Maroc et Sahara occidental
25.01.18
Rapports

Victimes d'attaques croissantes, des associations des droits humains progressivement muselées

COMMUNIQUE DEPRESSE - L'OBSERVATOIRE

Lire la note : http://www.omct.org/files/2018/01/24689/obs_maroc_fr.pdf


Paris-Genève, le 25 janvier 2018 – L’Observatoire pour la protection desdéfenseurs des droits de l’Homme (un partenariat FIDH-OMCT) publie aujourd’huiune note décrivant le rétrécissement de l’espace de travail pour la sociétécivile indépendante au Maroc, qui affecte un nombre grandissant d'associationsde défense des droits humains. Contraintes et harcèlement administratif sapentles avancées constitutionnelles de 2011,obtenues dans le sillage du Mouvement du 20 février et du « printempsarabe ».

En 2011,le Maroc s’était doté d’une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, etgarantissant davantage de libertés et de droits humains. Elle consacraitnotamment les libertés d’opinion et d’expression ; d’association ; derassemblement et de manifestations pacifiques. Le Royaume est par ailleurs liépar les obligations juridiques contenues dans les nombreuses conventionsinternationales qu’il a ratifiées.

Toutefois,en raison des sujets qu'elles défendent, certaines organisations nongouvernementales (ONG) de défense des droits humains opèrent dans un contextetoujours plus défavorable, les droits inscrits dans la Constitution étant demoins en moins respectés par les autorités administratives et policières. Cettedégradation s’est accélérée en 2014, suite au discours du Ministre del’intérieur devant le parlement. Il y accusait les associations de défense desdroits humains de recevoir des fonds de l’étranger pour mener des actionsnuisant à la sécurité et à l’image du Maroc.

La notedétaille notamment comment trois procédés sont utilisés par les autoritésmarocaines pour entraver leurs activités. Les entraves dans les procéduresd'enregistrement (refus de dépôt, délais)[1], y compris pour des associations emblématiques de défense des droitshumains au Maroc[2], les empêchent d’exister juridiquement, d’ouvrir un compte en banque,d’obtenir un local, et de se pourvoir en justice. En outre, lesactivités (manifestations, réunions publiques)[3] organisées par les ONG sont régulièrement interdites. Enfin, leur accès aux financementsest entravé par l’absence d’enregistrement ou de récépissé définitif[4], empêchant les ONG d’ouvrir un compte bancaire et limitant leuraccès aux financements. Cet accès est devenuencore plus problématique avec la nouvelle obligation faite aux bailleurs defonds internationaux de contacter le ministère des Affaires étrangères marocainavant tout financement accordé aux associations marocaines[5]. Si ce nouveau dispositif de mars 2017 vise officiellement à luttercontre le financement des groupes terroristes, il est à craindre qu’il puisseêtre utilisé afin de contrôler le financement des ONG indépendantes etcritiques de la situation des droits humains au Maroc.

Cetétouffement progressif des associations indépendantes s’effectue alors que lepays est confronté à de nouveaux mouvements sociaux depuis fin 2016.

« Alorsque la contestation et les manifestations dans le Rif risquent de dégénérer ennouvelles violences, il est essentiel que le pays respecte sa propreConstitution et ses engagements internationaux en matière de libertéd’expression, d’association et de rassemblement. Le Maroc doit égalementgarantir la sécurité des membres et locaux des ONG de défense des droitshumains » remarque ainsi HafidhaChekhir, vice-présidente de la FIDH.

Enfin,malgré une jurisprudence favorable aux ONG de défense des droits humains, lesautorités marocaines interdisent de façon quasi-systématique les activités desONG étrangères ou leurs branches marocaines. Ainsi, Transparency Maroc,association de lutte contre la corruption, a vu ses activités interdites àplusieurs reprises depuis 2013. Plusieurs fois, des juristes et observateursinternationaux ont été expulsés. Amnesty International et Human Rights Watch nesont par exemple plus autorisées à mener leurs enquêtes dans le pays.

« Larhétorique gouvernementale amalgame volontairement le travail des ONG de défensedes droits humains au terrorisme et à l’extrémismereligieux. L’hostilité à leur encontre, qui prend parfois la forme deharcèlement judiciaire, doit cesser de manière immédiate » a dénoncé Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT.

L'Observatoireappelle les autorités marocaines à mettre un terme aux entraves à la libertéd'association, et à respecter l'ensemble des droits garantis par lesinstruments internationaux et régionaux de protection des droits humainsratifiés par le Maroc, en particulier s’agissant de la liberté d’association,de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique et d’expression.

La note est disponible en français et en arabe.

L’Observatoire,partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT),a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes deviolations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH etl’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européennepour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civileinternationale.

Pour plus d'informations, merci decontacter :

FIDH :Samuel Hanryon : +33 6 72 28 42 94 / Audrey Couprie : +33 6 48 05 9157

OMCT :Delphine Reculeau : +41 22 809 49 39

[1] [1] Le Réseau des associations victimes d’interdiction (RAVI) recense ainsi60 refus d’enregistrement entre 2014 et 2015.

[2] [2] Des associations sahraouies, seule l’Associationsahraouie des victimes des violations graves des droits de l’Homme commises parl’État du Maroc (ASVDH) a été autorisée à s’enregistrer par les autoritésmarocaines en 2015, 10 ans après le dépôt de sa demande.

[3] [3] Début 2017, l’AMDH estimait que 125 de sesréunions, conférences et évènements avaient été interdits depuis juillet 2014.L’AMDH est visée depuis juin 2017 par une demande de retrait de lareconnaissance d’utilité publique par le ministère de l’Intérieur. Ce dernierlui reprochant son soutien aux mouvements sociaux du Rif, les dénonciations decas de tortures, et son soutien aux détenus sahraouis du procès Gdeim Izik.

[4] [4] La non-délivrance du récépissé d’enregistrementempêche notamment les ONG d’ouvrir un compte bancaire et limite ainsi leuraccès aux financements.

[5] [5] Dans une note datée du 27 mars 2017, et adressée aux bailleurs de fondsprésents au Maroc (missions diplomatiques et consulaires ; Représentationsspécialisées du système des Nations unies ; organisations régionales etagences de développement), le ministère des Affaires étrangères et de laCoopération marocain enjoint celles-ci à l’informer systématiquement de touteinteraction, accord ou financement à conclure avec des organisationsnon-gouvernementales marocaines.