Rapport alternatif sur la Suisse - 55ème Session du Comité contre la Torture
Au cours de la 55ème Session du Comité contre la torture, la Suisse sera un des trois pays examinés. Une coalition d’ONG composée d’Amnesty International, l’Association pour la prévention de la torture (APT), humanrights.ch, le Réseau suisse des droits de l’enfant, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSCAR), l’Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) Suisse, la Fédération internationale de l’ACAT (FIACAT) et l’OMCT a ainsi saisi cette opportunité pour rédiger un rapport alternatif dressant un tableau de la situation des droits de l’homme en Suisse dans le cadre de son septième rapport périodique pour le Comité contre la torture. En effet, la lutte contre la torture commence aussi et d’abord chez soi.
Une absence préoccupante de définition légale
En premier lieu, le rapport déplore le fait que le code de procédure pénale suisse ne considère pas à ce jour la torture comme une infraction explicite et distincte. Ce vide juridique permet alors à la police fédérale de faire acte de mécanismes subtils qui ne sont pas condamnables par la législation actuelle, mais qui pourtant le sont au sens de la Convention contre la torture. C’est notamment le cas en matière de lutte anti-terroriste. La coalition d’ONG appelle alors les autorités suisses à ancrer explicitement l’interdiction de la torture dans le code pénal afin de pouvoir procéder contre de tels agissements.
La situation des demandeurs d’asile n’est pas conforme aux standards internationaux
Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 3 de la Convention contre la torture : « Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture”. Dès lors, pour que ce principe de non-refoulement soit pleinement respecté, les demandeurs d’asile requièrent un accès au corps médical pour que les victimes de torture et de mauvais traitements soient identifiées ainsi qu’une assistance juridique.
Dans cette optique, une nouvelle procédure d’assistance juridique gratuite est testée en ce moment même à Zurich. La coalition espère que cette procédure sera acceptée par le parlement dans le cadre de la révision de la Loi sur l’asile.
Par ailleurs, le règlement européen Dublin III en vigueur depuis janvier 2014 interdit la détention pour le seul fait que quelqu’un ait demandé l’asile dans un autre état. Ce règlement a pour but de faire obstacle à la détention systématique des personnes censées être renvoyées dans un autre état. Or, la Suisse détient un grand nombre de personne en vue de leur renvoi vers un pays Dublin. Cette pratique de la détention dite administrative fait ressortir une grande disparité entre les différents cantons. Certains cantons l’utilisent en dernier ressort et de courte durée tandis que d’autres l’utilisent systématiquement et de manière précoce. En vertu du Règlement Dublin III, la détention administrative doit être la plus brève possible. Une amélioration doit être faite sur ce point.
Dans certains cas, les demandeurs d’asile sont soumis à des renvois forcés. La coalition d’ONG suisses s’inquiète d’une absence totale d’observateurs des droits de l’homme notamment pour les renvois forcés par bateau. Une meilleure surveillance est requise.
Le temps de la procédure, les demandeurs d’asile sont souvent hébergés dans des abris de la Protection civile. Or, le rapport alternatif dénonce qu’il est absolument inhumain de rester plus de trois semaines dans ces abris sans subir de graves séquelles.
La Suisse face aux problèmes de surpopulation carcérale et de conditions de détention désastreuses
Une des avancées notables en la matière fut l’introduction d’un avocat de la première heure dans le code de procédure pénale. Ce nouveau mécanisme juridique a considérablement diminué le risque de mauvais traitement.
Cependant, la surpopulation carcérale demeure un problème majeur en Suisse. Ce problème est particulièrement visible dans la prison de Champ-Dollon à Genève. La coalition sollicite des peines alternatives afin de pallier ce problème.
La surpopulation carcérale entraine de facto une détérioration des conditions de détentions. L’accès aux soins n’en est que plus difficile. Les détenus les plus vulnérables sont particulièrement affectés par la détérioration des conditions de détention. La pratique qui consiste à isoler les détenus souffrant de troubles mentaux demeure également problématique puisque ces derniers ne peuvent bénéficier d’un suivi thérapeutique adéquat. Par ailleurs, des mesures doivent être prises afin d’assurer que les détenu-e-s les mineurs soient séparés des autres détenu-e-s. Les ONG recommandent que les filles ne soient pas détenues seules et qu’un nombre suffisant de places dans des institutions spécialisées pour l’encadrement de filles mineures soient mises à disposition.
Alors que la Suisse sera auditionnée ce lundi 3 août, nous espérons que le Comité contre la torture prendra acte de ce rapport afin d’encourager les autorités suisse à se conformer aux exigences de la Convention contre la torture. Quand bien même le travail de la Commission national de prévention de la torture (CNPT) suisse est indéniablement une avancée dans la mise en œuvre des recommandations du Comité contre la torture il n’en demeure pas moins que les obstacles sont nombreux.
Les ONG Amnesty international, Kinderrechtnetzwerk, Femmes migrantes et violences conjugales, Intersex NGOs, Centre Suisse pour la défense des droits des migrants et humanrights.ch ont d’ores et déjà été entendu par le Comité ce jeudi lors d’une réunion de consultation privée coordonnée par l’OMCT en vue de préparer la session du 3 août.
Pour accéder au rapport dans son intégralité, veuillez cliquer ici : http://www.omct.org/fr/reports-and-publications/2015/07/d23289/