays hôte du prochain Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), de se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi qu’aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme auxquels la Tunisie est partie.


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