L’abolition de la peine de mort reste une priorité en Afrique malgré de nombreux défis sécuritaires
Déclaration conjointe, 10 octobre 2020
Genève, Lomé - Le Groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Afrique appelle les chefs d’État et de gouvernement africains à soutenir l’adoption de la résolution relative à un moratoire universel sur l’exécution de la peine de mort et l’abrogation de la peine de mort en Afrique.
A l’occasion de la 18ème célébration de la journée mondiale contre la peine de mort, avec comme thème : « Avoir accès à un- e avocat-e : une question de vie ou de mort », les avocats membres du Groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Afrique et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) appellent les chefs d’État africains et les chefs de gouvernement à soutenir la Résolution sur le moratoire universel de l’exécution de la peine de mort, qui sera votée par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre 2020.
Au cours des dernières années, l’Afrique s’est clairement positionnée comme un continent abolitionniste puisque plus de 80% des pays y ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. L’abolition de la peine de mort en Afrique est devenue une priorité irréversible depuis que la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) a adopté la résolution ACHPR/Res.42(XXVI)9 invitant les États membres de l’Union africaine à observer un moratoire sur la peine de mort. Le 30 avril 2020, le Tchad confirmé cette tendance abolitionniste en dépit des nombreux défis sécuritaires qui avaient conduit à sa réintroduction en 2017.
En effet, au cours des dernières années, les défis sécuritaires liés au terrorisme qui traverse l’Afrique ont figé cette dynamique et crispé les efforts des parlements et des autorités judiciaires. De nombreux pays dans le bassin du lac Tchad ou dans la bande sahélienne ont reconsidéré les peines capitales comme instrument de lutte contre l’extrémisme violent. Mais la peine de mort n’a aucun effet dissuasif, et n’a pas permis de résoudre ces crises sécuritaires, ni de freiner leur amplitude.
Dans ces pays, «l'administration judiciaire, la police et l'administration pénitentiaire sont généralement considérées comme inefficaces, laxistes et responsables de l'impunité».[1] De même, la prolifération de lois anti-terroristes et des pratiques sécuritaires disproportionnées ont accru la pratique des détentions arbitraires, des stigmatisations communautaires, et des intimidations multiformes contre les défenseurs de droits humains. Dans un tel environnement tendu, où de nombreuses personnes sont accusées à tort ou à raison de participation à des actes terroristes, l’absence d’un avocat constitue déjà en soi un risque élevé de condamnation à mort. Le déni de l’accès à un avocat garantit l’absence d’un procès équitable et un risque élevé d’erreurs et de confusions judiciaires, ainsi que de condamnations injustes. La peine de mort est donc cruelle, inhumaine et contraire à la Convention contre la torture.
Pour rappel, en 2018, 20 États africains ont voté pour l’adoption d’un moratoire sur les exécutions des condamnations à mort démontrant ainsi qu’il y a lieu d’espérer un soutien plus large des chefs d’État et de gouvernement lors du vote pour l’adoption d’un nouveau moratoire en décembre en 2020.
Nous recommandons :
- Aux chefs d’États et de gouvernement, de soutenir la Résolution du moratoire à l’exécution de la peine de mort, en décembre 2020, à l’Assemblée générale de l’ONU et d'engager le processus de l’abolition de la peine de mort sur le plan national ;
- A la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, d’adopter le protocole à la Charte relatif à l’abolition de la peine de mort en Afrique ;
- Aux barreaux africains, de promouvoir la défense de toutes les personnes passibles de la peine de mort.
Les signataires :
Les avocats ci-dessous sont signataires de cette lettre :
- Maitre AMAZOHOUN Ferdinand, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
- Maitre DONOU Thérèse, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
- Maitre AMEGAN Claude, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
- Maitre DOUMBIA Yacouba, Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH)/ Cote d’Ivoire
- Maitre TRAORE Drissa, Organisation des Femmes actives de Côte d'Ivoire (OFACI)/ Cote d’Ivoire
- Maitre SOUILAH Mohsen, Centres SANAD/ Tunisie
- Maitre RAHMOUNE Aissa, Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADH)/ Algérie
- Maitre IBOUANGA Éric, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Congo) / République du Congo
- Maître NKONGHO Felix, Center for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA)/ Cameroun
- Maitre WEMBOLUA Henri, Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)/ RDC
- Maitre Annie Masengo, Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme (RDDH)/ RDC
- Maitre NODJITOLOUM Salomon, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT/TCHAD)
- Maitre Moudeina Jacqueline Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH)/ TCHAD
- Maitre NIYONGERE Armel, SOS-Torture Burundi/ Burundi
- Maitre NTIRANYUHURA Divine, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Burundi)
- Maitre Zaninyana Jeanne d’Arc Collectif des Avocats pour la Défense des Victimes de Crimes de Droit International commis au Burundi (CAVIB)/ Burundi
[1] Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, Étude sur la question de la peine de mort en Afrique, Adoptée par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples lors de sa 50ème Session ordinaire (du 24 octobre au 7 novembre 2011), Banjul, Gambie, https://www.fiacat.org/images/pdf/etude_question_peine_de_mort__afrique_2012_fra.pdf.
Pour plus d’information, veuillez contacter :
Justin Abalo Kitimbo BADJALIWA
Coordonnateur du Groupe d’intervention judiciaire/SOS-Torture en Afrique
Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
Tel : (+228) 90752937 / 98718761. Email : abalobadjaliwa@gmail.com