Tunisie
13.01.11
Interventions urgentes

Répression violente et aveugle des manifestations sociales

COMMUNIQUEDE PRESSE

Tunisie: Répressionviolente et aveugle des manifestations sociales

Genève, 13 janvier 2011.L’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) exprime sa plus viveinquiétude quant à la situation en Tunisie et condamne fermement la répressionviolente des manifestations sociales d’ampleur nationale qui perdurent depuisla mi-décembre.

Selon les informationsreçues, les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants en fin de semainefaisant au moins une trentaine de morts et des dizaines de blessés dansplusieurs villes du pays, et notamment à Thala, Reguab, Meknassi et Kasserine.L’OMCT est également particulièrement préoccupée par des informations faisantétat d’exécutions sommaires lors de raids nocturnes dans ces villes. Hier, denouvelles manifestations ont eu lieu, notamment à Tunis. Il semblerait que lebilan se soit alourdi.

Les forces de l’ordre ontaussi procédé à des arrestations massives et violentes, notamment de défenseursdes droits de l’homme tels que des avocats, des journalistes et des bloggeursainsi que de personnalités politiques. Ainsi, M. Hamma Al Hammami, porte-paroledu Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) et époux de Me RadhiaNasraoui, avocate et défenseure des droits de l’homme, a été violemment arrêtédans la matinée du 12 janvier 2011, alors qu’il se trouvait à sondomicile. L’OMCT ignore où il se trouve détenu et craint pour sa sécurité. Lenombre exact de personnes détenues reste inconnu à l’heure actuelle mais l’OMCTse dit très inquiète pour leur intégrité physique et psychologique au vu durecours fréquent à la torture et aux mauvais traitements, en Tunisie, par lesforces de l’ordre.

Le mouvement decontestation social sans précédent dénonçant les conditions de vie, le chômage,la corruption et le déni des libertés fondamentales s’est déclenché à la suitede l’immolation par le feu de M. Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, pourprotester contre la décision des forces de l’ordre de lui confisquer sacharrette de fruits et de légumes, sa seule source de revenus. Desmanifestations dénonçant la pauvreté, le chômage et la corruption avaient déjàeu lieu dans le bassin minier de la région de Gafsa, en 2008. Celles-ci avaientégalement été violemment réprimées par les forces de l’ordre. L’OMCT avait, àcette occasion, exprimé sa crainte que ces évènements ne se répètent du faitd’un climat d’insécurité alimentaire, du déni des libertés fondamentales et del’érosion du droit au travail et à l’alimentation ainsi que le droit à un niveaude vie suffisant bien que garantis par les instruments internationaux ratifiéspar la Tunisie.

En effet, les rechercheseffectuées par l’OMCT ont montré à maintes reprises que le non-respect desdroits économiques, sociaux et culturels est souvent la cause profonde desviolences et que mettre fin à celles-ci nécessite des mesures ciblées abordantefficacement les demandes légitimes de la population pour le respect de sesdroits les plus basiques. Le Gouvernement tunisien, en sus de mettre fin immédiatementà la répression violente des manifestations marquée également par desviolations des droits économiques, sociaux et culturels, doit prendre desmesures immédiates et efficaces afin de garantir aux tunisiens, en particulieraux couches les plus pauvres de la population, le respect, la protection et lamise en œuvre effective de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

L’OMCT demande auxautorités tunisiennes de :

· mettre immédiatement un terme à la répression des manifestations et derespecter les libertés d’expression, d’association et de rassemblementpacifique ainsi que les standards internationaux en matière d’usage de laforce et des armes à feu, notamment le Code de conduite pour les responsablesde l’application des lois et les Principes de base des Nations unies sur lerecours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables del’application des lois ;

· libérer immédiatement et de manière inconditionnelle toutes les personnes,notamment les défenseurs des droits de l’homme incluant des avocats, desjournalistes et des bloggeurs ainsi que les personnalités politiques, dont M.Hamma Al Hammami, détenus arbitrairement lors de ces manifestations ; etla cessation immédiate de tout acte de torture et autres mauvais traitements;

· mettre en place une commission nationale d’enquête indépendante et impartiale,chargée d’enquêter sur les violations aux droits de l’homme commises, y comprisles cas d’exécutions extrajudiciaires et de torture et mauvais traitements,d’identifier les responsables et de les traduire, le cas échéant, en justice,avec octroi de réparations aux victimes et/ou à leurs familles ; lesrésultats de cette enquête devront être rendus publiques;

· mettre en œuvre, en coopération étroite avec les personnes directementconcernées et leurs représentants, des programmes de développement social,économique et culturel qui répondent efficacement aux besoins des tunisiens, ycompris dans les secteurs de l’emploi, l’accès à l’alimentation, l’accès à lasanté et à l’éducation, et ce conformément à leurs droits concrétisés dans lePacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.L’OMCT demande au Gouvernement de faire appel aux organes et agences compétentsdes Nations Unies, y compris le Bureau du Haut Commissariat aux Droits del’Homme, afin de l’assister dans ses démarches pour répondre aux droits destunisiens à cet égard;

· respecter les engagements internationaux en matière de droits de l’homme souscritspar la Tunisie avec invitation immédiate, sans réserve aucune, des Rapporteursspéciaux des Nations unies sur la torture ; l’indépendance des juges etdes avocats ; la liberté d'expression, les défenseurs des droits del’homme et les exécutions extrajudiciaires.

Contact: Anne-LaurenceLacroix, +41 22 809 49 39