Maroc et Sahara occidental
29.07.22
Déclarations

Maroc: Mauvais traitements en détention contre le journaliste Soulaiman Raissouni

Paris-Genève, le 29 juillet 2022 – Après plus de deux ans de détention arbitraire, le journaliste Soulaiman Raissouni s’est vu confisquer ses effets personnels lors de son transfert injustifié dans une nouvelle prison. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT) déplore cette nouvelle attaque contre le journaliste et les mauvais traitements qu’il subit en prison, et appelle les autorités marocaines à le libérer immédiatement, ainsi que tous les défenseurs des droits humains arbitrairement détenus dans le pays.

Dans la soirée du 27 mai 2022, M. Soulaiman Raissouni, ancien rédacteur en chef du journal indépendant arabophone Akhbar Al Yaoum, connu par ses éditoriaux critiques envers la performance des services de sécurité et du parquet marocains, a été transféré de la prison d’Oukacha, à Casablanca, à la prison d’Ain Borja, dans la même ville. Aucune raison n’a été donnée à M. Raissouni ou à ses avocats pour expliquer ce transfert. À cette occasion, tous les documents qu’il avait rédigés pendant sa détention, y compris son journal de prison et son projet de roman, lui ont été confisqués par les autorités pénitentiaires. La plaidoirie qu'il avait rédigée et que le juge l'avait autorisé à apporter aux audiences et à lire devant le tribunal lui a également été confisquée. En outre, ses affaires, et en particulier ses livres, ont été endommagés, toutes les pages contenant des mots ou des notes écrites dans la marge ayant été arrachées.

Pour protester contre ces atteintes manifestes à ses droits fondamentaux, M. Raissouni a décidé de refuser de bénéficier de son droit à la visite de sa famille, de son droit à communiquer avec ses avocats (sauf une fois) et de son droit à la promenade. Dans ces conditions, il n’est plus possible d’obtenir d’informations fiables sur son état de santé et ses conditions de détention, ce qui engendre un risque accru de mauvais traitements de la part des autorités pénitentiaires.

L’Observatoire rappelle que Soulaiman Raissouni a été arrêté le 22 mai 2020 à Casablanca et placé en détention provisoire à la prison d’Oukacha, pour « attentat à la pudeur avec violence et séquestration » suite à un message anonyme publié sur les réseaux sociaux l’accusant de tentative de viol suivis d’une plainte déposée contre lui, accusations qu’il a toujours réfutées. Le 23 février 2022, la Cour d’appel de Casablanca a condamné M. Raissouni en appel à cinq ans de prison ferme et 100 000 dirhams (environ 9 365 Euros) de dédommagement au profit du plaignant pour « atteinte à la pudeur avec violence et séquestration », confirmant ainsi le jugement rendu à son encontre en première instance par le Tribunal d’appel de Casablanca le 9 juillet 2021.

Au cours de sa détention, pour protester contre sa détention arbitraire et revendiquer son droit à un procès équitable, Soulaiman Raissouni a mené une grève de la faim qui a duré 122 jours et a engendré une détérioration significative de son état de santé. Il n’a, en outre, pas eu accès à un suivi médical approprié et a été privé de visites familiales pendant plusieurs semaines pour divers motifs. Par ailleurs, le procès et les procédures menées à l’encontre de M. Raissouni depuis son arrestation ont été entachées de multiples irrégularités et de violations manifestes du droit à un procès juste et équitable, telles que les refus de le transporter au Tribunal pour qu’il puisse assister à son audience, la non admission des témoins à décharge et de toutes preuves présentées par la défense ou encore le non respect de la présomption d’innocence.

L’Observatoire rappelle également que deux autres journalistes marocains connus pour leurs prises de positions en faveur des droits humains MM. Omar Radi et Imad Stitou sont respectivement, détenu arbitrairement et poursuivi, et ont écopé de lourdes condamnations en appel.

L’Observatoire dénonce ces nouveaux actes de harcèlement à l’encontre de Soulaiman Raissouni, qui violent les standards internationaux en matière de droits des personnes détenues. L’Observatoire appelle les autorités marocaines à restituer sans délai à M. Raissouni ses écrits, à lui garantir des conditions de détention dignes et à se conformer à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), en particulier aux règles 3, 24, 56, 58, 61 et 73. L’Observatoire exhorte les autorités marocaines à libérer immédiatement M. Raissouni, ainsi que tous les autres défenseurs des droits humains arbitrairement détenus dans le pays.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (l'Observatoire) a été créé en 1997 par la FIDH et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Son objectif est de prévenir ou de remédier aux situations de répression à l'encontre des défenseurs des droits humains. La FIDH et l'OMCT sont toutes deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de défense des droits humains de l'Union européenne mis en œuvre par la société civile internationale.