Les dix plus grands moments de justice du Réseau SOS-Torture en 2023
Triste bilan pour l’année 2023 : à Gaza, plus de 17 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été tuées ; en Ukraine, la guerre s'est intensifiée, avec plus de 27 000 victimes civiles à ce jour ; et au Bangladesh, plus de 20 000 personnes ont été arrêtées arbitrairement et plus de 8 000 blessées lors de manifestations, pour ne citer que trois exemples. Pourtant, notre Réseau et de nos partenaires ont réussi à obtenir cette année des résultats qui nous rendent extrêmement fiers. Voici les dix plus importants moments de justice de 2023 pour le Réseau SOS-Torture.
Après plus de trois ans de harcèlement judiciaire, dix défenseur.e.s des droits humains, dont des membres de notre organisation du réseau Karapatan, Gabriela, et notre partenaire, les Missionnaires ruraux des Philippines (RMP), ont été acquitté.e.s en janvier. Ils.elles avaient été accusé.e.s de parjure. L'affaire a débuté en 2019 à la suite d'une requête déposée par un haut fonctionnaire clé qui conseille le président sur la plupart des questions liées à la sécurité du pays et qui était alors conseiller à la sécurité nationale.
En février, la tant attendue loi thaïlandaise relative à la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées est entrée en vigueur. Cette loi est le résultat de la persévérance des victimes et de leurs familles, des groupes de la société civile, notamment la Cross Cultural Foundation, organisation membre de notre Groupe d’intervention judiciaire régional contre la torture et les mauvais traitements en Asie, des parlementaires et des autorités compétentes. Ensemble, ils.elles sont parvenu.e.s à faire établir un cadre juridique de prévention contre la torture et les disparitions forcées et de réparation pour les victimes et les survivant.e.s.
Dans un arrêt rendu en mars, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné l'Italie pour violation de la Convention européenne des droits de l'homme dans l’affaire de quatre migrants. Les requérants avaient été détenus arbitrairement à Lampedusa dans des conditions inhumaines et dégradantes et avaient été victimes d'une expulsion collective. Notre groupe de travail SOS-Torture « Migration et torture » en Afrique a soumis une tierce intervention pour mettre en lumière les conditions de détention inhumaines et dégradantes dans les centres de Lampedusa. Après plusieurs décisions controversées relatives à des affaires de détention et d’expulsion de migrants, cette décision, enfin respectueuse des droits des migrants, a été saluée.
En avril, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a constaté que quatre défenseurs du territoire autochtone de Mayangna Sauni, condamnés à la prison à vie par les autorités nicaraguayennes, avaient été victimes de tortures physiques, psychologiques et sexuelles en prison. Depuis 2022, ils sont détenus au secret dans des cellules de haute sécurité, dans des conditions inhumaines et dégradantes, et sans soins médicaux malgré leur état de santé extrêmement précaire. Ces personnes ont subi des tortures et des agressions sexuelles. La décision de la CIDH est le résultat d'un effort conjoint que nous avons mené avec le Center for Legal Assistance to Indigenous People (CALPI) et d'autres partenaires.
Elchin Mammad, avocat des droits humains et journaliste azerbaïdjanais, a été libéré en mai à la suite d'une grâce présidentielle accordée par le président Ilham Aliyev. Il avait été arrêté par des policiers à son domicile à Sumgait en 2020 après avoir publié en ligne un rapport critiquant la situation des droits humains dans son pays, et il avait été condamné arbitrairement à quatre ans de prison sur la base d'accusations forgées de toutes pièces pour vol et possession illégale d'armes à feu. Avec l'Observatoire pour la protection des défenseur.e.s des droits humains, nous avons plaidé en faveur de sa libération.
En mai, le gouvernement mexicain a présenté des excuses publiques à Damián Gallardo Martínez, un défenseur autochtone des droits humains qui avait été détenu arbitrairement et torturé. Cette décision fait suite à une procédure engagée devant le Comité des Nations unies contre la torture lequel a conclu en 2022 que M. Gallardo Martínez avait été victime de torture et sommé le Mexique de lui accorder une réparation complète et de lui présenter notamment des excuses publiques. Alors que Consorcio Oaxaca, organisation membre du réseau SOS-Torture, est intervenue pour défendre Damián Gallardo Martínez, l'OMCT lui a octroyé une aide d'urgence pour couvrir les frais de l’assistance médicale, psychologique et juridique dont il avait besoin.
La République démocratique du Congo (RDC) a mis en place un comité chargé de garantir des réparations aux victimes de violences sexuelles et de crimes contre l'humanité. L’OMCT, en collaboration avec Alliance pour l'Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF), membre de son réseau, et Association pour le Développement Socioéconomique du Kasaï (ADSKA), son partenaire proche, a demandé, en 2019, au Comité des Nations unies contre la torture d’exiger des mesures de réparation et de réhabilitation pour les victimes de violences sexuelles. Il s'agit d'une avancée remarquable étant donné que des viols systématiques et à d'autres formes de violence sexuelle à grande échelle ont été et continuent d’être commis en RDC : selon les estimations, entre 250 000 et 1 million de femmes ont été violées depuis le début du conflit armé dans les années 1990.
Dans un arrêt rendu en septembre, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu que la Russie était responsable « d’actes de violence ciblés » à l’encontre de Maksim Grigoryecich Lapunov « en raison de son orientation sexuelle ». La victime, homosexuelle, avait été arrêtée en Tchétchénie, détenue au secret et torturée pendant sa garde à vue. La Cour a mis en lumière les violations graves des droits humains commises à l'encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée. Nous avons soumis une tierce intervention dans cette affaire pour dénoncer l'échec flagrant du gouvernement à enquêter sur les actes de torture subis par les personnes LGBTIAQ+ en Tchétchénie, notamment dans le cadre de la « purge » anti-gays de 2017.
En collaboration avec l'IRCT et nos partenaires locaux, nous avons organisé une rencontre entre des familles, des survivant.e.s et des victimes de torture originaires de treize pays d'Amérique latine et le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture en Colombie. Les participant.e.s ont partagé leurs sentiments et leurs réflexions sur la longue marche vers la justice, la vérité et les mesures de réparation dans le cadre d’actes de violence soutenus par l'État. À l’issue de cette rencontre, a été adoptée la Déclaration de Bogota des victimes et survivant.e.s de la torture d'Amérique latine, un document unique dans lequel les victimes partagent leur expérience et demandent des réparations.
En décembre, SANAD, le programme d'assistance directe aux victimes de torture et d'autres formes et/ou de mauvais traitements de l'OMCT en Tunisie, a obtenu réparation pour Jamel Ouerghi. En 2016, Jamel a été brutalement torturé par la police. Il est resté dans le coma pendant près de quatre mois à la suite de graves blessures à la tête. Il a été transféré dans plusieurs hôpitaux pour y être opéré. À ce jour, il reste gravement handicapé. Après une bataille juridique de sept ans, la Cour d'appel a confirmé les peines d'emprisonnement de ses tortionnaires et lui a accordé une indemnisation.