République démocratique du Congo
15.03.21
Déclarations

République démocratique du Congo : 111 personnes détenues arbitrairement

Auteurs présumés dans l'affaire Ngezayo, arrêtés à Goma ©AUDF

Déclaration conjointe

Genève et Afrique, le 15 mars 2021.

Les membres du Groupe d’Intervention Judiciaire du Réseau SOS Torture (GIJ SOS Torture)1 en Afrique s’inquiètent de la détention arbitraire d’environ 111 personnes depuis le 3 novembre 2020, à la suite à l’assassinat de Monsieur SIMBA NGEZAYO à Goma. Ces personnes sont détenues, sans considération des garanties juridiques fondamentales prévues par la Constitution, les Instruments internationaux pertinents et les lois de la RDC. Le Président de la République de la RDC s’était pourtant engagé à mettre un terme aux pratiques arbitraires et abusives des services de sécurité et de justice de son pays.

A la suite de l’assassinat de Monsieur SIMBA NGEZAYO, des procédures judiciaires et enquêtes politiques dans lesquelles s’entremêlent des conflits fonciers et des règlements de compte menacent gravement les libertés fondamentales des personnes accusées. La Commission d’enquêtes censée investiguer cette affaire ne respecte pas les dispositions constitutionnelles et légales (articles 17,18 et 19 de la Constitution) sur les droits des accusés notamment à l’assistance d’un avocat et à un procès équitable.

A la prison militaire de Ndolo où elles sont détenues, 49 des personnes arrêtées allèguent n’avoir reçu ni convocations ni mandats et avoir parfois subi des brutalités policières pendant leur arrestation et leur transfert, à des milliers de kilomètres des membres de leurs familles, en plus d’être privées de communication et du droit d’accéder à la cantine. Autres cas abusif: une fille mineure âgée de 16 ans a été placée à la prison militaire de Ndolo au milieu des adultes. Par ailleurs, 62 autres personnes poursuivies dans cette affaire ont été transférées de la prison centrale de Goma (Munzenze) à la prison militaire de Ndolo, sans être préalablement soumis au test du Covid-19, alors que certaines d’entre elles présentaient des signes de contamination.

En dépit des allégations des détenus et des séquelles physiques des actes de torture subis, les magistrats n’ont pas estimé qu’il y avait sufisamment d'indices pour prescrire une enquête et ordonner l’accès à des soins médicaux.

La multiplicité d’acteurs impliqués dans l’instruction de cette affaire lui enlève son caractère indépendant et risque d’en faire une affaire politique. En effet la Commission d’enquête établie par le Chef de l’État n’est pas la seule qui en a la charge puisque l’auditorat militaire général a ordonné des arrestations massives de manière abusive sans que son rôle ne soit clairement déterminé et au mépris de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle congolaise sur le respect de la compétence territoriale du lieu de la commission des faits notamment les juridictions de Goma.

D’ailleurs, dans ses Observations finales du 9 mai 2019, le Comité contre la torture, a recommandé l’incompétence des juridictions militaires à juger ou détenir des civils dans des prisons militaires et l’interdiction de la détention préventive abusive et prolongée.

Les membres du Groupe d’Intervention Judiciaire du Réseau SOS Torture en Afrique recommandent :

  • Au Président de la République de la RDC et le Conseil supérieur de la Magistrature : de veiller au respect des droits de la défense et de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire dans cette affaire, en séparant avec toute transparence l’Auditorat Général, de la Commission d’enquête présidée par son Conseiller spécial en matière de sécurité ;
  • A l’Auditorat Général et Aux Magistrats : d’attribuer l’Affaire aux Magistrats indépendants, de respecter le principe de l’exceptionnalité de la détention, de libérer immédiatement les personnes arrêtées arbitrairement et de poursuivre en justice les personnes sérieusement soupçonnées dans l’assassinat de feu SIMBA NGEZAYO, tout en laissant les conflits fonciers aux juridictions compétentes.

Les signataires, membres du GIJ-SOS Torture Afrique

  • Maitre AMAZOHOUN Ferdinand, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
  • Maitre AMEGAN Claude, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
  • Maitre DOUMBIA Yacouba, Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH)/ Cote d’Ivoire
  • Maitre TRAORE Drissa, Organisation des Femmes actives de Côte d’Ivoire (OFACI)/ Cote d’Ivoire
  • Maitre SOUILAH Mohsen, Centres SANAD/ Tunisie
  • Maitre RAHMOUNE Aissa, Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADH)/ Algérie
  • M. Christian Loubassou, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Congo) / République du Congo
  • Maître NKONGHO Felix, Center for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA)/ Cameroun
  • Maitre WEMBOLUA Henri, Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)/ RDC
  • Maitre Annie Masengo, Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme (RDDH)/ RDC
  • Maitre NODJITOLOUM Salomon, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT/TCHAD)
  • Maitre Moudeina Jacqueline, Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (ATPDH)/ TCHAD
  • Maitre NIYONGERE Armel, SOS Torture Burundi/ Burundi
  • Maitre NTIRANYUHURA Divine, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Burundi)
  • Maitre Zaninyana Jeanne d’Arc, Collectif des Avocats pour la Défense des Victimes de Crimes de Droit International commis au Burundi (CAVIB)/ Burundi

(1) Le groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Afrique, est un groupe d’avocats du réseau SOS-Torture de l’OMCT, qui vise à contribuer à renforcer la prévention, la responsabilisation et la réparation des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est constitué de 16 avocats africains et est sous le parrainage de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et le Collectif des Cssociations Contre l’Impunité́ au Togo (CACIT).

Pour plus d’information, bien vouloir contacter :

  • CACIT: Justin Abalo Kitimbo BADJALIWA

Coordonnateur du Groupe d’Intervention Judiciaire/SOS-Torture en Afrique

Tel : (+228) 90752937 / 98718761. Email : justcacit@gmail.com

  • AUDF: Henri WEMBOLUA OTSHUDI,

Président

Tél. :+243816582458 Email: audfrdc@gmail.com site : www.audf-rdc.org

  • OMCT: Iolanda Jaquemet,

Directrice de la communication
Tel: (+) 41 79 539 41 06, Email: ij@omct.org