12.12.25
Déclarations

Burkina Faso : Le Groupe d’Intervention Judiciaire SOS-Torture en Afrique appelle l’Assemblée législative de la transition du Burkina Faso à ne pas adopter le projet de loi visant à rétablir la peine de mort

Lomé – Genève le 12 décembre 2025

Le Groupe d’Intervention Judiciaire SOS-Torture en Afrique (GIJ), a appris avec une vive inquiétude l’adoption au conseil des ministres du 04 décembre 2025, d’un projet de loi portant modification de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal. Sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière entre autres, ce projet de loi, prévoit le rétablissement de la peine de mort.

Vers un recul inquiétant du droit à la vie et à la dignité humaine

Abolitionniste de fait depuis 1988, date de la dernière exécution connue, l’Assemblée Législative de Transition du Burkina Faso a aboli la peine de mort le 31 mai 2018. Le projet de loi adopté par le Conseil des Ministres le 4 décembre 2025 visant à rétablir la peine de mort pour les crimes de haute trahison, les actes de terrorisme ainsi que les actes d’espionnage, marque un recul inquiétant quant au respect du droit à la vie et à la dignité humaine au Burkina Faso. Annoncé comme une mesure s’inscrivant dans le contexte de la lutte contre le terrorisme entre autres, le caractère irréversible de la peine de mort, comme sanction expose à de risques très élevés d’erreurs judiciaires irrémédiable alors que le caractère dissuasif de cette sanction n’a jamais été établi.

Le GIJ rappelle que le droit à la vie est un pilier fondamental des droits humains, protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, instruments ratifiés par le Burkina Faso. La peine de mort constitue également une violation de la Convention des Nations-Unies contre la torture, en ce qu’elle engendre des souffrances psychiques, voire physiques majeures pour la personne condamnée et ses proches, et ce avant et pendant l’exécution, en contradiction avec l’interdiction absolue de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Un risque de graves dérives au nom de la lutte contre le terrorisme

Cette étape vers une réinstauration de la peine capitale intervient alors que la situation au Burkina Faso est marquée par un musellement de la société civile et une répression des défenseur·es des droits humains et des journalistes, en particulier celles et ceux qui dénoncent les manquements des autorités militaires au pouvoir dans le pays. Le GIJ rappelle que Me Guy Hervé Kam, avocat et défenseur des droits humains, est toujours inculpé et détenu arbitrairement pour « complot et association de malfaiteurs », et que Me Ini Benjamine Esther Doli, avocate, a été reconnue coupable d’« outrage au chef de l’État » et « entreprise de démoralisation des forces armées » pour des propos diffusés sur son compte Facebook, et condamnée à un an de prison ferme le 10 novembre 2025.

Dans un contexte marqué par l’insécurité et la montée de l’extrémisme violent et du terrorisme dans le pays, il est à craindre que la peine de mort soit utilisée comme un outil de répression politique envers les défenseurs des droits humains et journalistes qui peuvent être la cible d’accusations de complicité avec des groupes terroristes au mépris des garanties juridiques fondamentales.

Au moment où la tendance sur le continent africain est tournée vers l’abolition de la peine de mort, le Burkina Faso, se doit de respecter les engagements internationaux.

Le GIJ appelle les autorités burkinabés à :

  • Abandonner la réforme législative visant à rétablir la peine de mort ;
  • Promouvoir des peines alternatives respectueuses des droits fondamentaux ;
  • Renforcer les garanties du droit à un procès équitable pour toute personne accusée, y compris pour les infractions liées au terrorisme.

Les signataires :

Les Avocats ci-dessous sont signataires de cette déclaration :

Maître Djerandi Laguerre Dionro, Avocat au Barreau du Tchad

Maître AMAZOHOUN Ferdinand, Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT)/Togo

Maître AMEGAN Claude, Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT)/Togo

Maître DOUMBIA Yacouba, Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH) / Côte d’Ivoire

Maître RAHMOUNE Aissa, Collectif de Sauvegarde de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (CS-LADDH) / Algérie

Christian LOUBASSOU, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Congo) / République du Congo

Maître NKONGHO Felix, Center for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA)/ Cameroun

Maître WEMBOLUA Henri, Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)/ RDC

Maître Annie MASENGO, Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme (RDDH)/RDC

Maitre NODJITOLOUM Salomon, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT/TCHAD)

Maître NIYONGERE Armel, SOS-Torture Burundi/ Burundi

Maître ZANINYANA Jeanne d’Arc Collectif des Avocats pour la Défense des Victimes de Crimes de Droit International commis au Burundi (CAVIB)/ Burundi

Maître KADIDIATOU Hamadou, Association pour la Défense et la Protection et l’Enfant et de la Femme (ADEPE-F/ESPOIR) / Niger

Maitre NKONGME Dorcas Mirette, Center For Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA)

Maître SOUILAH Mohsen, Centres SANAD/ Tunisie

Maître KWAMBA TSIHINGEJ Frédéric, AFIA MAMA / RDC

Maître TRAORÉ Drissa, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire

Alexandrine TCHEKESSI, Directrice exécutive, Changement Social Bénin

Le groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Afrique est un groupe d’avocats du réseau SOS-Torture de l’OMCT qui vise à contribuer à renforcer la prévention, la responsabilisation et la réparation des cas de tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est constitué de 16 avocats africains et se trouve sous le parrainage de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT).

Pour plus d’informations, veuillez contacter : Guy Valère BADANARO, Coordonnateur du

Groupe d’intervention judiciaire/SOS-Torture en Afrique ; Collectif des associations contre

l’impunité au Togo (CACIT) / Tel :(+228) 91 34 14 77. Email : guyvalre1@gmail.com