Tunisie
24.05.06
Interventions urgentes

Tunisie : Les actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs se poursuivent

A la veille du 6ème congrès de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH),
la répression policière s’abat de nouveau sur les avocats tunisiens et les défenseurs des libertés fondamentales en Tunisie


Genève - Paris, le 24 mai 2006. L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, expriment leur indignation suite aux différents actes de harcèlement dont ont fait l’objet les défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie ces derniers jours.

En effet, le 23 mai 2006, un rassemblement d’avocats qui entendaient manifester contre la loi portant création d’un Institut de formation des avocats, adoptée le 9 mai 2006 par l’Assemblée nationale, et qui, selon le Conseil national de l’Ordre des avocats, porte atteinte à l’indépendance de la profession, a été violemment dispersé par la police près du Palais de justice de Tunis. Ainsi, près d’une vingtaine d’avocats se sont vus mettre à terre, roués de coups de pieds et de matraques, et insultés, dont Me Saïda Garrach, Me Abderrazak Kilani, membre du Conseil national de l’ordre des avocats tunisiens et membre du Centre tunisien pour l’indépendance de la justice (CTIJ), Me Ayachi Hammami, secrétaire général de la section de Tunis de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Me Samir Dilou, membre du bureau de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), Me Khaled Krichi, membre fondateur de l’AISPP et ancien secrétaire général de l’Association des jeunes avocats, qui ont été blessés. Me Abderraouf Ayadi, ancien membre du Conseil de l’Ordre, membre et ancien secrétaire général du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), s’est, quant à lui, vu déchirer sa robe d’avocat.

De surcroît, le bureau du Bâtonnier a fait l’objet d’une effraction, suivie d’une altercation entre les policiers et les membres du Conseil national présents sur place, qui ont tenté en vain d’empêcher les agresseurs de saccager le bureau, et d’emporter les documents confidentiels de l’Ordre national des avocats.

L’Observatoire rappelle que le 11 mai 2006, Me Ayachi Hammami, Me Abderraouf Ayadi, et Me Abderrazak Kilani, avaient déjà été agressés par des agents de la police politique, devant la Maison du Barreau des avocats, située en face du Palais de Justice à Tunis, alors qu’ils prenaient part à un sit-in afin de protester contre l’annonce, faite la veille, de la présentation du projet de loi mentionné ci-dessus (Cf. Appel urgent de l’Observatoire TUN 002/0506/OBS 059, daté du 12 mai 2006).

Par ailleurs, l’Observatoire rappelle que le 21 mai 2006, M. Yves Steiner, membre du Comité exécutif de la section suisse d’Amnesty International, a été interpellé par la police alors qu’il participait à l’Assemblée générale de la section tunisienne d’Amnesty International, à Sidi Bou Saïd, dans la banlieue nord de Tunis, avant d’être expulsé de Tunisie. M. Steiner avait prononcé un discours le 20 mai 2006 devant les membres de la Section tunisienne, dans lequel il avait dénoncé la multiplication des atteintes aux droits de l’Homme survenues ces derniers mois en Tunisie, notamment les entraves faites aux libertés d’expression et d’association.

Le lendemain, M. Hichem Ben Osman, membre du Comité exécutif de la section tunisienne d’Amnesty International, a été interpellé par la police sur son lieu de travail, à Sousse , puis conduit aux services du ministère de l’Intérieur à Tunis, où il a été interrogé sur le Congrès de la section et les débats qui s’y sont déroulés, avant d’être relâché le soir même.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits, qui illustrent une nouvelle fois les graves entraves posées à la liberté d’expression et d’association en Tunisie. Dans ce contexte, l’Observatoire exhorte les autorités tunisiennes à autoriser la tenue du 6ème Congrès de la LTDH, qui doit se tenir les 27 et 28 mai 2006.

De façon plus générale, l’Observatoire rappelle que la Tunisie est tenue de se conformer aux obligations internationales en matière de droits de l’Homme, et ce d’autant plus qu’elle a été élue au sein du nouveau Conseil des droits de l’Homme des Nations unies le 9 mai dernier, et en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel elle est partie, et la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies, notamment son article 1, qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » et, à cette fin, « de se réunir et de se rassembler pacifiquement » (article 5b).




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