République démocratique du Congo
26.06.15
Rapports

Les Prisons dans les Kivu : Arbitraire et atteintes aux droits humains - Publication du rapport d'étude OMCT/AEDH



Genève, Lyon, 26 juin 2015

A l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture,l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et Agir Ensemble pour les Droits del’Homme (AEDH) présentent un rapport d’enquête sur la situation carcérale dans lesprovinces du Nord et du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo (RDC), etdemandent une réforme du système pénitentiaire congolais.

Les conditions d’incarcération au Nord et Sud Kivu sont intolérables. Le rapport d’enquêterévèle « une quasi faillite » dun système pénitentiaire négligé par les autorités. Caractériséespar des infrastructures inadaptées ; un personnel en nombre insuffisant, mal formé etdélaissé par son administration de tutelle ; des rations alimentaires quasi inexistantes danscertains lieux de détention ; des difficultés d’accès à l’eau courante ; un défaut de prise encharge sanitaire ou encore un manque de sécurité pour les prisonniers, ces conditions dedétention apparaissent comme une atteinte à la dignité humaine et sont en contradictionavec l’Ensemble des Règles Minima pour le traitement des détenus.

Au Sud-Kivu, Aminata Dieye (membre du Conseil exécutif de l’OMCT) déplore lasurpopulation des lieux de privation de liberté visités. Elle s’alarme de l’augmentationconstante du taux d’occupation des prisons et des répercussions pour la sécurité desdétenus. Le maintien de l’ordre est systématiquement délégué par l’administrationpénitentiaire à un petit groupe de détenus. A sa tête, le Capita général, le plus souvent undétenu militaire, dispose de privilèges octroyés par la Direction de la prison. Cetteadministration parallèle terrorise les autres détenus, les rançonne et se rend coupabled’actes de torture à leur encontre.

L’OMCT et AEDH appellent les autorités congolaises à désengorger urgemment les prisonsen limitant le recours à la détention préventive pour des délits civils, y compris pour lesmineurs, et en privilégiant des peines alternatives à la détention.

Au Nord Kivu, Eric Sottas (ancien Secrétaire Général de l’OMCT) a observé une corruptionmassive au sein des lieux de privation de liberté. Les détenus sont contraints de payer un« droit d’entrée » dont le tarif fluctue en fonction de leurs statuts. Les militaires sont moins taxés que les civils et les officiers moins que leurs subalternes. Les détenus ne pouvants’acquitter du montant exigé sont battus par l’administration parallèle et soumis à destraitements dégradants.

Un mécanisme national de prévention (MNP) doit également être mis en place en conformité

avec le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradant, ratifié par la République démocratique duCongo. Dans cette optique, une collaboration étroite doit être initiée entre les systèmesjudiciaires, pénitentiaires et la société civile, aboutissant à la création d’un mécanismeindépendant de surveillance des lieux de détention.

Contexte :

Ce rapport est le résultat de deux missions réalisées dans des lieux de détention au Nord etSud-Kivu, en République démocratique du Congo, par l’Organisation Mondiale contre laTorture sous mandat d’Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, dans le cadre du projetDECLIK (Développer et Conforter les Initiatives des défenseurs de l’Homme et de la sociétécivile dans les Kivu) cofinancé par lUnion européenne. Une première mission a été menée auNord-Kivu du 10 au 14 avril 2014, et une seconde au Sud-Kivu du 3 au 13 février 2015.

Lors de ces missions, les délégations ont pu visiter 7 prisons, 12 cachots, 8 postes de laPolice Nationale Congolaise (PNC), 4 postes du Deuxième service de techniciens derenseignement militaire (T2), 1 poste de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), 3parquets, 3 auditorats militaires, rencontrer les autorités judiciaires et administratives, desorganisations de la société civile congolaise et s’entretenir avec des détenus. Au Nord et auSud-Kivu, des représentants des ministères provinciaux de la justice ont accompagné lesdélégations durant les visites.

L’OMCT et AEDH enjoignent l’Etat congolais de prendre des mesures concrètes en vued’améliorer les conditions de détention dans ces deux provinces


Le rapport est disponible en téléchargement ici: OMCT-AEDH_Rapport_RDC_Juin2015_FR