Philippines
25.11.21

Philippines : Jomary, enfermé pendant 10 ans pour le vol d’un câble

Jomary a passé 10 ans en prison aux Philippines pour avoir volé un câble d’une valeur de 300 $. Grâce à l’OMCT, il est libéré un jour de mai 2020.

La porte s’ouvre, Jomary respire l’air du dehors. Dans la rue, sa mère l’attend comme elle le fait depuis des années. À sa joie de la retrouver se joint une sensation étrange : peut-être la peur de la liberté. A 25 ans, Jomary a déjà passé 10 ans en détention. Dix ans sans prendre de décision pour lui-même, 10 ans sans penser à son prochain repas, 10 ans sans sa famille. La voix tremblante, il évoque un père dur : « il m’a dit : tu ne vaux rien. » Battu, abandonné avec cinq petits frères et sœurs, Jomary dérive. A neuf ans, il vit dans la rue. Il fume, boit et se bat pour survivre. Ce n’est qu’une question de temps avant que la police ne l’arrête pour le vol d’un câble dans un chantier. L’objet vaut 300 $, il lui coûtera 10 ans de sa vie. Jomary a 15 ans lorsque les policiers l’emmènent sur un terrain vague et le torturent pendant une semaine. « J’ai pensé que personne ne viendrait me chercher, que j’allais mourir ici.»

Une peine de 10 ans de prison pour un délit qui valait six mois

Au centre de détention où il finit par être envoyé, éducateurs et adolescents vivent dans la confrontation. « J’étais seul, je ne pouvais parler à personne. J’avais peur que mes propos ne soient rapportés au juge. » Mais la violence de certains adultes révolte Jomary : « Comme ils n’ont pas le droit de battre les enfants, ils s’arrangent pour que les enfants se frappent entre eux. » Jomary dénonce ces abus et en paye le prix. « Les éducateurs perdaient mes dossiers, mes audiences étaient reportées, je recevais de mauvaises notes de comportement… Ils faisaient tout pour me maintenir en prison. » Il y restera neuf ans et demi de plus que la peine maximale autorisée dans son cas : six mois. Ces neuf ans et demi auraient pu lui servir à se réintégrer dans la société et à se réconcilier avec sa famille. Car la plus grande blessure de Jomary, c’est toujours celle de son père, brutal et absent. « Pendant des années j’ai attendu une visite de lui. Il n’est jamais venu. »

« Aux Philippines, la justice, c’est pour les riches »

Mais Jomary n’est pas seul. L’OMCT et ses partenaires l’accompagnent dans son combat contre un système qui broie les plus faibles. « Aux Philippines, la justice, c’est pour les riches », regrette le jeune homme. Aujourd’hui, grâce à la bataille judiciaire menée par Cristina, avocate à l’OMCT, Jomary est sorti de prison depuis un an. De retour dans sa famille, il cherche à gagner sa vie. Son rêve : devenir soudeur de métaux. Mais Jomary doit d’abord finir ses études, bouleversées par de longues périodes de mises à l’isolement. Avec le soutien de ses proches, il a toutes ses chances. « Mon père et moi, nous nous sommes réconciliés», raconte-t-il, apaisé. « Il m’a dit, j’ai été dur avec toi, mais c’est pour ton bien, car tu es mon fils. » Dans ces mots, Jomary entend la déclaration d’amour qui aurait pu changer le cours de sa vie. « Je lui ai dit qu’il devait mieux s’occuper de ses autres enfants s’il ne voulait pas qu’ils finissent comme moi. » C’est l’une des pires craintes du jeune homme : que l’un.e ses frères et sœurs aille en prison.

Dans les rues de General Trias, d’où vient Jomary, et de beaucoup d’autres villes des Philippines et du monde, des enfants sont livrés à eux -mêmes, sans famille ni système de soutien. Ce sont des victimes parfaites pour un système judiciaire inhumain. Nous ne pouvons pas effacer les traumatismes familiaux mais nous pouvons forcer la justice à protéger les plus vulnérables. C’est pour eux que nous nous battons tous les jours.